L'adoration de Dieu
"Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul." Luc 4:8
C'est ainsi que Jésus a résumé et défini l'adoration authentique. Il a affirmé son caractère exclusif, en reprenant les premières déclarations officielles faites à ce sujet par Moïse, dans le Deutéronome, et en particulier au chapitre 6, aux versets 4 et 5:
«Ecoute, Israël! L'Eternel, notre Dieu, est le seul Eternel. Tu aimeras l'Eternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force.»
C'est par ces paroles que fut établie, en quelque sorte, la charte de l'adoration du Tout-Puissant, définissant la base et le but de ses relations avec l'homme. Dieu seul a le droit d'être adoré par l'homme, car il en est le Créateur (cf. Apocalypse 4:11). Il en est digne à cause de son oeuvre de rachat en faveur de tous les hommes. «A celui qui est assis sur le trône, et à l'Agneau, soient la louange, l'honneur, la gloire, et la force, aux siècles des siècles!» (Apocalypse 5:13). «L'Agneau qui a été immolé est digne de recevoir la puissance, la richesse, la sagesse, la force, l'honneur, la gloire, et la louange» (v. 12).
Cette adoration exclusive de Dieu est un commandement à garder dans son cœur, à mettre en pratique et à enseigner, et les versets 4 à 9 de Deutéronome 6 sont comme la confession de foi juive. Jésus en a aussi souligné l'importance en le désignant comme le premier et le plus grand commandement (cf. Marc 12 :28-29). Il n'est pas rare, dans la région parisienne où les synagogues se sont multipliées ces dernières années, de voir à droite de la porte d'entrée des appartements occupés par des Juifs, la petite boîte allongée contenant ce texte du Deutéronome. Peut-être n'est-il qu'une formule rituelle pour beaucoup d'entre eux? Qu'en est-il pour les chrétiens? Qu'ils prennent garde, eux aussi, de ne pas tomber dans le formalisme!
Le caractère particulier de l'adoration vraie et exclusive de Dieu entraîne des conséquences bien précises dont il est bon de se souvenir:
Pas d'adoration des faux dieux
«Vous n'irez point après d'autres dieux, d'entre les dieux des peuples qui sont autour de vous; car l'Eternel, ton Dieu, est un Dieu jaloux au milieu de toi» (Deutéronome 6:14-15). «Je suis l'Eternel, c'est là mon nom; et je ne donnerai pas ma gloire à un autre, ni mon honneur aux idoles» (Esaïe 42:8).
L'Eternel est jaloux de sa gloire et de son honneur. Il ne supporte pas de transfert aux idoles, ni de partage avec les faux dieux. Respecter cet ordre est capital, car l'orgueil inné fait facilement oublier à l'homme, et même au croyant, l'Auteur divin des bienfaits matériels et spirituels dont il est gratifié. «Lorsque tu mangeras et te rassasieras, garde-toi d'oublier l'Eternel» (Deutéronome 6:12). Avec quelle facilité on peut faire dépendre son bonheur des biens matériels, et non de Dieu qui les dispense. David disait : «On multiplie les idoles, on court après les dieux étrangers: je ne répands pas leurs libations de sang, je ne mets pas leurs noms sur mes lèvres. L'Eternel est mon partage et mon calice; c'est toi qui m'assures mon lot» (Psaume 16:4-5). Et l'apôtre Paul nous exhorte encore maintenant en ces termes: «Car je suis jaloux de vous d'une jalousie de Dieu, parce que je vous ai fiancés à un seul époux, pour vous présenter à Christ comme une vierge pure» (2 Corinthiens 11:2).
Pas d'adoration du diable
Est-ce possible de la part de ceux qui appartiennent à Dieu? On peut se le demander. C'est pourtant la folle ambition de Satan envers les rachetés. Il suffit de se souvenir de ses tentatives auprès du Fils de Dieu lui-même lorsqu'il le tenta pendant quarante jours (cf. Luc 4:1-13). Nous pouvons en déduire que les plus sollicités et les plus tentés par le diable sont les vrais croyants. Ils devraient aussi comprendre que leurs épreuves et leurs tentations sont des moyens de pression de Satan pour les amener à se prosterner – indirectement – devant lui, à abandonner leur foi en Dieu et à se donner à «l'autre» maître. Car Jésus l'a bien précisé : «Nul ne peut servir deux maîtres» (Matthieu 6:24). Ce fut le sinistre pari de Satan à l'égard de Job. Il était sûr que sous l'effet répété des épreuves, ce croyant se détournerait de Dieu, et même le maudirait en face (cf. Job 1:11; 2:5). Il échoua, car Job demeura fidèle à Dieu. L'apôtre Pierre se trouva dans la rnême situation, mais d'une autre manière. Alors que Jésus faisait connaître à ses disciples qu'il fallait qu'il fût mis à mort, Pierre s'éleva contre cette pensée. Jésus. lui répondit ouvertement qu'il venait de se laisser séduire par Satan en donnant libre cours aux pensées humaines. Plus tard, le diable le dérouta à nouveau, l'amenant par la crainte des hommes, à renier le maître divin qu'il voulait servir.
Dans quels domaines et par quelles ruses Satan cherche-t-il à capter la pensée du croyant? La tentation de Jésus-Christ en est l'exemple-type. Satan joue sur l'indépendance de l'homme, sur la faculté de choisir que Dieu lui a laissée. Tout d'abord, pour décider lui-même des priorités dans sa vie. Devant la nécessité physique de manger après son jeûne forcé (cf. Luc 4:2-4), Jésus, le Fils parfait soumis à son Père, choisit en priorité la satisfaction des besoins spirituels: «L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu» (Matthieu 4:4). Le chrétien se trouve souvent devant des impératifs humains légitimes. Les satisfaire en premier lieu au détriment de la vie spirituelle, c'est empêcher l'adoration fondamentale de Dieu.
Choisir les moyens de s'élever et de prospérer, quoi de plus légitime et convenable! Chercher à parvenir à une meilleure situation, à une abondance plus grande dans les domaines matériel, affectif, et dans tout ce qui fait la vie des hommes, n'est-ce pas raisonnable et désirable? Jésus fut mis devant ce choix (cf. Luc 4:5-8). Il avait effectivement le droit de posséder la puissance et la gloire des royaumes de la terre, mais c'est du Seigneur, son Dieu, qu'il désirait recevoir cette élévation et cette richesse. Satan use de ruse pour amener le chrétien à se prosterner devant lui, et apparemment pour de bons motifs.
Employer les Ecritures et les vérités bibliques, sans soumission réelle à la Parole de Dieu et au Saint-Esprit qui l'a inspirée, est une séduction qui atteint un nombre toujours plus grand de gens et les conduit dans une adoration qui n'est plus en «esprit et en vérité». Satan avait déjà cherché à faire adopter par Jésus sa théologie mensongère, grâce à son emploi arbitraire des Ecritures. Il a cité quelques versets du Psaume 91 pour proposer à Jésus de se jeter sans risque du haut du Temple. L'attitude victorieuse de Jésus qui a déjoué les ruses de Satan nous incite à sonder les Ecritures, à y soumettre nos pensées et nos sentiments, à les avoir abondamment dans l'esprit et dans le cœur (cf. 2 Corinthiens 10:4-5).
Pas d'adoration des anges
... et pas même de ceux qui sont des esprits au service de Dieu, selon la définition d'Hébreux 1:14. Bien que cela paraisse surprenant, cette adoration peut aussi être rendue par les croyants. L'apôtre Jean y fut porté et il l'envisagea sérieusement lorsqu'un ange lui fit entendre les véritables paroles de Dieu, et lui fit voir les choses à venir (cf. Apocalypse 19:9-10; 22:8-9). Mais l'ange s'y opposa fermement, exhortant l'apôtre à garder les paroles de la prophétie, et à adorer Dieu seul. Il y a donc un danger à confondre le messager et le message de Dieu; à donner plus d'importance au messager qu'au message et à l'Auteur divin du message. C'est un péril spirituel encore présent. Par conséquent la mise en garde de Paul est toujours actuelle: «Mais, si nous-mêmes, si un ange du ciel annonçait un évangile s'écartant de celui que nous vous avons prêché, qu'il soit anathème!» (Galates 1:8) «Que personne, sous une apparence d'humilité et par un culte des anges, ne vous ravisse à son gré le prix de la course;tandis qu'il s'abandonne à ses visions, il est enflé d'un vain orgueil pr ses pensées charnelles, sans s'attacher au chef…!» (Colossiens 2:18-19). C'est ainsi qu'on annonce un autre évangile, celui des mérites et des expériences spirituelles, au lieu du salut par la croix de Christ. On enseigne une autre voie pour régir les relations avec Dieu: celle des signes, des miracles, des visions, à la place de la Parole et du Saint-Esprit qui relient vraiment à Dieu.
Une clé quant à l'adoration de Dieu est donnée en Apocalypse 19:10: «Car le témoignage de Jésus est l'esprit de la prophétie.» Ce qui veut dire que le sujet principal de la Parole écrite est la personne de Jésus-Christ. Les prophètes ont pu rendre ce témoignage à Jésus par le Saint-Esprit. En résumé, l'adoration de Dieu est inséparable de Jésus, car il est Dieu, et elle a pour source la Parole écrite et le Saint-Esprit. «Nous savons aussi que le Fils de Dieu est venu, et qu'il nous a donné l'intelligence pour connaître le Véritable; et nous sommes dans le Véritable en son Fils Jésus-Christ. C'est lui qui est le Dieu véritable, et la vie éternelle. Petits enfants, gardez-vous des idoles» (1 Jean 5:20-21).
Pas d'adoration de la créature, animal ou être humain
Le texte magistral de Romains 1:18 à 32 démontre que toutes les déviations et perversions morales proviennent des égarements dans l'adoration. L'être humain, naturellement religieux, a besoin d'adorer, de mettre sa fierté en quelqu'un ou quelque chose, et de lui rendre un culte par ses pensées, ses sentiments ou ses actes. Mais l'homme s'est écarté et corrompu quant à l'objet de son adoration, et il transfert aux idoles humaines et animales la louange qu'il doit exclusivement au Dieu impérissable et glorieux.
Cette déviation dans l'adoration est contre toute logique. Esaie, au chapitre 44 de son livre, donne l'exemple qui fait sourire, de cet homme qui brûle la moitié de son bois pour cuire ses aliments et se chauffer, et qui, avec le reste, se fait une idole pour se prosterner devant elle. Le culte que les Tyriens et les Sidoniens rendaient à Hérode, leur tyran, était insensé. Au lieu de se révolter contre lui, ils s'écrièrent: «Voix d'un dieu, et non d'un homme!» (Actes 12:22).
Et que dire des Israélites qui, sous l'instigation d'Aaron, firent une fête en l'honneur de l'Eternel, devant un veau d'or duquel ils dirent: «Israël! voici ton dieu, qui t'a fait sortir du pays d'Egypte» (Exode 32:4). Le livre de l'Exode nous apprend que l'usage du parfum dans le culte de l'Eternel pouvait devenir l'occasion d'une idolâtrie, puisque l'ordre était formel: «Quiconque en fera un semblable, pour le sentir, sera retranché de son peuple» (30:38). L'adoration de certains se changea sans doute en une jouissance des sens. On sait d'ailleurs la part qu'ont les sensations et les sentiments dans les rites religieux. Dieu qui sait comment le cœur humain peut se corrompre dans son adoration, a bien eu soin de dire aux Israélites: «Puisque vous n'avez vu aucune figure le jour où l'Eternel vous parla du milieu du feu, à Horeb, veillez attentivement sur vos âmes, de peur que vous ne vous corrompiez et que vous ne vous fassiez une image taillée, une représentation de quelque idole, la figure d'un homme ou d'une femme, la figure d'un animal qui soit sur la terre, la figure d'un oiseau qui vole dans les cieux, la figure d'une bête qui rampe sur le sol, la figure d'un poisson qui vive dans les eaux au-dessous de la terre. Veille sur ton âme, de peur que, levant tes yeux vers le ciel, et voyant le soleil, la lune et les étoiles, toute l'armée des cieux, tu ne sois entraîné à te prosterner en leur présence et à leur rendre un culte: ce sont des choses que l'Eternel, ton Dieu, a données en partage à tous les peuples, sous le ciel tout entier» (Deutéronome 4:15-19).
Mais le vrai chrétien peut-il dévier et se pervertir dans son adoration? Les avertissements du Nouveau Testament montrent qu'il peut se tromper d'objet tout en professant adorer Dieu. Si Paul a dû rappeler aux Corinthiens (cf. 1 Corinthiens 6:19-20) que leur corps était le temple du Saint-Esprit, c'est que le croyant est capable de s'adorer lui-même, tant son corps que son esprit. Chez certains Juifs de l'époque, l'observation des règles alimentaires était finalement plus importante que l'adoration elle-même de Dieu. C'est aussi là une déviation qui peut se retrouver chez celui qui est préoccupé à l'excès par une question de diététique. «Car le royaume de Dieu, ce n'est pas le manger et le boire...» (Romains 14:17; cf. Philippiens 3:19).
«Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon» (Matthieu 6:24), affirme Jésus. En effet, le racheté vit au ralenti quand son cœur s'attache aux richesses. Mais il est encore autre chose qui, comme un courant puissant, éloigne de l'hommage rendu à Dieu, c'est l'orgueil qui fait rechercher la gloire terrestre, les honneurs et le pouvoir: «Comment pouvez-vous croire, vous qui tirez votre gloire les uns des autres, et qui ne cherchez point la gloire qui vient de Dieu seul?» (Jean 5:44). On sait dans quel triste état moral et spirituel ce grave péché avait amené les chrétiens de Corinthe. Préoccupés d'eux-mêmes et des autres, il n'y avait plus de place dans leur vie pour la recherche exclusive de la gloire de Dieu. C'est pourquoi, connaissant les conséquences des déviations et perversions dans le culte rendu à Dieu, le disciple doit se méfier des influences extérieures et des incitations de sa nature pécheresse: «Tu ne te prosterneras point devant un autre dieu; car l'Eternel porte le nom de jaloux... Garde-toi de faire alliance avec les habitants du pays, de peur que, se prostituant à leurs dieux et leur offrant des sacrifices, ils ne t'invitent, et que tu ne manges de leurs victimes; de peur que tu ne prennes de leurs filles pour tes fils, et que leurs filles, se prostituant à leurs dieux, n'entraînent tes fils à se prostituer à leurs dieux» (Exode 34:14-16).
En conclusion, le but ultime de l'avertissement à ne pas dévier ni se corrompre dans l'adoration de Dieu, c'est qu'elle doit être d'ordre spirituel et non psychique. L'homme a été créé à l'image de Dieu qui est Esprit, et son adoration doit être en esprit (cf. Jean 4:24). Seul le Saint-Esprit, reçu de Dieu, rend capable d'adorer Dieu de la bonne manière.
Le besoin et la puissance d'adoration qui sont en l'homme viennent de Dieu, et c'est à Lui que ces facultés doivent retourner. «Ecoute, Israël! L'Eternel, notre Dieu, est le seul Eternel. Tu aimeras l'Eternel, ton Dieu, de tout ton cceur, de toute ton âme et de toute ta force» (Deutéronome 6:4-5).
Jean Espérandieu, pasteur