pensees du mois ligne w

 

Fleuve ou canal ?
La beauté sauvage de la vie de l’Esprit…

Jésus s’écria: Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Celui qui place sa confiance en moi, des fleuves d’eau vive couleront de lui… Il dit cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui.
- Jean 7:37-39

Il est un fleuve dont les courants réjouissent la cité de Dieu…
- Psaume 46:5

Fleuve ou canal ?

Né du cœur fondant des glaces éternelles, translucide, miroitant, ruisselant sur la roche sombre, il est d’abord mince et souple, serpent argenté, il ondule, rassemble ses frères. Ils se joignent à lui et chaque apport le fait plus impétueux, écumant, bondissant. Il se joue des obstacles dans sa course effrénée vers le bas, toujours plus bas. Il contourne, évite, submerge, gagne en puissance, en force, en rumeur. Il atteint les terres plus fertiles, serpente encore, mais ne peut plus être franchi d’un bond, il s’est élargi, charrie avec lui du bois, des feuilles, du limon. Il abrite la vie, donne la vie. Il se permet des fantaisies, se fait lac apaisé, puis reprend sa route, s’entoure de mystère entre des parois rocheuses, se divise parfois pour mieux se retrouver, donnant naissance à des îles merveilleuses, refuge des oiseaux, des animaux sauvages et des rêveurs. Rien ne peut l’arrêter, il a une mission, un but, un objectif, rejoindre les vagues de la grande eau, s’y mêler, s’imprégner de sel et d’iode avant de s’évaporer pour retourner vers les sommets et recommencer son cycle éternel. Il est imprévoyable, inconstant, il déborde, s’emporte, s’assagit, retrouve son lit pour continuer dans son infatigable élan. Il sculpte, féconde, détruit parfois, déplace, ébranle, rafraîchit, inonde… Il est — par nature — imprévisible, indomptable, puissance redoutable, beauté bouleversante. On ne peut l’enfermer, le domestiquer, le fleuve; simplement l’admirer, le craindre un peu, et l’aimer.
 
Issu d’un vol, d’un détournement, d’une ruse humaine, de ces hommes aux idées bien arrêtées, aux obsessions bien ancrées, ceux qui ont pour mantra : contrôler, maîtriser, utiliser, rentabiliser. Son tracé est géométrique, segments rectilignes mis bout à bout, angles réguliers, étudiés pour l’efficacité. Un parcours prévisible, sécurisé. Sa profondeur est constante, son débit calculé, ses berges bétonnées, avec un peu de bitume pour l’étanchéité; rien n’y pousse, rien n’y vit; pour seule décoration : des échelles de métal rouillé, disposées, elles aussi, selon un schéma métrique précis et répétitif. Il est conçu, planifié pour ne pas déborder, ne pas s’échapper. Barrages, écluses, vannes, chicanes et volonté d’homme le tiennent en laisse, lui ôtent toute liberté, toute imprévisibilité, toute possibilité de faire sa vie. Il ne se donne, ne partage sa vie qu’en échange de monnaie sonnante et trébuchante, lui qui a pourtant été subtilisé sans contrepartie à ses frères indomptés. Il est pesé, mesuré, vendu au poids, réservé à ceux qui peuvent payer. Il garde une forme de beauté, puisqu’il peut tout de même refléter le ciel, une réminiscence de la splendeur sauvage d’où il a été dérobé. Il ne fait pas peur, mais ne fait pas rêver, n’enthousiasme pas, ne fait pas naître d’émerveillement, il ne surprend jamais. Utilitaire, alimentaire, fonctionnel, rationnel, modéré, il est parfois mieux que la sécheresse du désert, mais cependant bien triste, le canal d’irrigation.

Et moi  ?

Ai-je choisi de suivre les berges sûres et aplanies d’une religion domestiquée  ? Une spiritualité sans surprise qui coule sans bouleversement entre les murs bétonnés d’une théologie rationnelle, intellectuellement défendable, maîtrisée. Une vie pour laquelle je choisis l’heure, le lieu, la durée, une vie bien cloisonnée où l’essentiel de mon énergie est utilisé pour convaincre le Ciel de valider mes projets, projets pour sa gloire, bien entendu…
Une vie dans laquelle je contrôle les écluses, je mesure le débit et le succès par les résultats visibles et concrets. Une vie alimentée par un canal d’irrigation, un canal qui se flatte du nom de son concepteur, qui accorde presque autant de place à sa mémoire qu’à l’eau qu’il contient, qu’il emprisonne et que j’appelle « la vérité ». Un canal qui fait couler une eau plus pure que celles des autres canaux qui portent d’autres noms et avec lesquels il ne faudrait surtout pas que nos eaux se mêlent…
 
Ou bien vais-je prendre le risque de m’approcher du fleuve afin de goûter une existence guidée par celui qui me demande de le suivre sans me révéler où il va me mener ? Une vie où la vérité ne m’appartient jamais, mais à laquelle je désire appartenir, parce qu’elle est plus grande que moi. Une vie remplie, mais bouleversée - parfois totalement retournée - par le Souffle, celui dont nul ne sait d’où il vient, où il va, ni dans quelle direction il va me propulser. Une vie fondée sur la confiance profonde, l’abandon à celui qui est la source de tout courant de vie. Une vie pas vraiment contrôlée, même si par là, il veut me faire découvrir la vraie liberté. Liberté d’être entraîné, bousculé, charrié, parfois, comme un brin de paille dans un fleuve en crue, mais aussi émerveillé, enthousiasmé, stimulé, motivé à partager chaque jour une nouvelle aventure avec lui. Une vie en mouvement où rien n’a le temps de se figer, de se pétrifier, de se rigidifier. Une vie qui ne peut se vivre qu’avec un bagage léger, en déplacement au gré des courants. Une vie dont les richesses matérielles tiennent dans un petit sac étanche. Une vie liquide de nomade aquatique.
De berges sauvages en îles inexplorées, de rivages féériques en cascades éblouissantes, de fonds profonds, sombres, mystérieux en rapide bruissant, frais, lumineux, une vie sans ennui, sans certitude absolue, si ce n’est qu’Il sera toujours là.
Et puis si le voyage est incertain, la destination est connue, même si elle est encore invisible, nappée des brumes échappées de ce grand fleuve en crue, le fleuve de l’Esprit de vie.
 
Fluvialement vôtre,
 
Philip

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© Tous droits réservés: Philip Ribe


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