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L’indifférence du printemps…

Pour vous qui aimez aussi le Petit Prince, comme pour moi, rien de l’univers n’est semblable si quelque part, on ne sait où, un mouton que nous ne connaissons pas a, oui ou non, mangé une rose…
Regardez le ciel. Demandez-vous: « le mouton oui ou non a-t-il mangé la fleur ? » Et vous verrez comme tout change…

- Saint-Exupéry

Croire en un Dieu qui souffre, c’est rendre le mystère plus mystérieux, mais de façon plus lumineuse. C’est chasser une fausse clarté pour lui substituer « d’éclatantes ténèbres ».
- François Varillon

Le printemps est là. C’est un fait indiscutable. Nous l’avons vu de loin, de nos fenêtres, de nos balcons, de plus près dans nos jardins, si nous faisons partie des privilégiés qui en ont un, mais il est là et nous le savons. Au cœur des plus grandes métropoles, tout autant que dans les villages et les campagnes, il s’est installé. Tranquillement, il a joué sa partition habituelle: les préludes jaunes pour Forsythia, narcisses, jonquilles, et quelques autres solistes…puis les primevères et leurs consœurs ont sorti leurs nappes de violon. Une mesure après l’autre, chaque instrument a pris sa place; les tambours des nuances de vert ont rejoint les couleurs. En quelques petites semaines de confinement, l’orchestre était au complet, jouant avec allégresse, pour ne pas dire allégro, la symphonie complète.

Indifférence du printemps - Des fleurs de jonquilles
Rien de nouveau, me direz-vous; depuis que le monde est monde, les printemps se succèdent, rien de nouveau sous le soleil… C’est vrai, mais cette année, nous sommes choqués par un décalage, un manque d’empathie, une absence de sensibilité pour ne pas dire une grossière indifférence.
Nous ressentons la même offense que celle que nous fait subir le soleil lorsqu’il rayonne dans un ciel pur un jour d’enterrement.
Les réseaux sociaux regorgent de photos, de textes, plus ou moins délicats, qui mettent le doigt sur ce contraste. Sujet de jubilation pour les uns — les hommes sont assignés à résidence et la nature se réjouit — de regret pour d’autres — le printemps est là et nous ne pouvons en profiter— de réflexion pseudo philosophique, cette situation nous rappelle notre place d’invités et non de propriétaires sur la planète… Mais, quel que soit notre angle de vue, une chose est certaine, le printemps est là, et son indifférence à nos états d’âme, à nos réflexions, à nos malheurs ou à nos espoirs est totale !
Par un de ces glissements de terrains si fréquents aux sols toujours instables qui forment l’humus de mon pauvre cerveau, cette pensée m’a conduit à une autre réflexion: « qu’en est-il de Dieu  ? »
Est-il taillé dans la même étoffe que le printemps  ? Spectateur insensible et froid, témoin indifférent de nos vies minuscules ? Est-il atteint par nos souffrances, nos échecs, nos douleurs, nos questionnements, ou siège-t-il, souverain de marbre sur son trône lointain, attendant simplement, sans états d’âme, le grand jour d’un jugement à venir, jour où il lui sera aisé de nous démontrer que nous sommes les auteurs, les responsables de nos propres malheurs et que si nous avions bien voulu l’écouter…
Image glaçante d’un monarque frigide, aux yeux secs et au cœur blindé, drapé dans sa justice et sa toute-puissance…
Cette image est fausse, je le crois vraiment. Pour quantités de motifs, mais essentiellement grâce au Christ venu nous révéler le Père. Oh, je ne pense pas qu’il soit surpris, pris au dépourvu, mais depuis le premier jour de notre indépendance, depuis ce fatidique instant où nous avons utilisé la liberté qu’il nous offrait pour bâtir notre vie et ce monde sans lui, il souffre. Mystérieusement, au-delà de toute explication rationnelle — pourquoi un Dieu qui peut tout souffrirait-il  ? — la réalité est là, il souffre. Il souffre pour nous — tous les parents du monde comprennent cette notion — mais il souffre aussi avec nous. Nous allons nous souvenir, ce mois-ci, de ce que nous nommons « La Passion du Christ ». Comment ce Dieu, qui « était en Christ pour nous réconcilier avec lui-même »,1 pourrait-il ne pas partager, avec une empathie vécue de l’intérieur, toute l’étendue de nos souffrances, de nos peines ? La différence entre ces deux conceptions de Dieu est lourde de conséquences.
Pour vous, comme pour moi, rien de l’univers n’est semblable si quelque part, on ne sait où, un Dieu que nous connaissons si mal, souffre ou pas avec nous… Regardez le ciel. Demandez-vous, et vous verrez comme tout change…

Que cette saison de Pâques combinée au cadeau d’immobilité qui nous est proposé, puisse être l’occasion de parcourir de long en large cette pensée: combien est immense un amour qui offre une liberté si totale qu’elle donne à de fragiles et minuscules créatures la possibilité de faire souffrir un Dieu tout puissant…

Que cet amour emplisse nos vies, aujourd’hui et pour toujours.

Philip Ribe

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1 2 Corinthiens 5.19

© Tous droits réservés: Philip Ribe


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