5. Joram, Achazin, Athalie - Le trio de l'impiété
En abordant ces trois nouveaux règnes, il peut être utile de signaler la similitude des noms portés par les rois de Juda et ceux d'Israël au cours d'une douzaine d'années, entre l'an 852 et 841 av. J.-C.
A Samarie, capitale du royaume d'Israël, le fils d'Achab, Achazia, cède le trône à son fils Joram. A Jérusalem, en Juda, c'est Joram qui remplace son père Josaphat, et Achazia, fils de Joram, règne après lui. Nous voyons donc se succéder sur le trône d'Israël Achab, puis Achazia et enfin Joram, et sur le trône de Juda, Josaphat, Joram, puis Achazia.
1. Joram frappé dans son corps, parce qu'il refusa l'avertissement
L'impiété est le dénominateur commun des trois règnes qui couvrent cette sombre page d'histoire de Juda. Or l'impiété entraîne toujours la juste rétribution divine qui, pour Joram, Achazia et Athalie, prendra chaque fois un visage différent. Peut-être aurions-nous préféré nous attarder sur des passages plus lumineux de la Bible, mais l'apôtre n'a-t-il pas averti les chrétiens de Corinthe qui vivaient au sein d'une cité livrée à l'impiété: "Ces choses leur sont arrivées pour servir d'exemples, et elles ont été écrites pour notre instruction, à nous qui sommes parvenus à la fin des siècles"? (1 Co 10:11).
Or, si la débauche caractérisait Corinthe au premier siècle, que dire de notre fin de siècle, où le monde se vautre plus que jamais dans une corruption qui aurait fait rougir les Corinthien? Aussi importe-t-il d'autant plus d'observer comment le divin Juge rend à chacun "la monnaie de sa pièce", même sans attendre que s'érige le tribunal suprême.
D'emblée, Joram, le fils aîné de Josaphat, renie tous les actes de piété dont il fut pourtant le témoin sous le règne de son père. Dès qu'il occupe le trône, il fait mourir par l'épée tous ses frères et certains des anciens de Juda (2 Ch 21:4). Puis il s'allie par mariage à la maison d'Achab et marche dans les voies des rois d'Israël. Il élève des hauts-lieux pour le culte idolâtre et va jusqu'à "pousser Juda à la prostitution". (2 R 8:18; 2 Ch 21:6,11).
L'importance que l'Ancien Testament attribue à l'idolâtrie au travers de nombreux récits peut surprendre le lecteur moderne. Pour apprécier cette situation, empruntons à Derek Kidner quelques propos de son excellent commentaire du livre d'Osée: "Il faut savoir que les dieux cananéens étaient, pour l'essentiel, les dieux de la fertilité. Pour obtenir de bonnes récoltes, le peuple d'Israël était tenté de demander leur aide – Yahvé apparaissant quelque peu incompétent en ce domaine... Or les symboles obscènes de la fertilité – l'assimilation de El ou de Baal à un taureau, les rapports sexuels pratiqués dans un sanctuaire ou sous un arbre-chapelle – n'étaient pas l'expression d'une pornographie gratuite, mais d'une croyance selon laquelle ce type de puissance et de fécondité représentait l'essence même de la vie et du monde. A cela s'ajoutait la fascination de l'interdit et de l'avilissement – le passage excitant de la claire lumière du jour de Yahvé au monde crépusculaire des dieux violents et cruels..."
En "poussant Juda à la prostitution", Joram nargue délibérément l'Eternel en s'engageant dans une voie où le repentir n'est plus possible; la punition de Dieu est donc inéluctable. Aussi essuie-t-il bien vite de graves revers sur divers champs de bataille: révolte d'Edom, invasion du pays par les Philistins et les Arabes voisins de l'Ethiopie. (2 Ch 21:8-10; 2 Ch 21:16-17).
Mais avant cela, Dieu cerne Joram par de solennels avertissements. Et, cas unique dans l'Ecriture sainte, il lui parvient, de la part de Dieu, un écrit rédigé par un prophète disparu quelques années auparavant, en l'occurrence le grand Elie, que le Seigneur avait enlevé (2 R 2:1-11) plusieurs années avant que Joram n'accède au trône de Juda. N'est-il pas remarquable que l'Esprit de Dieu ait poussé son serviteur, de son vivant, à transcrire un message destiné à un monarque qu'il ne verrait pas, mais dont la teneur montre toute la sévérité de Dieu à l'égard des artisans de l'impiété? Il vaut la peine de s'y arrêter:
"Ainsi parle l'Eternel, le Dieu de David, ton père: Parce que tu n'as pas marché dans les voies de Josaphat, ton père, et dans les voies d'Asa, roi de Juda, mais que tu as marché dans la voie des rois d'Israël, parce que tu as entraîné à la prostitution Juda et les habitants de Jérusalem... et que tu as fait mourir tes frères meilleurs que toi... voici l'Eternel frappera ton peuple d'une grande plaie, tes fils, tes femmes, et tout ce qui t'appartient; et toi, il te frappera d'une maladie violente, d'une maladie d'entrailles qui augmentera de jour en jour jusqu'à ce que tes entrailles sortent par la force de ton mal". (2 Ch 21:12 -15).
Cette prédiction du grand prophète Elie s'est réalisée à la lettre: Lorsque "les Arabes voisins de l'Ethiopie" sont montés contre Jérusalem, ils en ont pillé tous les trésors et ont emmené captifs les femmes et les fils du roi, à l'exception du plus jeune, Joachaz-Achazia (2 ch 21:16-17). Puis Joram fut frappé lui-même d'une incurable maladie d'entrailles qui "sortirent par la force de son mal" au cours de violentes souffrances. Joram mourut sans être regretté, après huit ans d'un règne marqué par une inqualifiable décadence morale. (2 ch 21:18- 21).
La maladie ne doit pas être nécessairement considérée comme un châtiment divin. Dieu peut la permettre pour diverses raisons; elle peut être une épreuve nous amenant à découvrir la présence et la fidélité du Seigneur à nos côtés,(cf. 2 Co 12:7-10) elle peut rapprocher de Dieu ceux qui s'en sont éloignés, (cf. Ja 5:14-15) ou tout simplement contribuer à l'éducation spirituelle du chrétien, (cf. Hé 12:5-11), elle peut fournir l'occasion d'un témoignage à sa gloire (cf. Jn 9:2-3). Mais elle peut aussi être le signal d'alarme d'un avertissement divin (cf. 2 Ch 26:19) ou, comme dans le cas de Joram, la punition méritée d'un individu qui s'est délibérément tourné contre Dieu. Pourtant Dieu avait envoyé à ce roi un texte rédigé par le plus puissant des prophètes de l'Ancien Testament, mais Joram n'en a fait aucun cas.
Or, malheur à celui qui, aujourd'hui comme alors, "pèche volontairement après avoir reçu la connaissance de la vérité"! (cf. Hé 10:26-31).
2. Achazia frappé à Meguiddo en raison de son impiété
Ce fils de Joram avait été miraculeusement épargné lors de l'invasion des Arabes. Seul de la famille royale, il avait échappé au massacre,(2 ch 22:1) acte dû à la providence divine qu'il n'a pourtant pas reconnue. Tout au contraire, il marcha dans la voie des rois d'Israël auxquels il s'était allié, d'abord par mariage, puis sur le plan militaire (2 R 8:27-28). Il semble que sa mère Athalie (femme de Joram, roi de Juda et soeur d'Achab, roi d'Israël) ait joué un rôle déterminant par ses perfides conseils pour engager Achazia dans des entreprises que Dieu réprouve (2 Ch 22:2-5).
Si Dieu a utilisé un écrit de la plume d'Elie pour avertir Joram, l'Eternel a employé un autre moyen pour sanctionner Achazia: celui des revers sur le champ de bataille. Alors que, pour combattre les Syriens, il avait rejoint son allié Joram, roi d'Israël, ce dernier fut blessé, et Achazia se rendit à son chevet à Samarie.
Or ce fut "par la volonté de Dieu et pour sa ruine" qu'Achazia descendit à Samarie: A ce moment précis survint le capitaine Jéhu que "Dieu avait oint pour exterminer toute la maison d'Achab" (2 Ch 22:7). Joram, allié d'Achazia, lui cria qu'il s'agissait d'une trahison; mais il n'eut pas le temps de s'enfuir et ne survécut guère à l'impie roi de Samarie: Jéhu, chargé par Dieu de faire justice, ne l'épargna pas non plus; alors qu'Achazia fuyait vers Meguiddo, les fantassins de Jéhu le frappèrent sur son char, il y mourut (2 R 9:27), et ne dut qu'au souvenir laissé par son grand'père Josaphat l'honneur d'être enterré à Jérusalem. (2 R 9:28; 2 Ch 22:9).
L'histoire nous informe que deux rois de Juda ont été assassinés à Meguiddo: Achazia, qui recevait de sa mère "des conseils impies" 2 ch 22:3). Et Josias, le dernier roi intègre de Juda qui périt à Meguiddo sous les coups de Pharaon Néco. Contrairement à Achazia, Josias, fils unique, fut tellement apprécié par ses sujets qu'on le pleura dans tout Juda (2 ch 35:20- 25) et que Jérémie le prophète composa une complainte en son honneur (cf. Jé 6:26).
Or, la Meguiddo de l'Ancien Testament correspond à l'Harmaguédon (colline de Meguiddo) du Nouveau Testament (Ap 16:16). Mais alors que la Meguiddo israélite désigne un champ de bataille proche de la plaine de Jizreel, dont la renommée est liée aux très nombreux combats qui s'y sont déroulés, Harmaguédon évoque le plus grave conflit de toute l'histoire, un conflit qui appartient encore à l'avenir. Alors se mobiliseront des armées qui, des quatre points cardinaux de la Planète, envahiront le Moyen- Orient, non seulement pour faire la guerre à Israël, mais avant tout pour défier le Dieu des cieux.
Et que se passera-t-il en cette ultime bataille à nulle autre comparable? D'une part, le Seigneur Jésus "frappera l'impie par le souffle de sa bouche et l'éclat de son avènement" (2 Th 2:9), un impie beaucoup plus dangereux qu'Achazia puisqu'il aura séduit la société humaine pour ensuite gouverner la Planète entière – et que nos versions désignent alternativement d'Antéchrist, d'"homme de péché" ou d'"impie" (2 Th 2:3). D'autre part, c'est aussi lors de la bataille d'Harmaguédon que le peuple bien-aimé, Israël, fondu par un esprit de grâce, pleurera sur Jésus son Messie "comme sur un Fils unique" et portera grand deuil à son sujet "dans la vallée de Meguiddo" (Za 12:10:11).
Même un assassinat peut donc servir de tremplin à la prophétie... et nous projeter dans la vision apocalyptique d'Harmaguédon, un événement dont l'ampleur dépassera tous les précédents! Et là encore, c'est "pour notre instruction"!
3. Athalie la sanglante, détrônée et assassinée
Dès la mort d'Achazia, la reine-mère Athalie accapare le pouvoir; sa perversité et sa cruauté sont telles qu'elle ordonne immédiatement l'extermination de tous ses neveux et de ses nombreux petits enfants: "Voyant que son fils (Achazia) était mort, elle se leva et fit périr toute la race royale de la maison de Juda." Ce n'est pas pour rien que l'Ecriture parle de "sens réprouvé"! (Ro 1:28).
Cependant Dieu n'avait pas dit son dernier mot; il avait son instrument pour encore faire grâce à Juda: Joschéba (ou Joschabeath), la fille du roi Joram, donc soeur ou demi-soeur d'Achazia. Devenue la femme du souverain sacrificateur Jehojada, elle prit l'initiative d'arracher au massacre son neveu le petit Joas, alors bébé, pour le cacher avec sa nourrice dans la maison de l'Eternel. (2 R 11:2; 2 Ch 22:11).
Athalie la sanglante fit régner la terreur sur tout Juda, en occupant le trône pendant six ans.(2 R 11:3). Mais elle ignorait l'existence même de son petit-fils, héritier direct du trône. Comment l'eût-elle découvert dans sa cachette? Certes, elle ne devait pas souvent se rendre à la maison de Dieu. N'avait-elle pas au contraire ordonné le pillage du temple pour utiliser les objets consacrés à l'Eternel au profit du culte de Baal? (2 Ch 24:7).
Le moment vint toutefois où le sacrificateur Jéhojada prit l'initiative d'une révolte nationale contre la douairière acariâtre et insupportable. Il "s'anima de courage", rassembla les Lévites et tous les citoyens de Juda pour leur présenter Joas, "le fils du roi" dans la maison de l'Eternel. Entouré de tout le peuple, chacun ses armes à la main, le jeune roi fut accueilli par les fanfares et les cris de joie. Un bruit qu'entendit au loin Athalie. Elle eut beau crier: "Conspiration, conspiration", son heure était venue. Alors que les concerts de louange remplissaient la maison de l'Eternel, on la fit sortir du temple pour l'assassiner à la porte des chevaux. (2 R 11:4-16; 2 Ch 23:1-15). Sort bien mérité, car il fallait bien passer cette meurtrière à son tour au fil de l'épée: Le Seigneur n'a-t-il pas dit: "Tous ceux qui prendont l'épée périront par l'épée"? (Mt 25:52).
Joram, Achazia, Athalie:
Trois règnes qui font ressortir un principe de base, celui de la justice divine: "Ne vous y trompez pas: on ne se moque pas de Dieu. Ce qu'un homme – une femme – aura semé, il – elle – le moissonnera aussi" (Ga 6:7). Il y eut dans l'histoire d'autres " Athalie la sanglante "... comme il y eut des dictateurs ne reculant pas devant le génocide de tout un peuple et des criminels qui, au nom de leurs idéologies, déportèrent ou massacrèrent des millions de leurs concitoyens . Peu importe que l'on soit terroriste ou assassin en col blanc, maffioso ou fournisseur d'armes pour des généraux sans scrupules, tout se paye un jour. Et si de "gros poissons" réussissent à passer au travers des filets de la justice humaine, aucun d'eux ne pourra se soustraire à la comparution devant le Juge suprême!
Quelle moisson nous préparons-nous? "Celui qui sème pour sa chair moissonnera de la chair la corruption; mais celui qui sème pour l'Esprit moissonnera de l'Esprit la vie éternelle"! (Ga 6:8)