Dieu ou l’illusion de Dieu…
Croire ne plus avoir d’illusion est la plus naïve des illusions…
- Albert Brie
Tout cela n’était que l’ombre des choses à venir: la réalité est en Christ...
- Colossiens 2:17
Dans les années 90, un spot publicitaire pour une célèbre marque de frites surgelées montrait un homme qui pérorait sans fin sur les qualités desdites frites, pendant qu’un autre personnage, totalement muet, en engloutissait des quantités incroyables. À la fin, une voix off annonçait: « Plus on en parle et moins on en mange. Ce ne sont pas ceux qui en parlent le plus qui en mangent le plus… »
Ce principe est courant; j’entendais récemment dans le brouhaha de ce que nous appelons « les News » le cas d’un homme politique qui militait pour renforcer les lois pour la protection contre les violences conjugales. Il vient de démissionner, conséquence d’une plainte déposée par son épouse. Il a reconnu l’avoir giflée et maltraitée.
Quel que soit le domaine, maitriser le langage ne signifie pas qu’il nous habite et nous dirige.
Le pouvoir des illusions est tellement puissant qu’il peut facilement nous aveugler, nous laisser croire que nous sommes des spécialistes parce que nous avons accumulé un grand nombre d’informations et pouvons les exposer, les présenter, les soutenir de manière convaincante.
L’expression « se bercer d’illusions » est parlante. Nos illusions nous anesthésient, nous endorment en nous nourrissant d’images et d’émotions apparemment vivantes, mais théoriques, de ce dont nous aimons discourir.
L’étape d’après consiste souvent à devenir des chevaliers guerriers en lutte pour défendre les illusions que nous professons. Sur ce terrible malentendu, des guerres ont été organisées, des familles et des amitiés brisées, des minorités exclues, des faibles maltraités, des innocents condamnés, rejetés, catégorisés comme étant le mal incarné…
Ce phénomène est malheureusement présent dans la grande famille du christianisme au point qu’un poète, pourtant ouvertement croyant comme Christian Bobin, a pu écrire: « J’ai trouvé Dieu dans les flaques d’eau, dans le parfum du chèvrefeuille, dans la pureté de certains livres et même chez des athées. Je ne l’ai presque jamais trouvé chez ceux dont le métier est d’en parler. »1
Rien de nouveau sous le soleil, me direz-vous; lorsque l’Homme-Dieu parcourait notre Terre, il a fait le même constat. Au sein d’un peuple où la loi de Dieu était aussi la loi civile, où toute la culture, dans ses moindres aspects, était définie par les lois religieuses transmises à Moïse et aux prophètes, le Christ a déclaré en parlant d’un chef militaire de l’armée d’invasion romaine: « Vraiment, je vous l’assure: chez personne, en Israël, je n’ai trouvé une telle foi… »2
Nous pouvons nous illusionner en parlant des politiciens ou des chefs religieux de l’époque de Jésus, mais la question brûlante doit être posée: « Qu’en est-il de moi ? »
Même s’il est probablement impossible de me défaire de toutes mes illusions, il existe un chemin de vérité sur lequel je peux — je devrais — m’aventurer. Jésus a parlé d’un sentier étroit, d’une porte resserrée; ils ne sont pas là pour me compliquer la vie mais pour m’aider, si je le désire, à me débarrasser de mes illusions. Illusions sur moi-même — que je me voie héros ou zéro — illusions sur Dieu et notre relation, illusions sur les autres…
Le pouvoir des illusions est directement lié à la place que je m’attribue. Si je trône au centre de ma vie, si tout gravite autour de moi, je réunis les conditions idéales pour être esclave de mes illusions.
Si j’offre au Christ de s’asseoir sur ce trône, si j’accepte ses pensées, si je consens à me laisser aimer par lui, alors, progressivement, comme un oignon que l’on pèle, couche après couche, je serai libéré par la vérité de notre union intime.
Mes idées sur Dieu doivent être remplacées par la réalité de Dieu en moi. Toutes les théories, tous les systèmes théologiques, même les meilleurs, ne sont que des panneaux indicateurs, l’ombre des choses à venir; la réalité est en Christ. N’a-t-il pas affirmé: « si vous ne mangez ma chair et ne buvez mon sang, vous n’aurez pas la vie en vous… »3
Écoutez l’humble confession d’un bavard professionnel: « Il est temps de manger plutôt que d’en parler… »
Puisque le vent d’octobre va dépouiller les arbres de leurs feuilles, laissons le souffle du Christ nous dépouiller de quelques illusions, cela créera un petit espace supplémentaire pour accueillir sa vérité et son amour dans la réalité de notre intimité avec lui.
Illusoirement vôtre…
Philip
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1 Ressusciter. Christian Bobin.
2 Matthieu 8:5-13
3 Jean 6:51-58
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