Né de poussière et d’éternité
Entre les pétales d’argile naît, souriante, la fleur humaine.
- Octavio Paz
Nous savons, en effet, que si cette tente, notre demeure terrestre, est détruite, nous avons dans les cieux un édifice qui est de Dieu, une maison éternelle qui n’est point faite de main d’homme.
- 2 Corinthiens 5:1
Les êtres humains, créés à l’image de Dieu, n’en sont pas pour autant un moins étrange assemblage. Ils sont issus de la glaise, comme le signifie le nom Adam: argile rouge. Mais Dieu a insufflé à ce premier représentant de la race humaine un souffle de vie lui donnant ainsi la conscience, l’âme et l’esprit. Il le place au-dessus des animaux, bien que par son enveloppe de chair il en soit un. Conçu pour habiter la Terre, soumis au passage du temps, limité par ses besoins physiologiques, mais capable aussi de communier avec son Créateur qui est un pur Esprit.
La tension entre la mortalité du corps et l’immortalité de l’âme n’a cessé d’interroger, d’inquiéter, d’intriguer les hommes depuis qu’ils parcourent la planète qui les accueille.
Ces éléments dissemblables qui constituent l’être humain sont semblables à l’eau et l’huile: incapables de se mélanger parfaitement, ils peuvent toutefois être stabilisés ensemble pour former une sorte «d’émulsion», un mélange temporaire et imparfait.
La mort, l’une des rares certitudes quant à l’avenir de chaque personne vivante, sépare et rend à son vrai monde ces deux composantes. Le corps retourne à la poussière d’où il a été tiré et l’âme éternelle entre dans l’éternité…
Né de la poussière et d’éternité… disait un vieux chant de l’Antiquité, comprenez, ma jeunesse. C’est une belle image: elle décrit l’indescriptible mélange que sont les humains. Une âme intangible et immortelle dans un corps matériel, limité et mortel. De l’argile, de l’eau et du vent…
C’est cet étrange amalgame que Dieu lui-même est venu habiter en s’incarnant et en vivant parmi nous. Comme si le mélange n’était déjà pas assez compliqué, il est venu apporter une nouvelle composante dans cet assemblage disparate: la vie qui vient de Lui. Cette vie que nous appelons «éternelle», mais dont la caractéristique principale n’est pas la durée illimitée — l’enfer aussi est une vie sans fin. La «vie éternelle» est la qualité de vie qui unit le Père, le Fils et l’Esprit, lorsqu’elle est infusée en nous, elle nous introduit dans la conscience de Sa présence, elle nous ouvre l’accès à Sa compagnie, à une intimité supérieure à tout ce que nous pouvons expérimenter dans nos relations avec d’autres humains. Il est en nous et nous sommes en Lui, comme une tasse immergée dans une fosse marine pourrait dire je suis dans l’océan et l’océan est en moi.
Alors, oui, l’émulsion que nous sommes est éphémère, vouée à une disparition prochaine, mais l’essentiel, ce que nous sommes réellement, vivifié par la «vie éternelle» ne périra jamais. C’est pourquoi nous ne perdons pas courage. Tant qu’il y a de la vie — éternelle — il y a de l’espoir.1 C’est pourquoi nous pouvons lever la tête et contempler l’avenir avec espérance et confiance.
Dans ces temps confus, instables, perturbants, ne cédons pas à la peur, ne tombons pas dans l’agressivité ou la recherche de boucs émissaires, continuons de vivre ; vivre avec Lui, vivre en Lui, vivre pour Lui.
Et Lui s’occupera de garder «l’émulsion» stable jusqu’au jour où nous serons libérés de l’argile pour entrer pleinement dans la Vie sans mélange, la Vie véritable, la grande Vie.
Philip
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1 2 Corinthiens 5:1-10
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