2. Abija - Prétentions... mais leçon apprise
Un état et des antécédents
“Roboam se coucha avec ses pères... et Abija (ou Abijam) son fils régna à sa place” (1 R 14:3). Avec des noms différents, cette phrase biblique se retrouve à la veille de chaque nouveau règne dans les livres des Rois et des Chroniques, au point que, de par sa répétition, elle n'attire guère plus l'attention. Pourtant elle n'évoque pas seulement une filière généalogique, mais aussi génétique puisque, dans la plupart des cas, on aurait pu ajouter "et le fils ne fut pas meilleur que le père". Il est en effet plus aisé de s'enfoncer plus profondément dans les travers et les ornières creusés par ses ancêtres, que de réagir contre leur manière de vivre, et rares ont été les rois de Juda qui surent remonter le courant.
Tout en maintenant une certaine piété, Abija “se livra à tous les péchés que son père avait commis avant lui”. Aussi le texte ajoute-t-il: “Son coeur ne fut point tout entier à l'Eternel, son Dieu, comme l'avait été le coeur de David son père”! (1 R 15:3)
David, arrière-grand-père d'Abija, eut ses moments de faiblesse et de découragement, ses incartades, ses fautes irréparables; il se lança dans l'adultère et ne recula pas devant l'assassinat pour parvenir à ses fins. Néanmoins, si dans ce chapitre 15 du premier livre des Rois, le texte ne tait pas les graves écarts de David sur le chemin de la moralité (1R 15:5), il insiste sur la droiture de son coeur car, après avoir péché, David s'était humilié, repenti et avait sollicité le pardon divin. Il avait ainsi retrouvé la communion avec un Seigneur qui, lorsqu'il efface le péché, ne s'en souvient plus (Ps 103:12) parce qu'il fait toutes choses nouvelles! (2 Co 5:17; Es 44:22).
Or, si ce passage établit un rapport entre David et son lointain descendant, c'est pour mieux montrer la valeur d'un coeur entier devant Dieu. David et Abija étaient tous des pécheurs et coupables. Mais David n'a pas supporté longtemps d'être en disgrâce. Il n'eut de répit qu'après avoir obtenu l'assurance du pardon de Dieu. Peut-être Abija n'avait-il pas commis de meurtre comme son célèbre aïeul, mais sans doute a-t-il tergiversé entre piété et péché, sans éprouver le moindre besoin de régler sa situation devant Dieu. C'est l'image d'un coeur partagé qui refuse de se donner entièrement à Dieu pour mieux louvoyer dans la zone contestable des compromis et de l'iniquité. Un état et des antécédents générateurs d'une suite, hélas prévisible :
Une désobéissance et des prétentions
Il est impossible qu'Abija ait ignoré les événements vécus par son père Roboam, ni sa tentative de récupérer les dix tribus perdues; et encore moins, les interventions successives des prophètes Achija de Silo et Schemaeja, expliquant à Juda que le schisme correspondait au plan de Dieu. Abija aurait donc dû réfléchir avant d'agir, et surtout consulter Dieu avant de mobiliser ses 400'000 soldats et engager les hostilités contre Jéroboam, roi d'Israël. Mais non seulement Abija désobéit à la volonté divine révélée de manière claire à ses prédécesseurs, mais il s'arroge le droit de faire la leçon à Israël:
Le voyez-vous - ou plutôt l'entendez-vous - ce roi sans scrupules qui pense détenir le monopole de la vérité et qui, après avoir déclaré la guerre à Jéroboam, fustige le Royaume du Nord et ses 800'000 soldats d'élite, les engageant à se rendre sous prétexte qu'il est dans son droit et qu'eux sont dans leur tort? Du haut du mont Tsemaraïm, il leur fait la leçon: “Ne devez-vous pas savoir
- que Dieu a donné la royauté à la maison de David...
- que des gens de rien se sont assemblés autour de Jéroboam le rebelle...
- que vous avez repoussé les sacrificateurs de l'Eternel en adorant des veaux d'or...
- mais que nous n'avons point abandonné l'Eternel, et que nous le servons chaque matin”! (2 Ch 13:3-12).
Abija fait croire que tout baigne dans l'huile en Juda - alors que là aussi il y eut abandon de l'Eternel - et qu'en lui résistant, les fils d'Israël font la guerre non pas à l'occupant du trône de Juda, mais à l'Eternel lui-même! Une prétention que souligne, dans la Bible que j'ai sous les yeux, la répétition concentrée sur cinq versets des pronoms pluriels: dix fois “vous”, pour jeter un blâme sur Israël, et neuf fois “nous”, pour tresser des fleurs sur la tête de Juda! (2 Ch 13:8-12).
A l'instar d'Abija, nous savons tous nous ériger sur le piédestal de quelque “Mont Tsemaraïm” et proclamer que nous n'avons rien à nous reprocher ou que nous sommes les meilleurs. Comme lui, nous nous plaisons à faire ressortir les torts de ceux à qui nous venons de déclarer la guerre, tout en nous réclamant de la “crème du ciel”! Mais prétentions ou titres ne sauraient impressionner le Seigneur. Tout au contraire, si “l'humilité précède la gloire, l'orgueil précède la ruine”. (Pr 15:33; 18:12).
Un appel au secours et une délivrance imméritée
Aussi le beau discours d'Abija ne lui fut-il d'aucun secours, car il se trouva soudain cerné par une armée deux fois plus forte, apparemment mieux organisée et probablement mieux équipée que la sienne. Si Dieu n'était intervenu en grâce pour Juda, il eût été battu à plate couture: “Ceux de Juda s'étant retournés, eurent à combattre devant et derrière. Ils crièrent à l'Eternel, et les sacrificateurs sonnèrent des trompettes... et au cri de guerre des hommes de Juda, l'Eternel frappa Jéroboam et tous les hommes d'Israël devant Abija et Juda”. (2 Ch 13:14-15).
Victoire éclatante, certes, mais totalement imméritée: “Les enfants de Juda remportèrent la victoire parce qu'ils s'étaient appuyés sur l'Eternel, le Dieu de leurs pères”; et la défaite du Royaume du Nord fut telle que “Jéroboam n'eut plus de force du temps d'Abija. Mais Abija devint puissant...” (2 Ch 13:18, 20-21).
Après ce court règne de trois ans (cf. 1 R 15:2), un constat s'impose: Si l'Eternel fit bénéficier Abija de grâces imméritées, (2 Ch 13:2) ce n'est guère en vertu de ses qualités ou de son aptitude à gérer son royaume. Dans le contexte même du premier livre des Rois, Dieu revient à diverses reprises sur son désir d'épargner Juda: “A cause de David, l'Eternel, son Dieu, lui donna une lampe à Jérusalem, en établissant son fils après lui et en laissant subsister Jérusalem”. (1 R 15:4; cf. 11:36; 2 R 8:19).
L'héritage spirituel des ancêtres croyants laisse des traces indélébiles sur plusieurs générations. Que parents et grands-parents ne se découragent donc pas, même s'ils ne voient pas immédiatement l'exaucement de leurs prières à l'égard de leurs enfants. Le jour viendra où Dieu fera justice à tant de supplications, car il saura, non seulement se révéler à la nouvelle génération quelque peu éloignée de Dieu, mais la préserver de malédictions méritées, en vertu des égards qu'il voue à cette “lampe” allumée en son temps et dont l'éclat ne s'est pas estompé dans les annales célestes! (cf. Ep 6:1-3).