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Les « Je suis » ou l’art d’habiter le présent…

Il dit qu’il est la vérité, c’est la parole la plus humble qu’il soit ; l’orgueil ce serait de dire : « la vérité, je l’ai, je la détiens, je l’ai mise dans l’écrin d’une formule. La vérité n’est pas une idée, mais une présence, rien n’est présent que l’amour. La vérité il l’est par son souffle, par sa voix, par sa manière amoureuse de contredire les lois de pesanteur sans y prendre garde… L’homme qui marche. Christian Bobin

Je n’ai pas de plus grande joie que d’apprendre que mes enfants marchent dans la vérité.
- 3 Jean 1:4

Les « Je suis » ou l’art d’habiter le présent…

Depuis les « Je Suis » entendus par Moïse sur les pentes escarpées d’une montagne jusqu’aux « Je Suis » répétés du Fils de l’Homme lorsqu’il arpente inlassablement des chemins poussiéreux, rien n’a changé, nous avons toujours autant de mal à accepter cette idée: la Vérité est bien plus qu’une idée ou une somme d’affirmations véridiques, elle est une présence vivante. Semblable aux oiseaux sauvages qui dépérissent et meurent en captivité, la vérité s’étiole, devient mortifère lorsqu’on prétend la cerner, la posséder, la maîtriser et surtout si on la détache de la personne vivante du Christ pour en faire un concept.
 
En proclamant « Je Suis », le Christ rappelle sans ambiguïté la nécessité de vivre de sa présence et dans sa présence, ici et maintenant. Tout ce qui peut être dit, écrit, expliqué, appris, enseigné à son sujet n’est qu’une somme de signes indicateurs pointant vers la direction à suivre afin de le trouver et d’embrasser un moment de vérité.
 
Il nous est tellement facile de nous détourner de ses encouragements à expérimenter concrètement la vie éternelle et nous transformer en collectionneurs des signes indicateurs. Nous apprenons à les dénombrer, les amasser, les expliquer, les organiser, les commenter, afin qu’ils satisfassent l’intellect. Et parfois, pire encore, nous faisons des catégories, ceux qui ont les bons signes, ceux qui les ont mal compris, ceux qui les ont mal classés, ceux qui les auraient, selon nous, déplacés…
 
Nous nous sommes totalement éloignés — aux antipodes — de cet Homme-Dieu qui marche, sans construire de bâtiments, sans écrire de règlements, sans donner d’autres consignes que celle d’aimer Dieu et l’autre. Il dit simplement : celui qui discerne ma présence a vu le Père. Il multiplie les affirmations choquantes.
Il dit « je suis le chemin, je suis la vérité, je suis la lumière, je suis la vie, je suis le pain, je suis la source qui donne l’eau… »
Il insiste : « mangez-moi  ! Buvez-moi  ! » Blasphème pour son peuple, image insolite pour nous… et pourtant…
Manger ne peut se faire qu’au présent. Penser à la nourriture d’hier, celle de demain, n’est pas manger. Préparer des plannings de menus, établir des régimes alimentaires — aussi sophistiqués, équilibrés soient-ils — n’est pas manger.
Le bout de pain que j’avale maintenant est plus nourrissant que des bibliothèques de recueils culinaires. Les bonnes intentions — demain je mangerai — et les souvenirs — Ah, ce premier repas était merveilleux —n’apportent aucun nutriment spirituel.
 
Manger, marcher, aimer ne se pratiquent qu’au présent. L’amour n’est pas une intention, une émotion, un concept abstrait, il est conscience d’une présence, celle du Christ qui nous révèle le Père par la vie de l’Esprit ; expérimenter cette présence engendre le mouvement, cet enfantement s’opère lorsque j’habite le présent afin d’être en lui, lui en moi.
 
Habiter le présent signifie concrètement que je suis pleinement là, avec mes échecs, mes réussites, mes blessures, mes espoirs, mes attentes, mes désillusions, mes envies, mes combats… 
Pleinement moi-même, sans artifices, sans la moindre feuille de figuier pour cacher ma nudité. Je savoure l’acceptation sans réserve de mon intégrité — non pas malgré mes imperfections — mais avec toutes mes imperfections.
Ce droit d’exister tel que je suis ouvre la porte de la transformation, de la libération et c’est seulement dans cet ordre que la vie agit : « moi non plus je ne te condamne pas. Va et sors de tes ornières pour ne plus y retourner… »
 
Cette acceptation inconditionnelle de tout ce que nous sommes « maintenant et en l’état » est la meilleure nouvelle qui soit, celle dont nous pouvons, devons, nous faire les témoins.
Mais pour la partager, la forme importe autant que le fond, je dois me rendre pleinement présent à l’autre, celui qui par définition, puisqu’il est autre, est différent de moi. Cette pleine présence que le Christ savait accorder à chaque personne rencontrée. 
Si nous n’offrons pas cette qualité de présence à celles et ceux avec qui nous désirons humblement la partager, alors nous ne sommes que de vulgaires représentants de commerce, des vendeurs plus ou moins doués, tentant de convaincre l’autre que nous détenons la vérité. Le Christ l’a pourtant clairement dit : convaincre n’est pas de notre responsabilité, c’est celle de l’Esprit-Dieu.
 
Un été tout neuf s’ouvre devant nous. Sera-t-il chaud, sec, pluvieux  ? Je n’en ai pas la moindre idée, mais je nous souhaite d’en habiter chaque seconde.
Présent à nous-même, présent au Souffle, présent aux autres, ceux-là mêmes que nous rencontrerons sur les chemins de vie de nos déambulations estivales. Nous sommes toutes et tous fait du même bois, notre être intérieur n’attend qu’une chose, être aimé, accepté là, maintenant.
Laissons la puissance de cet amour nous bouleverser, nous transformer, nous entraîner là où nous n’aurions jamais imaginé aller, dans une nouvelle étape d’abandon à sa vie, à sa lumière, à la vérité de sa présence.
 
Présentement vôtre,
 
Philip

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© Tous droits réservés: Philip Ribe


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