4. Josaphat - Cinq prophètes pour un roi
Alors que les Livres des Rois – axés sur les ministères d'Elie et d'Elisée – ne proposent qu'un récit décousu de la vie de Josaphat, la biographie qui en est présentée dans le deuxième livre des Chroniques montre mieux l'enchaînement des événements et en fait davantage ressortir les leçons spirituelles qui s'en dégagent.
Rappelons ici que l'auteur des deux livres des Rois – peut-être Jérémie – s'est adressé aux fils de la captivité, et qu'il a rassemblé à leur intention les faits principaux de quatre siècles d'histoire, regardant à la fois le royaume du Nord et celui du Sud. L'auteur des deux livres des Chroniques – probablement Esdras – avait un objectif différent: les rescapés de l'exil revenus à Jérusalem devaient retrouver leurs racines, puisqu'ils ne connaissaient plus l'hébreu (cf. Né 8:8), et ignoraient tout de leur héritage spirituel. C'est pourquoi les livres des Chroniques développent l'aspect sacerdotal des règnes de David et de Salomon, et mettent l'accent sur les actes de piété des rois de Juda qui ont recherché Dieu pour en tirer instruction, écartant de son récit les rois de Samarie et ne s'étendant guère sur la biographie des rois de Juda impies.
Plus que tous les autres rois de Juda, Josaphat bénéficiera d'avertissements et de conseils, puisque cinq prophètes seront successivement conduits à l'exhorter de la part de l'Eternel. Si la caractéristique première de Josaphat est celle d'une vie spirituelle en dents de scie – comme hélas, il en va de même de nombreux croyants aujourd'hui – il tirera néanmoins grand profit du ministère de ces envoyés de Dieu, ce qui, toute proportion gardée, est aussi notre privilège aujourd'hui. Divisons donc les 35 ans de règne de Josaphat en cinq étapes gravitant autour de ses rencontres avec ces différents prophètes.
1. Michée
Instruit par les avatars de ses prédécesseurs, Josaphat n'imite pas les rois d'Israël. Son cœur grandit dans les voies de l'Eternel: il marche dans "les premières voies de David son père", et Dieu est avec lui dans tout ce qu'il entreprend: bataillons placés dans les villes fortes, grands travaux, abondance de richesses et de gloire. Il enseigne les chefs de Juda qui soutiennent sa cause, au point qu'une sainte terreur s'empare des royaumes avoisinants (2 Ch 17:2-9). Par son fulgurant départ sur le chemin de l'obéissance, Josaphat donne un remarquable exemple de foi.
Si son père Asa a contracté alliance avec l'impie Baescha, roi d'Israël, Josaphat tout au contraire se fortifie contre le royaume du Nord qui a sombré dans l'idolâtrie. Mais le mal dont il s'est le plus soigneusement gardé est celui qui, plus tard, exercera sur lui le plus d'attrait. Peut-être qu'après s'être fortifié contre Israël, se croyait-il invulnérable face au royaume du Nord... exactement comme le chrétien d'aujourd'hui qui, mû par l'autosatisfaction et la confiance en soi, cesse de veiller et de prier. "Que celui qui croit être debout prenne garde de tomber" (1 Co 10:12), avertissait l'apôtre. Rien n'est plus dangereux pour l'enfant de Dieu que se croire fort et inattaquable.
La première phrase de 2 Chroniques 18 nous laisse entendre que la prospérité de Josaphat est devenue son piège au point de l'engager à s'allier avec l'impie Achab. Prenons garde: nous sommes davantage en danger quand tout va bien que quand tout va mal, et ce n'est pas seulement avant, mais surtout après la bénédiction que nous avons besoin de protection: "Que l'Eternel te bénisse et qu'il te garde"! (No 6:24).
Le récit biblique fait ressortir les étapes progressives de la chute morale de Josaphat (2 Ch 18:1-3, 28-34). D'abord il s'allie par mariage avec la maison d'Achab, puis il accepte son hospitalité. Il s'engage ensuite à le seconder dans son expédition punitive contre Ramoth en Galaad. Nous aurions tort de passer comme chat sur braise sur les inconséquences d'un roi qui a fait progressivement taire la voix de sa conscience, pour se laisser envoûter par des circonstances subtilement orchestrées par l'adversaire de Dieu. Oui, le séducteur s'entend à merveille pour berner, hier comme aujourd'hui, le croyant que l'assurance propre a rendu vulnérable.
D'abord Satan a pris son temps pour maîtriser Josaphat: "Au bout de quelques années..." (2 Ch 18:2a). Ce qui eût été impossible au lendemain de louables actes de piété est entré tout naturellement dans l'ordre des choses lorsque routines et habitudes ont neutralisé piété et vie spirituelle. C'est au point qu'au cours du festin que lui offrira Achab (2 Ch 18:2b) – car l'ennemi fête toujours les défaites des croyants – Josaphat s'intéressera aux projets militaires du roi d'Israël jusqu'à lui assurer: "Moi comme toi, et mon peuple comme ton peuple, nous irons..." (2 Ch 18:3).
"Moi comme toi" L'esprit du monde sait fort bien nous subjuguer en atténuant les différences qui nous en distinguent. Pourtant ses méthodes, sa stratégie et ses objectifs ne sauraient être les nôtres: L'Ecriture sainte ne traite-t-elle pas d'adultères ceux qui pactisent avec le monde? "Ne savez-vous pas que l'amour du monde est inimitié contre Dieu? Celui donc qui veut être ami du monde se rend ennemi de Dieu"! (Ja 4:4).
Par conséquent, lorsque l'enfant de Dieu s'assimile au monde en se permettant ce qui est normal et inhérent à la société qui l'entoure, il s'écarte gravement de la ligne de conduite qui lui a été tracée. En affirmant "moi comme toi" à un système dont le véritable maître s'est proclamé "prince", "dieu de ce monde" (Jn 12:31; 2 Co 4:4), le chrétien renie son Seigneur, qui a précisément donné sa vie pour le "racheter de la vaine manière de vivre héritée de ses pères" (1 Pi 1:18).
Dans sa perfide stratégie, l'adversaire cherche à anesthésier sa victime en le poussant à raisonner "Moi comme toi" face au monde. Aussi le croyant ne devra-t-il pas s'étonner de l'impasse dans laquelle il sera plongé tôt ou tard. Il s'emberlificotera dans ses problèmes comme l'oiseau dans les mailles du filet qui lui est fatal (Ps 18:6; 91:3; Pr 1:17; 7:23, etc). Seule une intervention souveraine et miraculeuse survenue de l'extérieur pourra encore l'en dégager!
Un autre aspect des tactiques de notre adversaire est celui de nous persuader que la fin justifie les moyens. C'était vrai que Ramoth en Galaad – ville conquise en son temps par Moïse sur Og roi de Basan (No 21:33-35), et sélectionnée par Dieu pour devenir refuge du meurtrier involontaire (De 4:43) – faisait partie de droit de la terre promise. Il pouvait donc paraître légitime de la reconquérir. Il eût été facile à Achab ou à Josaphat de justifier leur entreprise en la cautionnant de versets bibliques – selon des méthodes qu'hélas nous connaissons bien – et d'ainsi prétendre à l'approbation de Dieu sur leur entreprise. Or ce n'est pas volontiers que le Seigneur confie la mission d'exécuter ses plans ou ses conquêtes à des instruments impies ou à des croyants rétrogrades. Il ne construit rien avec des outils défectueux, pas davantage qu'il n'engage sur le champ de bataille des soldats susceptibles de trahison (cf. 2 Ch 25:6-9).
Mais quelle responsabilité pour Josaphat, le souverain intègre! Pendant des années, il avait rendu un témoignage sans failles, et maintenant, au moment où il aurait dû dénoncer la vanité d'une entreprise dont le Seigneur ne pouvait être qu'absent, il donne un si triste exemple ! (cf. Ja 2:1-20). Si les gens du monde sont souvent empêtrés jusqu'au cou dans la corruption sans s'en faire le moindre scrupule, ils s'étonnent grandement quand l'enfant de Dieu se trouve où il ne doit pas être: "Toi, chrétien... ici... dans ce lieu... dans ce parti... dans cette tricherie... dans ces affaires louches... dans ces compromis d'ordre moral... non, je ne l'aurais jamais cru"! (cf. Ro 2:1-3). Aussi ne se privent-ils pas ensuite de tourner en dérision un tel christianisme ou d'en tirer parti pour cautionner leurs propres incartades!
Mais comment Michée – le premier des prophètes envoyé auprès de Josaphat – est-il intervenu dans cet imbroglio? Il semble que Josaphat eut un soudain revirement de conscience lorsqu'il constata que, parmi les 400 prophètes vociférant dans la cour d'Achab, il n'en était aucun qui s'exprimait au nom du Dieu des cieux: "N'y a-t-il plus ici aucun prophète de l'Eternel, par qui nous puissions le consulter"? (2 Ch 18:5-6).
Certes les prophètes d'Achab s'exprimaient tous au nom de Dieu... Mais, les gourous des sectes modernes ou les apôtres du Nouvel-Age agissent-ils différemment? Josaphat est cependant d'une autre trempe. Il ne s'est pas contenté d'un Dieu lointain et impersonnel, ou d'un Créateur qui ne serait pas aussi le Sauveur et le Seigneur digne de la véritable adoration (cf. Jn 4:23-24). Dans l'Ancien Testament, beaucoup se contentaient d'un culte rendu occasionnellement à Elohim, le Dieu créateur, alors que d'autres avaient une connaissance intime de Yahvé (l'Eternel), le Dieu de la rédemption d'Israël. On comprend donc le ressaisissement de Josaphat, soudain conscient de la distance qui sépare la cour d'Achab du vrai Dieu, et réclamant une voix autorisée pour s'exprimer au nom de l'Eternel!
Et c'est dans cette situation qu'intervient Michée. Achab ne l'aime pas, et pour cause: Comment un envoyé de Dieu pourrait-il cautionner l'incurable impiété de cet homme, dominé en tout par sa femme Jézabel, et qui a engagé les dix tribus du Nord dans l'idolâtrie la plus grossière? "Il ne me prophétise rien de bon" (cf. 1 R 21:24-25) déclare Achab au sujet de Michée, fils de Jimla – à ne pas confondre avec Michée qui vécut au temps d'Ezéchias 150 ans plus tard et nous laissa l'un des douze livres des " petits prophètes " – petits par le volume, grands par le message!
L'envoyé royal chargé de ramener Michée l'engage à faire chorus avec les centaines de prophètes qui rassurent Achab. "L'Eternel est vivant!", répond Michée, "j'annoncerai ce que dira mon Dieu." Mais il attend le moment propice avant de mettre toutes ses cartes sur table, au point qu'Achab lui-même doute que les premières paroles qu'il prononce reflètent vraiment la pensée de Dieu.
Et lorsque Michée dévoile le message de l'Eternel qui n'est guère flatteur pour Achab: "Ces gens n'ont point de maître, que chacun retourne en paix dans sa maison", le roi se vexe... mais pour entendre cette fois le verdict de Dieu: les actes coupables d'Achab ayant dépassé la mesure, Dieu a décidé de juger ce monarque impie, et sa fin est arrêtée... précisément sur le champ de bataille de Ramoth en Galaad. (1 R 22:8-18).
Michée, qui a l'intelligence des voies de Dieu envers Israël (cf. 1 Ch 12:32), a vu la gloire de son Maître: assis sur son trône, il était entouré de toute l'armée des cieux. Et il a entendu le défi divin: "Qui séduira Achab... pour qu'il monte à Ramoth en Galaad et qu'il y périsse" (1 R 22:20). Aussi sait-il qu'un esprit de mensonge envoyé par Dieu (cf. 2Th 2:11-12) doit enflammer les esprits de tous les prophètes assemblés autour d'Achab, pour le séduire et accomplir ainsi les desseins du Souverain des cieux.
Il n'est guère surprenant que le message de Michée ait suscité une réaction violente de la part des faux prophètes, et que la colère d'Achab se soit traduite par l'emprisonnement de Michée, condamné "au pain et à l'eau de l'affliction jusqu'à ce que je revienne en paix". Mais Michée n'a guère souci de sa personne; ce qui compte pour lui, c'est la gloire du Dieu d'Israël. Aussi en se retirant de l'arène où sont réunis tous les courtisans d'Achab, se contente-t-il d'ajouter à son intention: "Si tu reviens en paix, l'Eternel n'a point parlé par moi... Vous tous, peuples, entendez!" (1 R 22:13-28; 2 Ch 18:12-17).
Mais revenons à Josaphat: Après avoir assisté à une telle scène, s'est-il interrogé: "Suis-je vraiment à ma place ici?" Il a entendu les arguments des faux prophètes comme le verdict du vrai prophète. Josaphat va-t-il rester une heure de plus dans cette cour corrompue? Il est des jours où Dieu multiplie ses avertissements, mais où la conscience du chrétien s'endurcit, au point qu'il s'entête sur la route de la désobéissance (cf. Ap 2:21).
Par ses services de renseignements, Achab avait vraisemblablement appris l'ordre du roi de Syrie à ses troupes "Vous attaquerez seulement le roi d'Israël". C'est probablement pour cela qu'il se déguisa pour aller au combat. Sa ruse allait-elle jusqu'à souhaiter que son ami Josaphat, revêtu de ses habits royaux, devienne la cible de prédilection des soldats syriens et qu'ainsi il succombe sur le champ de bataille? Acculé par les troupes syriennes, Josaphat ne survivra qu'en vertu de l'intervention souveraine et miséricordieuse du Dieu qu'il avait abandonné: "Josaphat poussa un cri, et l'Eternel le secourut, et Dieu écarta de lui les Syriens". Ce fut alors qu'une flèche tirée au hasard frappa mortellement Achab au défaut de la cuirasse, lui qui avait cru garantir sa sécurité en revêtant l'armure d'un simple soldat (1 R 22:29:35). Achab chercha à fuir le champ de bataille, le combat y devint si acharné, que le sang de sa blessure s'écoula sur son char et qu'il succomba le soir-même... exactement comme le prophète Elie l'avait annoncé des années auparavant (1 R 21:19-22; 22:34-38).
Totalement impuissant, Josaphat assiste à ce drame (2 Ch 18:28-34). Bien triste épilogue d'une épopée "écrite , pour notre instruction, à nous qui sommes parvenus à la fin des siècles"! (1 Co 10:11).
2. Jéhu
"Josaphat, roi de Juda, revint en paix dans sa maison à Jérusalem " (2 Ch 19:1). Retour peu glorieux après la grave désobéissance qui l'avait poussé à Samarie et à Ramoth en Galaad! Or nous avons tous une "ville de la paix" dans laquelle nous avons à revenir et nous réfugier après les défaites morales, une citadelle que Dieu nous engage à rallier, aimer, reconstruire et défendre, et qui seule peut servir de point de départ pour de nouvelles conquêtes.
Mais avant de repartir à la guerre, Josaphat avait besoin d'un temps de réflexion. Jéhu – à ne pas confondre avec son homonyme qui devint roi d'Israël quelques années plus tard (2 R 9) – fut le prophète que Dieu envoya pour lui rappeler une règle absolue: "Doit-on secourir le méchant, et aimes-tu ceux qui haïssent l'Eternel? A cause de cela, l'Eternel est irrité contre toi" (2 Ch 19:2).
Et Josaphat qui avait fait la sourde oreille devant Michée écouta Jéhu. Refuser de prêter attention aux exhortations d'un serviteur de Dieu "que l'on condamne au pain et à l'eau", c'est appeler le malheur sur sa propre vie. Mais regagner "notre" Jérusalem, "la ville de la paix", c'est retrouver le terrain de la communion avec le Seigneur, une leçon qu'il faut assimiler avant la poursuite d'une carrière ou d'un ministère.
Et Dieu dispose par grâce de "Jéhus" qui font entendre leur voix, empêchant de passer superficiellement sur un enseignement d'importance capitale. Un enseignement jugé autant indispensable à notre marche chrétienne aujourd'hui, qu'il le fut pour Josaphat... avant une nouvelle étape tout aussi fertile en événements.
"Josaphat resta à Jérusalem" (2 Ch 19:4) précise le texte. Il nous incombe aussi d'apprendre à demeurer sur le terrain où Dieu peut bénir et se révéler à notre âme. Puis, si nous avons consenti à "affermir les pieux" de notre tente, il nous conduit à en "étendre les cordages" (Es 54:2).
De Jérusalem, Josaphat entreprend un voyage de prospection spirituelle qui le conduit "depuis Beer-Schéba jusqu'à la montagne d'Ephraïm", soit même au-delà des frontières de Juda. Dans toutes les villes où il passe, il engage le peuple à servir le Dieu de ses pères, établissant des juges pour lutter contre la corruption, suivre les ordonnances de la loi de Moïse et honorer l'Eternel (2 Ch 19:4-11).
A cette occasion, il exhorte magistrats, Lévites et sacrificateurs en ces termes: "Prenez garde à ce que vous ferez... Veillez sur vos actes... Fortifiez-vous et agissez, et que l'Eternel soit avec celui qui fera le bien" (2 Ch 19:6,7,11b).
3. Jachaziel
Dieu qui connaît tout d'avance a permis ce ressaisissement moral et spirituel de Juda en vue de la grande épreuve qui l'attend: Une multitude nombreuse de Syrie et d'au-delà du Jourdain – Moabites, Ammonites et Maonites, marche contre Jérusalem (2 Ch 20:1-2). Dans sa frayeur, Josaphat se dispose à chercher l'Eternel et assemble tout Juda pour l'invoquer. Il prie en termes pathétiques, s'appuyant sur l'oeuvre et la fidélité de Dieu envers Israël au cours des siècles écoulés, et n'accepte en aucun cas que des adversaires puissent s'arroger le droit de chasser les Hébreux de leur héritage (2 Ch 20:3-11).
Alors qu'effrayé et tremblant, tout le peuple est assemblé devant l'Eternel (2 Ch 20:3-11), l'Esprit de Dieu se saisit: d'un prophète inconnu, Jachaziel. Après Michée et Jéhu, c'est donc le troisième messager que Dieu envoie à Josaphat. Il le charge de rassurer la nation entière en annonçant l'imminence d'une extraordinaire et miraculeuse intervention du Tout-Puissant: "Ne craignez point... Vous n'aurez pas à combattre dans cette affaire: présentez-vous, tenez-vous là, et vous verrez la délivrance que l'Eternel vous accordera" (2 Ch 20:14-17).
Une parole qui non seulement est écoutée, mais prise tellement au sérieux que Josaphat incline son visage contre terre alors que tous les habitants de Jérusalem tombent devant l'Eternel pour l'adorer (2 Ch 20:18). Puis, au lieu de soldats, ce sont des Lévites et des chantres qui sont envoyés en première ligne. Combat bien étrange où, tandis que de grand matin, ils entonnent la louange, l'Eternel place en embuscade une armée – vraisemblablement céleste – chargée d'exterminer cette multitude ( Ch 20:19-23). Des hauteurs surplombant la Mer Morte, les Judéens n'apercevront que des cadavres, et il leur faudra trois jours entiers pour les dépouiller des incroyables richesses qu'ils portent sur eux! (2 Ch 20:24-25).
Si dans le conflit qui opposa Achab et Josaphat aux Syriens, la bataille déboucha sur une lamentable défaite comparable à celle que subit Josué dans la "vallée du trouble" (Acor) (cf. Jos 7), Josaphat et son peuple nommèrent le théâtre de cette miraculeuse intervention du ciel "vallée de bénédiction" (Beraca) (2 Ch 20:26). Fait unique dans l'histoire de toutes les batailles, les épées demeurèrent dans leurs fourreaux, alors que louanges et sons de trompettes ponctuèrent cette journée d'une fantastique délivrance dont Dieu fut le seul artisan (2 Ch 20:27-28). Josaphat et son peuple revinrent à Jérusalem au son des luths et des harpes, alors que la terreur de l'Eternel s'emparait de tous les royaumes environnants (2 Ch 20:29).
Est-ce étonnant que dès lors "le royaume de Josaphat fut tranquille" et que son Dieu "lui donna le repos de tous côtés" ? (2 Ch 20:30). L'on ne saurait concevoir certificat plus éloquent pour un homme qui, après toutes ses tergiversations, avait enfin su mettre sa confiance en Dieu seul, et cela dans la plus grave difficulté qu'il dut affronter durant les 25 années de son règne (2 Ch 20:31).
Un certificat résumé par une déclaration lourde d'implications: "Il marcha dans la voie de son père Asa et ne s'en détourna point, faisant ce qui est droit aux yeux de l'Eternel" (2 Ch 20:32). Ne tenant plus compte des fautes passées, Dieu met Josaphat au bénéfice d'une oeuvre de régénération par laquelle "toutes choses sont devenues nouvelles " (cf. 2 Co 5:17).
4. Eliézer
Cependant après la crête de la vague, le creux... Il serait déplacé – et inconvenant – d'achever sur une note essentiellement positive notre survol de la vie de Josaphat, alors que le texte biblique y joint un surprenant et triste épilogue, qui s'ouvre par les mots: "Après cela..." N'est-ce pas après les bénédictions dispensées par le Seigneur que le croyant doit d'autant plus veiller? N'est-ce pas souvent la couronne de lauriers décernée au vainqueur qui lui fait tourner la tête?
Pourtant, l'alliance contractée avec Achab dans le passé avait causé suffisamment de déboires à Josaphat pour qu'il ne récidive pas dans cette voie. Mais il est des leçons qu'on refuse d'apprendre: "Après cela, Josaphat, roi de Juda, s'associa avec le roi d'Israël, Achazia, dont la conduite était impie" (2 Ch 20:35). Josaphat veut imiter son ancêtre Salomon en organisant une expédition vers les mers lointaines pour vraisemblablement en ramener or, argent, bois de santal et pierres précieuses (2 Ch 9:18; 10:10). Mais en recherchant la collaboration d'Achazia l'impie, il s'y prend fort mal: "Quel rapport y a-t-il entre le temple de Dieu" (où Josaphat adore à Jérusalem) "et les idoles" (2 Co 6:16) devant lesquelles Achazia se prosterne à Samarie? Non, le Seigneur ne saurait approuver l'entreprise conjointe d'un serviteur de l'Eternel et d'un adorateur de Baal.
Aussi, Dieu lui envoie Eliézer – le quatrième prophète qui exercera un ministère auprès de Josaphat – pour l'avertir solennellement: "Parce que tu t'es associé à Achazia, l'Eternel détruit ton œuvre".
Et effectivement, les navires construits à Etsjon-Guéber (Eilat) sur les rives de la Mer Rouge, avec le concours des spécialistes d'Achazia, se brisèrent (2 Ch 20:35-37).
Achazia, roi d'Israël, avait tout à gagner à s'attirer les faveurs d'un monarque dont le royaume baignait dans la prospérité. Aussi fit-il une nouvelle proposition à Josaphat, roi de Juda: "Veux- tu que mes serviteurs aillent avec les tiens sur des navires?" (1 R 22:50b).
L'inexpérience des marins de Juda avait-t-elle été la cause du désastre subi par Josaphat? Achazia saisit la balle au vol: "Cette perte n'est pas irréparable, car tu peux construire d'autres navires, et cette fois, mes serviteurs t'accompagneront, offrant toutes les garanties d'une navigation sûre et fructueuse!"
Nous avons un adversaire qui ne se satisfait jamais de ses victoires. La première tentation pave le chemin de la deuxième , plus subtile peut-être. Seraient-ce des avantages matériels qu'il nous propose en échange de notre allégeance à son autorité? Les "navires" de nos désobéissances ont-ils été brisés par la tempête? Qu'importe! On fera redémarrer le chantier, et cette fois on prendra des garanties supplémentaires; professionnels et experts en toute discipline prendront en main l'expédition et en garantiront le plein succès! Ainsi, notre ennemi nous fait souscrire une assurance tous risques, tout en se faisant grassement payer! Car jamais Satan ne fait de cadeaux à l'enfant de Dieu: ses propositions sont toujours intéressées pour lui... et coûteuses pour nous!
Heureusement que Josaphat a discerné le piège et décliné l'offre: "Mais Josaphat ne voulut pas " (1 R 22:50c). Le lamentable échec de son expédition avait été cuisant pour son orgueil ! Fallait-il toutefois cette amère expérience pour enfin saisir le caractère immuable des principes divins: "Quel accord y a-t-il entre Christ et Bélial ? ou quelle part a le fidèle avec l'infidèle?... C'est pourquoi... séparez-vous, dit le Seigneur... Ne touchez pas à ce qui est impur, et je vous accueillerai " (2 Co 6:15-17).
Si l'on pouvait traduire sur un graphique la vie spirituelle de Josaphat, ce roi que Dieu avait pourtant comblé de richesses, ne s'exprimerait-elle pas par une ligne en dents de scie? Hélas que de fois la marche du chrétien se traduit-elle par des hauts et des bas sur le graphique céleste! Trop souvent, il passe sans transition des sommets les plus élevés aux gorges les plus profondes, alors que le Seigneur avait programmé pour lui une marche régulièrement ascendante?
5. Elisée
Le deuxième Livre des Rois raconte encore une expédition à laquelle Josaphat prit part tout à la fin de son règne, alors que Joram, fils d'Achazia. était déjà roi à Samarie. Trois peuples – Israël, Edom et Juda – s'unirent pour mater la révolte de Moab (2 R 3:49). On peut s'étonner de voir Josaphat à nouveau associé à des rois païens. Cependant, avant la bataille, le roi de Juda réclama l'avis d'un prophète de l'Eternel, dans les mêmes termes qu'il utilisa en son temps devant Achab: " N'y a-t-il ici aucun prophète de l'Eternel par qui nous puissions consulter l'Eternel"? (2 R 3:11).
Elisée sera le cinquième prophète à jouer un rôle dans la vie de Josaphat. A cette occasion et en réponse à la question que vient de poser Josaphat, le texte sacré décerne à Elisée un certificat qui, par sa teneur, surpasse tout diplôme humain: "Il y a ici Elisée, fils de Schaphath, qui versait l'eau sur les mains d'Elie" (2 R 3:11). Les plus grands hommes de Dieu ne se sont jamais soustraits aux services les plus humbles, et le Seigneur n'a-t-il pas dit que le seul fait de donner un verre d'eau à l'un de ses serviteurs entraîne aussi une récompense ? (Mt 10:42).
Les tâches les moins spectaculaires préparent les serviteurs de Dieu à assumer les responsabilités qui leur seront confiées par la suite. N'appartenait-il pas à Elisée d'admonester trois rois qui – avec leurs nombreux soldats égarés dans un désert impitoyable – seraient morts de soif si, suite à l'injonction de Josaphat, ils ne s'étaient rendus auprès de l'homme de Dieu? Tout en tenant des propos encourageants au sujet de Josaphat, Elisée eut des paroles très dures envers Joram, le roi d'Israël: "L'Eternel des armées, dont je suis le serviteur, est vivant! Si je n'avais eu égard à Josaphat, roi de Juda, je ne ferais aucune attention à toi, je ne te regarderais même pas!" D'une part, désapprobation de l'impiété, d'autre part approbation de l'intégrité d'un roi qui, après certaines éclipses de sa foi, s'était tout de même ressaisi.
Le récit biblique se poursuit en racontant l'intervention miraculeuse de Dieu, amenant de l'eau en plein désert, et donnant à ces trois armées la victoire sur Moab. Une fois de plus, Dieu avait tenu compte de la piété de Josaphat, cette fois en faisant couler des sources en terre aride, puis en délivrant son peuple (2 R 3:16:27).
"Le reste des actions de Josaphat, les premières et les dernières, cela est écrit dans les mémoires de Jéhu" (2 Ch 20:34), conclut le biographe de Josaphat dans le deuxième livre des Chroniques. Dans les annales célestes où sont inscrites les actions des rachetés, y aura-t-il un hiatus entre nos premières et nos dernières actions?
Vous avez été approuvés par le Seigneur dans "vos premières actions"? Mais "les dernières" seront-elles autant à sa gloire? Ou bien, après l'évidente bénédiction dont vous avez été gratifiés dans "la vallée de Beraca", vos "navires" se briseront-ils en quelque "Etsjon-Guéber? Qui se laissera donc avertir par les expériences de Josaphat?