Perdre ou trouver son âme…
La plupart perdent leur âme quand ils entrent dans le monde, aussi facilement qu’on perd un livre dans un déménagement.
- C. BOBIN
À quoi servirait-il à un homme de gagner le monde s’il perd son âme ?
- MATTHIEU 16. 26
J’aimerais tellement aimer ceux que je vois — mais pourquoi sont-ils si peu présents à eux-mêmes ?
- C. BOBIN
Il me semble que le mode de pensée général des chrétiens évangéliques, tellement concentrés sur la destination éternelle de l’âme humaine, a conduit à ignorer la réalité de cette âme dans le monde où nous vivons. Être chrétien se résume à recevoir un sauf-conduit pour un lieu de vacances éternelles plutôt qu’un autre. J’aurais pu passer mes congés définitifs dans un camp de concentration mais, par la grâce de Dieu, j’ai reçu un sauf-conduit pour une destination paradisiaque. Le document qui atteste de cela est indestructible pour certains, peut être perdu pour d’autres, mais dans les deux cas, il n’y a plus à s’occuper de son âme avant le grand saut.
Et s’il y avait plus que cela ? Et si l’affirmation de Jésus s’appliquait aussi à la vie dans ce monde ?
En disant notre « âme », je veux parler de l’ensemble de notre être intérieur, la partie immatérielle qui accompagne notre « véhicule de location terrestre ». Le but initial du Créateur était que nous vivions connectés avec lui, avec nous-mêmes et avec nos « vis-à-vis », en toute harmonie et sérénité. Son intention n’a pas changé. Ce que nous appelons « le salut » n’a pas pour unique finalité de nous conduire dans un lieu plutôt qu’un autre, mais de rétablir cette connexion au Créateur afin que nous soyons réellement ce qu’il a désiré que nous soyons : des êtres conscients d’eux-mêmes, de Lui et des autres, dans une interaction volontaire, saine et équilibrée, avec pour modèle ultime la relation mystérieuse, mais merveilleuse, qui unit de façon indissoluble les trois personnes du Dieu unique que nous adorons.
La plupart de nos contemporains, croyants ou non croyants, vivent une vie sur occupée, surchargée, rongée par le stress et l’hyperactivité au point qu’ils en ont perdu la conscience même de l’existence de leur vie intérieure. Comme le dit si bien Sylvie Germain, ils sont « absents à eux-mêmes, ils se sont perdus de vue » 1.
Pour vivre, exister et croître, notre âme a besoin d’espace, de temps, d’attention, de lumière, de vérité, et d’amour.
D’espace… Comme tout ce qui est vivant, il lui faut un espace vital pour exister, pour respirer, ne pas périr étouffée. Paul l’écrivait aux croyants de Corinthe : « Votre cœur s’est rétréci… élargissez-le ! » 2
de temps… Le temps, créé avec l’espace, est incontournable ; il ne peut être remplacé par aucun artifice mental ou technologique. C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante 3. Il en va de même pour notre vie immatérielle.
d’attention… Le temps ne suffit pas, il doit être de qualité, contenir de la présence, de l’intention, du désir, de l’attente, il doit permettre la vue — se voir, voir son Dieu, voir les autres.
de lumière… Sans lumière, pas de vie 4. Et dans la lumière, c’est la transparence qu’il nous faut rechercher.
de vérité… Elle est proche de la lumière, mais elle est plus précise, plus exigeante; elle dépasse le bien-être, la bonne ambiance. Elle dit, elle affirme, elle tranche. Elle n’accepte aucun compromis, elle a l’éclat, l’inflexibilité, la beauté et la dureté du diamant.
… d’amour. Il est l’oxygène de notre âme. Sans lui, la vérité tue, la lumière brûle, l’attention devient persécution, le temps s’appelle l’Enfer, l’espace n’est plus que solitude.
Si vous ne savez plus où vous l’avez mise, si vous l’avez égarée lors d’un récent déménagement, cherchez-la, vraiment, jusqu’à la trouver. Et prenez-en le plus grand soin ! Votre corps aura un remplaçant, mais vous n’avez qu’une seule âme, pour cette vie et celle d’après.
Âm(e)icalement vôtre,
Philip
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1 Sylvie Germain, Éclats de Sel
2 2 Corinthiens 6.11-13
3 Saint-Exupéry, Le Petit Prince
4 Jean 1.1-12
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