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Vivre et se nourrir du vivant…

Jésus ne nous a point donné des paroles mortes que nous ayons à renfermer dans des petites boîtes — ou dans des grandes — mais il nous a donné des paroles vivantes, à nourrir. Les paroles vivantes ne peuvent se conserver que vivantes.
- Charles Péguy

C’est l’Esprit qui donne la vie. Les paroles que je vous ai dites sont Esprit et vie.
- Jean 6:63

Vivre et se nourrir du vivant…

Enfant, j’ai souvent vu mon père ramener à la maison des oiseaux blessés ou tombés trop jeunes du nid pour se débrouiller tout seuls. Armé d’une cuillère taillée dans une allumette, il les nourrissait avec patience, d’une petite pâtée de sa composition, jusqu’à ce que les convalescents soient capables de prendre leur envol.
J’ai vu ainsi défiler — pour mon plus grand plaisir et mon émerveillement — des moineaux, des bergeronnettes, un rouge-gorge, une corneille, quelques pies et même un épervier. Tous ont repris des forces avant de s’élancer vers la liberté et le monde sauvage.
Un jour, il a ramené un oiseau comme je n’en avais jamais vu, doté d’un bec fin, sombre et élégant, d’un plumage aux couleurs éclatantes et d’un nom qui le rendait encore plus exotique: Chasseur d’Afrique. J’ai appris bien plus tard qu’on le nommait aussi « guêpier  ». Malgré mon enthousiasme et mon excitation devant un aussi bel animal, je me suis aperçu que mon père avait l’air inquiet.
– Celui-là, je ne suis pas sûr de pouvoir le sauver…
Soucieux à mon tour, je lui ai demandé s’il pensait que son aile abîmée ne se remettrait pas, mais il a secoué la tête avant de répondre :
– Non, il pourrait s’en sortir si nous pouvions le nourrir jusqu’à ce qu’il guérisse, mais ce genre d’oiseau ne mange que de la nourriture vivante, qu’il attrape lui-même en plein vol…
Nous avons quand même essayé de lui offrir mouches, guêpes, libellules et autres insectes volants qui composent habituellement son ordinaire, mais nous ne pouvions pas les lui donner vivants…
Quelques jours plus tard, j’ai trouvé la petite volière bleu vide et je n’ai pas eu besoin de poser de questions; sans nourriture vivante, il n’avait pas survécu…

Il en va de même avec les paroles du Christ. Il n’y a rien de mal avec le fait de les disséquer, de les analyser, de les classer et les organiser… ce travail est utile pour avoir une bonne connaissance intellectuelle du vivant, mais l’ensemble de cette connaissance n’est pas «  La Bonne Nouvelle  ». Elle est simplement une compréhension, par ailleurs imparfaite, de cette «  Bonne Nouvelle ».

Les paroles du Christ, lui qui est « La Parole Vivante », n’ont d’effets que si elles sont habitées par l’Esprit. En conséquence, puisqu’elles sont vivantes, elles sont en perpétuel mouvement. Si je veux m’en saisir, je dois aussi les attraper « en plein vol », étant moi-même en mouvement.
De plus, ce que j’ai saisi aujourd’hui, ne pourra me nourrir demain — comme la manne devenue infecte si on voulait la conserver au-delà du jour de sa récolte. Le vivant ne se conserve pas hors du présent.
Pour comprendre cela, il nous faut dépasser le concept du vrai ou faux. Savoir si un aliment est comestible ou non n’est pas manger.

L’esprit religieux se concentre sur la classification et la qualification des aliments. Encore une fois, ce n’est pas mauvais en soi, mais totalement insuffisant.

Notre vie intérieure, semblable au chasseur d’Afrique, ne peut se nourrir que « du vivant », elle-même portée et conduite par le Souffle. Enfermée dans une volière — même si l’intention est bonne — elle s’étiole, dépérit, se consume… si elle ne meurt pas, elle ne peut en tout cas pas prospérer et se développer.

Nous sommes au début du mois durant lequel nous célébrons traditionnellement la venue de la Parole incarnée dans un être humain.
Les prophètes avaient proposé de la nourriture « vraie », mais qui ne donnait pas la vie, gravée qu’elle était sur des tables de pierre. Nous avions besoin de grâce, de lumière, et surtout de vie.

Cette Vie Éternelle n’est pas hors de notre atteinte — quelque part, inaccessible, disponible seulement après la mort — mais tout près de nous, à chaque instant, si nous acceptons de prendre notre envol, portés par l’Esprit de vérité.
Cette vie frappe à la porte de notre cœur pour y installer — discrètement, dans l’intimité — une petite ambassade de l’invisible Royaume.

Que nos âmes puissent être ces modestes étables qui l’accueillent et font le choix de la nourrir, afin que l’Enfant grandisse en nous, c’est notre espérance la plus chère.

En vous souhaitant de belles célébrations d’anniversaire de la venue du Vivant au milieu de nous.

Philip

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© Tous droits réservés: Philip Ribe


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