Automne, mélancolie et plus si affinités…
La mélancolie est une maladie qui consiste à voir les choses comme elles sont.
- Gérard de Nerval
Sur les bords des fleuves de Babylone, nous étions assis et nous pleurions en nous souvenant de Sion. Nous avions suspendu nos harpes aux saules du voisinage.
- Psaume 137:1-2
Nous voici à nouveau au cœur de la saison préférée des romantico-mélancoliques invétérés. Cela a pris un peu plus de temps cette année, mais tous les ingrédients sont là. Brouillard matin et soir, explosions de couleurs chez les feuillus, petite pluie fine et persistante en lutte avec des cieux bleus dignes d’un matin de juin. Les amateurs de champignons ne répondent plus au téléphone, même s’ils savent qu’arpenter les forêts hantées par les chasseurs ressemble à une partie de roulette russe. Nous avons aperçu un peu de givre sur la débâcle des potagers arrivés au bout de leur âge. Les chaussettes chaudes, les tisanes et les parapluies sortent des armoires, les premiers rubans de fumée s’accrochent aux cheminées et se perdent dans les nuages…
Je dois me reprendre en main et mettre un terme à ces images automnales avant de vous avoir totalement perdus, mais une chose est certaine, vous l’avez à présent compris, j’aime l’automne.
Je vais éviter de me lancer dans une autre liste interminable sur les raisons de cet amour — l’amour a-t-il a d’ailleurs besoin de raisons…
J’aimerais simplement m’arrêter un instant sur la mélancolie qui est attachée à l’automne. Je me suis longtemps interrogé sur l’attrait qu’elle exerce sur mon âme. Je suis un optimiste endurci, mais j’ai besoin de doses mesurées de mélancolie pour aller bien. Comme la plupart d’entre vous, mes frères et sœurs en humanité, j’ai une capacité naturelle et puissante à vivre dans le déni, à traverser la vie sans la voir, à exister plutôt qu’à vivre. On finirait par croire que nous descendons plus de l’autruche que du singe.
Cette tragique capacité à mettre la tête sous le sable, à m’activer en devenant étranger à moi-même et aux autres, déconnecté de mes véritables besoins, coupé de ma source, m’entraîne à passer à côté de la vie, la vraie, celle qui a du sens et qui dure éternellement.
Je le sais, je l’ai compris, je le lis, je l’écris, je l’explique aux autres, mais je ne suis pas pour autant immunisé contre le fléau de l’indifférence, de la superficialité, de la triste vie à la surface.
Je possède pourtant dans ma pharmacie de l’âme quelques élixirs pour combattre ce mal. Certains ne sont disponibles que sur prescription du Grand médecin, ils sont soit très amers — les grosses épreuves — ou extrêmement doux : les miracles de la grâce. Je ne les maîtrise pas, je peux juste y consentir lorsqu’ils me sont administrés.
La mélancolie, pour moi, et je souligne « pour moi » – nous sommes heureusement tous différents – est une potion efficace. En égratignant, sans dommages irréversibles, la surface de mon âme, elle ouvre mes yeux sur le réel, elle me reconnecte avec moi-même et par là, me rend à nouveau conscient de mon besoin d’être aussi connecté « En Haut » et avec les autres. C’est pour cela que « hors automne » j’ai une playlist bien fournie en morceaux qui « me touchent », comprenez par là, mélodies et texte mélancoliques.
Il y a une autre raison pour laquelle j’aime la mélancolie, elle est pour moi source d’espérance. Par un renversement quelque peu étrange, j’ai retourné la mélancolie du Jardin perdu en une mélancolie de celui à venir, chaque fois que j’ai le cœur serré par les regrets de ne plus avoir accès au paradis initial, je convertis cette émotion en nostalgie du futur.
Comme je l’ai déjà dit, nous sommes tous différents, et je serais heureux si vous voulez me contacter pour me partager ce qui vous touche et vous permet de rentrer en vous-même, je vous écouterais avec le plus grand plaisir.
Et si, par le plus grand des hasards, l’automne vous emmène, par des sentiers détournés qui ne sont jamais les plus courts, à désirer vivre dans une conscience accrue de sa présence, à pratiquer la nostalgie du futur, je vous souhaite un beau voyage en mélancolie heureuse.
Mélancoliquement vôtre,
Philip
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