La perfection dans l’équilibre…
Il est aussi noble de tendre à l’équilibre qu’à la perfection; car c’est une perfection que de garder l’équilibre.
- Jean Grenier
Car si vous possédez ces qualités, et si elles grandissent sans cesse en vous, elles vous rendront actifs et vous permettront de connaître toujours mieux notre Seigneur Jésus-Christ.
- 2 Pierre 1:8
Et si — pour une fois — le président Macron avait raison ?
Rassurez-vous, je ne vais pas vous parler de politique, je faisais simplement allusion à la célèbre devise du président français, le fameux « En même temps ».
En lisant attentivement les évangiles, l’une des observations que l’on peut faire sur la vie du « Maître » est l’équilibre parfait qui existe entre les trois dimensions relationnelles de son ministère.1
– Nous le voyons régulièrement réserver de larges plages de temps — souvent la nuit ou tôt le matin — pour dialoguer avec son Père. Sa relation «vers le haut» est tellement puissante, réelle, concrète qu’il peut affirmer: « Je ne fais que reproduire parmi vous ce que je vois faire à mon Père dans les cieux… » 2
Il n’est jamais trop occupé, jamais trop fatigué pour négliger cet échange intime et profond qui se prolonge, comme une respiration à chaque instant de sa vie.
– Il y a, bien évidemment, son engagement vis-à-vis de ses « suiveurs », ce petit groupe qu’il a choisi parmi la population ordinaire de son pays. Il n’a pas convié ces personnes à un séminaire, une série de cours ou de conférence, il ne leur a pas donné de livres à lire ou de bâtiment à construire, il leur a proposé de partager sa vie. Nuit et jour, sept jours sur sept, sur les chemins, les sentiers, les routes, dans des barques, en ville ou dans les champs, par tous les temps, dans le Temple, les synagogues ou au sommet des collines, ils étaient ensemble. Ils n’étaient pas seulement ses apprentis, il en a fait ses amis; certains plus proches que d’autres, mais il a développé avec tous une véritable et authentique relation, l’embryon de ce qui deviendrait après la Pentecôte, la communauté des croyants.
– Puis, il y avait les foules, les autres, tous les autres, du moins tous ceux qui voulaient bien de lui. Il était bouleversé jusqu’au plus profond de ses tripes par leurs besoins, leur détresse, leurs maladies. Il prenait un temps considérable pour les écouter, leur parler, les encourager, les guérir, mais aussi les défier et les provoquer afin de les faire réagir, sortir de leur stupeur religieuse et se positionner par rapport à ses paroles et ses valeurs.
Jésus évoluait sans cesse avec la grâce et l’agilité d’un danseur étoile entre ses trois dimensions. Il était l’incarnation de la perfection dans l’équilibre, passant sans cesse d’un axe à l’autre, capable de mener les trois de front, « en même temps » dans une ronde perpétuelle et harmonieuse.
J’ai découvert, depuis quelques années, à quel point les spectacles de danse me bouleversaient. Voir ces personnes évoluer dans l’espace avec une maîtrise totale de leur corps, défiant l’apesanteur dans un équilibre improbable mais certain, m’émeut profondément. Pourtant, lorsque j’essaie, même simplement, de me mettre moi aussi en mouvement, j’ai l’impression d’être une baleine échouée sur le sable rêvant de grimper aux arbres.
J’ai le même sentiment devant la danse du Christ entre les trois dimensions relationnelle de sa vie sur terre.
Lorsque j’arrive, petitement il est vrai, à prendre le temps de développer ma vie intérieure, la prière contemplative, la méditation, je m’aperçois au bout de quelques jours ou semaines que j’ai négligé mon engagement auprès de mes sœurs et frères en humanité.
Si je m’engage avec sérieux et motivation dans des actions concrètes en compagnie de mes amis « followers » du Christ, très souvent, emporté par le concret de l’action, je réalise après une période plus ou moins longue, avoir passablement délaissé la profondeur de mon dialogue avec le Père dans ma chambre secrète.
Et si, exceptionnellement, j’arrive à combiner les deux, c’est pour finalement prendre conscience d’avoir tourné le dos à celles et ceux qui cherchent — souvent sans le savoir — à connaître celui qui seul apaise le vide de l’âme et ne l’ont pas encore rencontré.
Heureusement, je crois aux miracles. Le Parfait Équilibriste peut et veut m’aider à développer en même temps cette trinité de relations, il attend cependant que j’en sois conscient et que je lui demande son aide. L’Esprit de vie qui est en nous peut transformer la baleine échouée en petit rat de l’opéra[3]. Il peut rendre mes pieds comme ceux des biches afin que je trouve en lui et pour lui cet équilibre indispensable au bon développement de ma vie de citoyen du Royaume de Dieu. Car c’est bien la combinaison de ces trois axes qui fait de moi un authentique disciple.
Je nous invite donc, dans la douceur de ce début d’automne, à devenir de meilleurs équilibristes, des praticiens du « en même temps » relationnel, tournés vers notre Père d’en haut, vers notre famille spirituelle et vers ceux avec qui nous allons pouvoir cheminer avec et vers le Christ.
Philip
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1 Cette notion est développée en détail dans le livre « Construire une culture du discipulat P 111-136 » Mike Breen.
2 Jean 5. 19
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