Les enfants de Dieu et les araignées d’eau…
Les bateaux ne coulent pas à cause de l’eau autour d’eux, mais à cause de l’eau qui entre à l’intérieur.
- Anonyme
Je ne te demande pas de les retirer du monde, mais de les préserver du mal. Ils ne sont pas du monde, tout comme moi, je ne suis pas du monde.
- Jean 17:15-16.
Allongé au bord d’un étang, en vrai ou en rêve, peu importe, David observe avec attention les araignées d’eau qui se déplacent à la surface. Par pitié, ne vous précipitez pas sur votre téléphone pour chercher qui sont réellement ces créatures flottantes - vous y apprendriez probablement que ce ne sont pas des araignées, mais des insectes, qu’elles font parties de la grande famille des punaises, sont dotées d’un rostre puissant qui leur permet de sucer la chair et le sang de leurs victimes puisqu’elles sont exclusivement carnivores…
Or, ce n’est pas de cela que je voudrais parler.
Dans le regard de David - un poète comme son illustre prédécesseur, le roi d’Israël - ce sont d’incroyables ballerines qui se déplacent sur l’eau avec une grâce et une légèreté incomparables. Leurs trajectoires folles - parfois faites de courbes douces, d’autrefois saccadées comme un taxi conduit par un ivrogne - les conduisent à une vitesse foudroyante d’un bout à l’autre de la pièce d’eau. Leurs chaussons hydrofuges permettent ces exploits dignes d’un champion de sport de glisse sans même se mouiller le bout des orteils. Elles patinent avec élégance sur l’élément liquide sans jamais s’y enfoncer, portées par un invisible coussin d’air, plus fin qu’un fil de soie.
L’œil du poète s’attarde et les faisceaux du soleil presque à son apogée dévoilent les sombres secrets qui se cachent sous la surface. Feuilles en décomposition, brindilles pourrissantes, vieilles branches verdâtres, à moitié prise dans une vase putride et probablement nauséabonde si on la remuait et qu’elle puisse remonter à l’air libre. Sous le regard attentif de mon ami, deux réalités cohabitent; il n’y a pourtant qu’une seule mare, un même monde, dirait-on, mais deux univers.
Celui du fond, en pleine putréfaction, qui accueille tout ce qui coule, tout ce qui descend sous la surface et l’intègre à son processus de corruption, transformant même le sublime – une fleur, une feuille verte, une libellule – en corps putrescent.
Au même moment, au même lieu, mais au-dessus, à l’air libre, les arachnéennes danseuses évoluent librement, pleines de vie, en perpétuel mouvement. Elles glissent en arabesques sinueuses sans jamais se salir ou se souiller, elles vivent leur vie dans la mare, mais sans y tremper, sans compromis avec l’élément liquide et encore moins avec ce qu’il cache en dessous.
C’est précisément ce qu’a voulu le Christ pour ses amis, ceux qui ont choisi de le suivre. Humains parmi les humains, évoluant dans le même monde, mais pas dans le même univers. Glissant à la surface se nourrissant de Sa pensée, dansant dans Ses trajectoires, les pieds en contact avec la surface, mais protégés par un invisible coussin de grâce, plus fin qu’un fil de soie, plus résistant que les câbles du pont de San Francisco.
Je dois toutefois être honnête, contrairement aux araignées qui ne coulent jamais, il nous arrive, à nous les humains suiveurs du Christ, de couler, de partager pour un temps, plus ou moins long, le sort du fond pourrissant, mais ce n’est pas définitif, ce n’est pas une irréversible fatalité. Nul besoin de travailler dur, de faire de longues promesses, de souffrir ou de mériter quoi que ce soit pour retrouver la surface. Il suffit d’un cri, d’un soupir authentique du cœur et en un clin d’œil, par l’impulsion de l’Esprit, nous sommes à nouveaux d’élégantes patineuses, propres, libres, capables de jouir de l’air pur de la lumière et de son amour.
Maintenant que j’y pense, le Christ aussi a marché sur l’eau, et même si les résultats n’ont pas été totalement concluants, il a invité le représentant de Ses disciples à venir à Lui.
C’est ce que je nous souhaite pour le mois à venir, que nous apprenions à évoluer avec légèreté, à défier les lois de la pesanteur pour Le rejoindre et danser avec lui sur les vagues de l’adversité, loin au-dessus de la putréfaction de ce monde.
Philip
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