Guidés à l’ouïe…
Voilà, je navigue « à l’ouïe » dans la sombre rumeur du monde, tandis que d’autres y louvoient à vue.
- Sylvie Germain
Un oracle furtif s’est glissé jusqu’à moi, et mon oreille en a saisi le murmure léger...
- Job 4:12
Les appareils technologiques qui peuplent et encombrent notre quotidien sont pour la plupart pourvus d’un contrôle pour régler son. Si la rue est bruyante, je mets mes oreillettes et augmente le volume, si le voisin bricole, la télécommande me permet d’élever le niveau sonore de ma télé et je ne parlerai pas des enceintes connectées et autres gadgets Hi-Tech qui répondent à ma voix et diffusent de plus en plus fort sur un simple ordre de ma part.
Le principe est évident, plus l’environnement est tapageur plus je monte le volume. Avec le temps, mon capital auditif s’érode, me faisant basculer dans un triste cercle vicieux. J’entends moins bien, je monte le son, ma sensibilité auditive se détériore et je dois encore monter le son pour entendre… moins bien !
Ce processus est caractéristique de notre mode de vie. Nos existences se déroulent dans un tintamarre assourdissant et nous l’accueillons souvent avec bienveillance et soulagement ; il nous protège de l’introspection douloureuse, il limite la conscience du vide intérieur qui nous ronge en silence.
Perdre l’ouïe est un mal affligeant, mais il existe un drame plus discret et cependant lourd, lui aussi, de conséquences: la surdité spirituelle.
Si nous nous contentons d’une couche de religiosité, la perte de l’acuité auditive n’est pas bien grave, pour obéir aux « fais ceci, ne fais pas cela » il n’est pas nécessaire d’une oreille affutée, les prédicateurs moralisateurs ont la voix tonitruante, c’est bien connu. Mais si nous désirons devenir des disciples du Christ, marcher sur ses traces hors des sentiers battus, c’est une autre histoire.
Lors de son passage sur Terre, dans une culture fortement marquée par les lois, les interdits, les traditions et les rites, Jésus s’est clairement démarqué en déclarant: « Mes brebis entendent ma voix et elles me suivent parce qu’elles connaissent ma voix 1 ».
Le bon berger ne hurle pas pour couvrir le vacarme de nos âmes empêtrées dans la pollution sonore, rendues sourdes par le tumulte de l’inutile et de la vacuité.
Il en va de notre responsabilité, c’est à nous de décider de chercher le silence, de fuir le tapage, afin d’entendre ce murmure furtif et léger qui chuchote à notre oreille des mots qui nous nourrissent, des impulsions qui nous dirigent.
Il existe dans ce domaine, une bonne nouvelle, notre ouïe est perfectible ! Si nous désirons entendre et surtout si nous obéissons à ce que nous avons entendu, notre capacité d’écoute va s’améliorer. Ce qui n’était au début qu’un chuchotement, amical, mais tout juste audible, va devenir, avec la pratique et le temps, un langage précis et efficace.
Nombreux sont ceux qui connaissent les Dix commandements communiqués d’En Haut à Moïse, mais qui oublient que le premier commandement donné au peuple élu était: « Écoute Israël ! »
Pour nous qui vivons dans une autre époque, la formule change, mais l’intention est la même. Par la bouche de Jean — celui qui pour mieux entendre, n’hésitait pas à appuyer sa tête sur l’épaule du maitre — Jésus nous déclare sans ambiguïté: « Je me tiens à ta porte, et je frappe… si tu entends ma voix et ouvre, je viendrai partager ton intimité…2 »
Soyons attentifs, que nos oreilles soient affutées, notre cœur disposé à répondre positivement à la visite amoureuse de l’Esprit qui, légèrement, toque à la porte de notre être intérieur. Rappelons-nous, comme le chante si joliment Laura Gagné3 — Écoute de l’autre côté de la porte je frappe, allez ouvre, car c’est toi qui as la clé, fais juste ouvrir ton cœur et j’entrerai — c’est nous qui avons la clé…
C’est mon souhait, ma prière de cœur, pour ce mois de septembre et ceux qui lui succèderont, que notre main soit prompte à lui ouvrir pour l’accueillir dans notre intimité.
Philip
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1 Jean 3:3-5 ; 27
2 Apocalypse 3:20
3 De l’autre côté. Laura Gagné.
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