Devenir des « Êtres Humains »…
L’enseignement, c’est apprendre à savoir, à savoir faire, à faire savoir, l’éducation, c'est apprendre à savoir être.
- Louis Pauwels
Vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez…
- Actes 1:8
Les « Suiveurs » du Christ étaient, comme nous le sommes, nous aussi, des humains enclins à bâtir leur vie, leur identité, leurs émotions sur ce qu’ils faisaient. Leur aventure avec ce rabbi particulier était, à bien des égards, exceptionnelle et stimulante. Ils faisaient partie de l’équipe qui guérissait les malades, rassemblait des foules, parfois en les nourrissant surnaturellement. Ils étaient ceux qui ont distribué le pain et les poissons multipliés, les témoins engagés de toutes les actions éclatantes de leur Maître.
En ceci aussi, ils étaient nos semblables: ils avaient intégré le Christ et ses pouvoirs à leurs rêves personnels, à leurs projets de vie, à leurs ambitions… un dieu à leur image, un super pouvoir pour faire.
Ils le suivaient, avec plus ou moins de foi, plus ou moins de conviction, parce qu’ils voyaient en lui, celui qui allait accomplir quelque chose de grand. Et bien évidemment, ils seraient partie prenante de cette grande action. Ils étaient bien moins sensibles aux « Je suis… »1 de leur formateur.
Leur attention, leur énergie, leurs désirs étaient centrés sur ce qu’il faisait, ce qu’il allait faire, des actions visibles, concrètes, puissantes, dont on se souviendrait pendant longtemps et auxquelles leurs noms seraient associés. Sur leurs cartes de visite, ils avaient déjà prévu d’écrire: « Nous l’avons fait avec Lui… »
Soudain, le drame éclate. Il a tenté de les prévenir… Ils n’ont pas compris, ils ne pouvaient probablement pas comprendre. La mort du Maître ne pouvait pas coïncider avec leurs projets de réaliser, d’accomplir, de faire de grandes et belles choses. Seule Marie a intuitivement perçu qu’il allait mourir et, forte de cette conviction intérieure, a prophétiquement couvert le Christ d’un linceul de parfum ; un témoignage décrié par plusieurs, mais que Jésus accueille avec bienveillance et reconnaissance. Il assume de lier pour l’éternité cet événement à la proclamation de la bonne nouvelle.2
Et puis… il revient à la vie. C’est lui, mais il est autre. Ceux qui l’ont connu pour ce qu’il accomplissait ne le reconnaissent pas. Là encore, ce sont des femmes qui vont être les premières témoins — ces disciples inavouées que les hommes considéraient comme utiles simplement pour nourrir le Maître et s’occuper de l’intendance — le Christ, lui, fait le choix de les associer à sa résurrection et à la proclamation première de ce message auprès de ses frères. Leur perception spirituelle les rend capables de voir ce que les hommes n’arrivaient pas à admettre ; elles n’avaient pas suivi Jésus pour ce qu’il faisait et encore moins pour ce qu’il leur permettrait de faire, mais pour ce qu’il était et leur offrait de devenir.
– Allez dire à mes frères que je suis ressuscité !
Ainsi commençait le début d’une ère nouvelle, celui qui était venu pour être — même s’il accomplissait des merveilles — allait pouvoir entrer dans le cœur de sa mission: vivre, être, permettre aux humains de devenir.
Il allait être présent, par l’Esprit, dans la vie de celles et ceux qui allaient progressivement accepter la difficile transition du faire vers l’être. Être ses imitateurs, êtres des sœurs et des frères les uns pour les autres — le signe distinctif de cette nouvelle famille — être ses témoins, être connectés à lui, comme le sarment au cep.
Être dans la paix, être dans la joie, être dans la reconnaissance, être dans la confiance, être dans la bienveillance, être rempli de grâce et de vérité, être rempli de son amour, être…
Deux millénaires plus tard, rien n’a changé. Nous sommes naturellement portés, fortement encouragés par notre éducation, la société, la religion à faire, faire, faire… faire pour devenir, faire pour être, faire pour exister.
Le message libérateur du Christ lui non plus n’a pas changé: non pas « faites », mais soyez. Soyez connectés à ma vie, soyez remplis de mon Esprit, soyez, soyez, soyez… afin que votre être déborde en action. Non plus en actions pour devenir, pour se construire une identité, mais pour répandre autour de nous ce message de liberté: Le Christ est revenu à la vie afin que nous soyons ! Et que nous soyons délivrés de la tyrannie du faire ! Afin que nos actes, aussi puissants et nombreux que ceux de notre Maître, ne soient que le déversement tranquille du trop-plein de notre être. Notre être lui-même alimenté par la source intarissable qui coule du cœur de Dieu, ce Dieu qui se nomme « Je Suis » et pas « Je Fais », ce Dieu révélé par celui qui nous a fait une promesse puissante: «Je suis avec vous à chaque instant et jusqu’à la fin ».
Que cette période de Pâque, de renouveau printanier, soit un encouragement à mourir à nos désirs de faire pour être, afin de renaitre jour après jour dans le « je suis ce que je suis par la bienveillance de Dieu ».
Fier et heureux d’être… aimé par Lui !
Philip
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1 Jean 9:5 , 6:48 , 10:48 , 14:6 , 8:58 , 13:19 , 10:36
2 Marc 14:3-9
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