La fièvre de l'an 2000
Déjà à l'approche de l'an 1000, les bruits les plus invraisemblables agitaient la chrétienté, le premier millénaire devant déboucher sur la fin du monde. Un vent de panique s'empara alors de milliers de gens trop crédules qui, en versant leur argent et leur or aux trésoreries des cathédrales et des couvents, pensaient échapper à l'inéluctable jugement divin.
Que ne va-t-on pas dire - et que n'a-t-on pas déjà dit - quant à l'imminence de l'an 2000! Il y a une quinzaine d'années, un prédicateur américain publiait un livre intitulé 88 raisons pour lesquelles Jésus-Christ reviendra en septembre 1988. Et comme rien ne se passa comme l'avait prévu cet exploitant de la crédulité publique, il s'empressa de s'excuser en disant qu'il avait fait une faute de calcul… et de sortir un deuxième ouvrage: 89 raisons pour lesquelles Jésus-Christ reviendra en septembre 1989… qui fut tiré à 4 millions d'exemplaires!
Tandis que ces lignes apparaissaient sur mon ordinateur, un bulletin d'information annonçait que les Israéliens prenaient sérieusement à cœur la menace d'une secte pernicieuse dont le gourou préconise un suicide collectif, lui seul ressuscitant trois jours après pour accueillir le Messie survenu subitement en l'an 2000 dans l'une des rues de Jérusalem! C'est dire…
Et partout on s'agite. Le peuple hébreu en premier lieu, puisque malgré les tensions politiques dont il est l'enjeu, la préoccupation prioritaire des Israéliens est aujourd'hui de mettre en place les structures touristiques d'accueil pour les deux ou trois millions de pèlerins qui, en l'an 2000, viendront visiter les lieux prétendus saints. Et semblable fébrilité règne également en Italie où, là aussi, on attend pour l'an prochain des millions de fervents dévots en hyperdulie…
Plus subtils encore sont les arguments prônés par certains télévangélistes outre-Atlantique qui, Bible en mains, prouvent que l'an 2000 ne saurait s'achever sans que les foudres de l'Apocalypse ne secouent la Planète, étant elles-mêmes précédées de la dernière trompette convoquant l'Eglise pour son enlèvement!
Dans la tempête, il faut savoir "faire le point" et diriger notre "sextant" sur le bon cap. Et tout d'abord bien préciser que, sur le plan chronologique, les chrétiens n'ont rien de particulier à attendre de l'an 2000. C'est au VIe siècle qu'on chargea le moine Denys le Petit d'établir le calendrier de l'ère chrétienne et d'en établir le point de départ de l'an I. Plusieurs siècles s'écoulèrent avant qu'on s'aperçoive d'une erreur dans les calculs de Denys le Petit. On avait alors la preuve que le roi Hérode le Grand - qui, comme le relatent les Evangiles, occupait le trône de Judée lors de la naissance de Jésus-Christ à Bethléhem - était mort en l'an 4 ou l'an 3 avant l'an I de l'ère chrétienne et que, de ce fait, la naissance du Fils de Dieu à Bethléem s'était produite paradoxalement autour de l'an 5 avant Jésus-Christ! Mais il était impensable de modifier alors le calendrier devenu universel, parce qu'il aurait fallu rectifier d'innombrables inscriptions et données historiques… et vieillir inutilement de quelques années d'innombrables personnes respectables désirant rester jeunes…
Mais trêve de plaisanterie! Les autorités ecclésiastiques du Moyen Age préférèrent un calendrier inexact aux ennuis d'un bouleversement de la chronologie. Si donc aujourd'hui les pseudo-prophètes imaginent que le retour promis du Seigneur doive obéir à une arithmétique simpliste et avoir lieu exactement 2000 ans après sa naissance terrestre, pourquoi ne nous en ont-ils pas parlé en 1995 ou 1996, ce qui eût été plus conforme à une chronologie exacte.
Non! La spéculation des dates et la fébrilité dans laquelle on impose au monde l'an 2000 comme une échéance inexorable n'ont rien de biblique. Au moment de prendre congé de ses disciples lors de son ascension, le Seigneur les a expressément avertis: "Ce n'est pas à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a fixée de sa propre autorité. Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie et jusqu'aux extrémités de la Terre" (Actes 1:7-8)
Nous avons donc mieux à faire que joindre nos voix aux spéculateurs de l'an 2000. Toutefois, posons-nous la question: Si Jésus revenait en 1999, serions-nous prêts? J'ai entendu des dizaines de fois mon père prononcer cette phrase: "Vivons comme si le Seigneur était mort hier soir, s'il était ressuscité ce matin et s'il revenait ce soir!"
Jésus dit: "Veillez donc, car vous ne savez quand viendra le Maître de la maison, ou le soir, ou au milieu de la nuit, ou en chant du coq, ou le matin; craignez qu'il ne vous trouve endormis à son arrivée soudaine. Ce que je vous dis, je le dis à tous: Veillez!" (Marc 13:35-37)
John H. Alexander