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L'héritage du christianisme face au XXIe siècle
7. L'avènement de la science moderne

Francis A. Schaeffer
Editions La Maison de la Bible

Deux mouvements apparurent presque simultanément: la Renaissance et, par contraste, la Réformation. Or un troisième phénomène dont il faut tenir compte commença à peu près à la même époque: la révolution scientifique.

Deux astronomes, le Polonais Copernic (1473–1543) et l'Italien Vésale (1514–1564) marquent l'avènement de la science moderne. Toutefois, prétendre que rien ne méritait la qualité de scientifique avant eux serait tout à fait injuste.

Dans l'Antiquité, Grecs, Arabes et Chinois avaient une profonde connaissance du monde. Les Chinois avaient développé quelques théories scientifiques de caractère général; la science du Moyen Age acceptait l'autorité suprême d'Aristote; les Arabes discouraient beaucoup, mais il apparaît que les principes d'après lesquels ils comprenaient le monde étaient élaborés sous l'influence combinée de l'aristotélisme et du néoplatonisme. Les savants arabes ont accompli un travail remarquable, en mathématiques essentiellement – trigonométrie et algèbre – et en astronomie. Omar Khayyam (vers 1048-vers 1122), mieux connu par son livre Rubaiyat, où il pousse jusqu'à sa conclusion logique le concept islamique de destin, calcula la longueur de l'année solaire et donna à l'algèbre un développement encore inconnu. Mais les Arabes et les Européens du Moyen Age considéraient la science comme un aspect de la philosophie, avec une règle souveraine: les traditions philosophiques, en particulier celle d'Aristote. La science médiévale était donc basée sur l'autorité et non sur l'observation. A quelques rares exceptions près, elle se développait à l'aide de la logique et non de l'expérimentation.

On peut dire que les bases de la science moderne furent jetées à Oxford quand les savants remirent en question l'enseignement de Thomas d'Aquin, en apportant la preuve que son grand maître, Aristote, avait commis quelques erreurs à propos des phénomènes naturels. Parmi ses savants, Roger Bacon (1214–1294) et Robert Grosseteste (vers 1170–1253), qui posa les fondements philosophiques d'une séparation d'avec la science d'Aristote. On peut, à la limite, recenser d'autres facteurs, mais la contestation des conceptions d'Aristote et de son autorité, développée avec profit à l'Université de Padoue, aux XVe et XVIe siècles, a incontestablement ouvert la porte à une réflexion plus élaborée et plus ouverte.

En instruisant un procès contre Copernic et Galilée (1564–1642), les autorités ecclésiastiques pensaient que l'enseignement de ces deux savants s'opposait à la Bible. Mais en définitive, n'était-ce pas plutôt, d'une part, parce que les conceptions de Galilée entraient directement en conflit avec les théories aristotéliciennes caractéristiques de l'orthodoxie de l'Eglise et que, d'autre part, il défendait la compatibilité de la thèse de Copernic avec la Bible?

Sans prétendre que la Réforme a été la cause de la révolution scientifique, force est cependant de constater que la Renaissance à son apogée, la Réformation et la révolution scientifique ont été quasi simultanées. Quelques dates permettent de mettre le tout en perspective:

Léonard de Vinci, 1452 à 1519;
Quatre-vingt-quinze thèses de Luther sur la porte de l'église de Wittenberg, 1517;
Parution de l'Institution de la religion chrétienne de Jean Calvin, 1536;
Mort de Luther, 1546.
En 1530, Copernic (1473–1543) fait connaître les préliminaires de sa théorie: la terre tourne autour du soleil, et non l'inverse!

Trois publications marquent les années 1540: le Traité sur les révolutions du monde céleste, oeuvre posthume de Copernic,
La Structure du corps humain (De Fabrica), de Vésale, et la première édition d'une traduction latine des oeuvres choisies d'Archimède (287–212 av. J.-C.), parue à Bâle en 1544. Ces trois livres diffusèrent quelques méthodes essentielles au développement de la science moderne.

Francis Bacon vécut de 1561 à 1626. De nos jours, les historiens n'accordent plus une place très importante à ce juriste et essayiste devenu lord chancelier d'Angleterre, malgré la bataille qu'il livra contre le vieux régime scolastique servilement soumis aux autorités établies. Il mit l'accent sur l'observation minutieuse et sur le collationnement systématique de renseignements «pour avoir la clef des secrets de la nature». En 1609, Galilée commença à utiliser une invention récente, le télescope. Ce qu'il vit et écrivit à ce sujet montrait en quoi Aristote s'était trompé dans ses conceptions de la formation de l'univers. Galilée n'était pas le premier à s'appuyer sur des preuves expérimentales, puisque les observations du Danois Tycho Brahe (1546–1601) avaient abouti aux mêmes conclusions; mais Galilée les rendit publiques de son vivant, dans sa langue maternelle, de sorte que tout le monde pouvait les lire. Si Copernic dut se rétracter, condamné en 1632 par l'Inquisition romaine, ses écrits, eux, attestent pour toujours qu'il avait raison et qu'Aristote avait tort...

L'avènement de la science moderne n'a donc pas provoqué de conflit avec l'enseignement de la Bible puisque, sur un point capital, celui de la formation de l'univers, la révolution scientifique y trouva un point d'appui. Albert North Whitehead (1861–1947) et J. Robert Oppenheimer (1904–1967) ont tous deux reconnu que la science moderne est née de la conception chrétienne du monde. Dans son article «A propos de science et de culture», publié dans la revue Encounter d'octobre 1962, Oppenheimer défendra cette idée. Devenu en 1947 directeur de l'Institut des études supérieures à Princeton, il écrivit sur de nombreux sujets scientifiques, outre ses travaux dans le domaine qui lui était propre, la constitution de l'atome et l'énergie atomique.

Lors des conférences Lowell de l'Université de Harvard intitulées «Science and the Modern World», en 1925, Whitehead, mathématicien et philosophe très respecté, déclara que le christianisme avait donné naissance à la science en raison de «l'insistance médiévale sur la rationalité de Dieu» et de la confiance «dans la rationalité intelligible d'un être personnel». Par leur attachement à l'idée de la rationalité de Dieu, les anciens savants «croyaient d'une façon inébranlable que tout événement particulier pouvait être relié à ses antécédents d'une manière parfaitement définie, démontrant des principes généraux par des exemples. Sans cette croyance, les travaux prodigieux des savants seraient sans aucune espérance.» Autrement dit, ces anciens croyaient en un monde créé par un Dieu raisonnable; découvrir que l'on peut trouver dans la nature et dans l'univers quelque chose de vrai en se basant sur la raison n'était pas une surprise pour eux.

A ma connaissance, pourtant, ni Oppenheimer ni Whitehead n'étaient chrétiens, ni jamais ne prétendirent l'être.

L'insistance sur le caractère raisonnable de l'ordre créé ne date pas de la Réformation, qui n'a pas le monopole d'un point de vue qu'on retrouve dans l'Eglise avant le XVIe siècle déjà. En effet, les réformateurs, à la suite d'autres hommes d'Eglise, ont partagé la croyance évoquée par Whitehead: les cieux et la terre ont été créés par Dieu et Dieu est un Dieu raisonnable. Comme le dit la Bible.

Dans le même ordre d'idée et dans la perspective de ce que nous avons déjà vu en étudiant la Réformation, le chrétien n'est pas le seul à pouvoir peindre ce qui est beau ou à être capable d'activités créatrices, en art, en science, en mécanique. Ces activités puisent leur source dans le caractère unique de l'homme créé à l'image de Dieu, Créateur souverain, qu'on le reconnaisse ou non, et cela même si cette image de Dieu en l'homme est maintenant altérée. A la différence d'un «non-homme», l'homme est créateur et la conception du monde propre à un individu finira toujours par transparaître au travers de ses capacités créatrices en science et déterminera leur style et leur sens, qu'elles se poursuivent ou qu'elles soient freinées dans leur élan.

Enfin, même si tous les savants que nous avons cités n'ont pas tous été des chrétiens conséquents, il est à relever que le milieu dans lequel ils ont vécu, avec ses formes de pensée, dérivait du christianisme, un point d'appui qui ne pouvait que favoriser l'élan et le développement de leur activité créatrice. Pour citer encore Whitehead, la forme de pensée des anciens savants leur donnait «foi dans la possibilité de la science».

Les savants, vivant avec l'idée d'un monde créé par un Dieu raisonnable, pouvaient aller de l'avant avec confiance. A n'en pas douter, ils se savaient capables de faire des découvertes sur le monde par l'observation et l'expérimentation.

Telle était la base de leur épistémologie (la théorie de la connaissance : comment savons-nous et comment savons-nous que nous savons), point de départ philosophique grâce auquel ils étaient certains d'arriver à la connaissance.

Le monde ayant été créé par un Dieu raisonnable, ils n'étaient pas surpris de trouver une corrélation entre eux-mêmes en tant qu'observateurs et les choses qu'ils observaient – entre le sujet et l'objet. Cette base sans laquelle la science moderne ne serait pas née est normative pour celui qui agit dans le cadre du christianisme, qu'il observe une chaise, ou les molécules qui la composent.

Une question, importante, surgit alors: l'œuvre de la Renaissance a-t-elle joué un rôle dans la naissance de la science moderne? Evidemment! Tout comme les réveils intellectuels et culturels successifs du Moyen Age. L'approfondissement de la connaissance de la pensée grecque au cours du temps, à l'Université de Padoue par exemple, a ouvert de nouvelles portes. Mais il ne serait toutefois pas correct de penser que les traditions intellectuelles grecques ont suffi à la révolution scientifique, même si elles ont fait partie, mêlées à des éléments de la Renaissance, du réveil de la science. C'est le mode de pensée chrétien qui a été le détonateur du changement – Whitehead et Oppenheimer ont raison! – et qui a donné naissance à la science moderne, et cela parce qu'il insiste sur le fait que le Dieu créateur de l'univers s'est révélé lui-même dans la Bible comme le Dieu qui est. Voilà une base suffisante à la science pour l'étude de l'univers. Plus tard, avec la perte d'influence de cette base chrétienne, une tradition subsistera, comme un rythme acquis, et la nécessité pragmatique de la technologie, voire même le contrôle de l'Etat seront nécessaires pour que la science poursuive sa course; mais, comme nous le verrons, avec un changement d'accent très sensible, mais important.

Francis Bacon, considéré comme le plus grand prophète de la révolution scientifique, a pris la Bible au sérieux, y compris le récit historique de la chute. Dans Novum Organum, il écrit en 1620: «Par la chute, l'homme a été déchu tout à la fois de son état d'innocence et de sa domination sur la création. Mais ces deux pertes peuvent être partiellement réparées dans cette vie: l'état d'innocence par la religion et par la foi, la domination sur la création par les arts et les sciences.» Cependant, Bacon n'a jamais pensé que la science était autonome; pas plus que l'homme, appelé à prendre la Bible au sérieux quant à l'histoire et à ce qui est survenu dans le cosmos. La science et l'art prenant une valeur intrinsèque devant les hommes et devant Dieu, pourquoi s'étonner dès lors du puissant élan, continu et non spasmodique, donné aux impulsions créatrices de la science ?

Aux origines de la science moderne, comment ne pas mentionner ce contemporain de Galilée, Johannes Kepler, l'astronome allemand qui vit entre 1571 et 1630? Le premier, il s'attache à établir que les orbites des planètes sont elliptiques et non circulaires.

Isaac Newton (1642–1727), alors jeune professeur de vingt ans à l'Université de Cambridge, arrive à la conclusion qu'il existe une force d'attraction universelle entre chaque corps de l'univers, une force que l'on peut calculer, la gravité. Il en fera plus tard, en 1687, l'exposé dans Principes mathématiques de philosophie naturelle, un livre parmi les plus importants dans l'histoire de la pensée humaine. En faisant des expériences dans la cour Whewell du Collège Trinité, à Cambridge, Newton parvient à calculer la vitesse du son en comptant le temps écoulé entre le bruit fait par un objet qu'il lâche et l'écho qui revient à lui après avoir parcouru une distance connue.

Sa vie durant, Newton s'attache à demeurer fidèle à l'enseignement de la Bible. On a dit des savants du XVIIe siècle qu'ils se bornaient à étudier le comment sans s'intéresser au pourquoi des choses. Mais ce n'est pas exact. Si, à l'instar d'autres savants anciens, Newton ne se pose aucun problème sur le pourquoi, c'est bien parce qu'il admet, à l'origine de sa démarche, l'existence d'un Dieu personnel créateur de l'univers.

Vers la fin de sa vie, Newton écrira davantage sur la Bible que sur la science, des ouvrages malheureusement peu publiés. Mais, au dire d'humanistes faisant peut-être preuve d'aveuglement, il aurait perdu du temps en ne se consacrant pas entièrement à ses recherches scientifiques! Comme Whitehead et Oppenheimer l'ont souligné, si Newton et d'autres savants avec lui n'avaient pas eu de base biblique, leur science aurait sérieusement manqué de points d'appui. On ne partagera pas nécessairement toutes les spéculations philosophiques ou doctrinales de Newton, mais son profond intérêt pour la Bible et l'idée que le Dieu qui a créé l'univers a aussi donné la vérité aux hommes dans cette Bible resteront toujours l'essentiel. Pour ce savant, il y a analogie entre la vérité biblique et l'étude scientifique de l'univers. Newton et les savants de son époque auraient été fort étonnés de voir une science obsédée par le comment du fonctionnement de l'univers tout en commettant l'erreur professionnelle de poser la question du pourquoi.

Si Blaise Pascal (1623–1662) ne tarde pas à être déçu par la science, il n'en demeure pas moins le premier à réussir la fabrication d'un baromètre, sans compter ses recherches importantes sur l'équilibre des liquides. Mais les expériences en laboratoire ne lui suffisent pas: il escalade le Puy de Dôme, dans le Massif Central, avec un tube de mercure pour relever les changements de niveau du mercure en fonction de l'altitude. Ses travaux de mathématicien feront progresser le calcul différentiel. Certains voient en ce chrétien admirable le plus éminent des prosateurs français, lui qui ne se lassera pas d'écrire que les hommes, êtres uniques et capables de réfléchir sur l'univers et les étoiles, ne sont pas des grains de poussière perdus dans un univers infiniment plus grand et plus complexe que les représentations qu'on s'en était faites jusqu'alors. Les hommes peuvent comprendre les étoiles – les étoiles comprennent-elles l'univers? Plus encore, pour Pascal, la mort du Christ sur la croix pour les hommes met en évidence leur nature particulière.

René Descartes (1596–1650) attache une grande importance à l'analyse mathématique et à la théorie de la science. Personnellement, je regrette ses idées philosophiques; mais il se considérait comme un catholique pratiquant et c'est bien sa religion qui, étant donné ses points de vue philosophiques, l'a préservé du solipsisme, de vivre en être pensant enfermé en lui-même, comme dans un cocon, sans autre réalité que lui-même.

A l'origine, la plupart des membres de la Société royale britannique pour le développement des sciences naturelles, fondée en 1662, étaient des chrétiens déclarés, comme le montre George M. Trevelyan (1876–1962) dans son English Social History de 1942: «Robert Boyle, Isaac Newton et les premiers membres de la Société royale étaient des hommes religieux qui repoussaient le scepticisme de Hobbes. Mais ils familiarisèrent l'esprit de leurs concitoyens avec l'idée de l'existence d'une loi dans l'univers et avec les méthodes scientifiques d'enquête pour découvrir la vérité. On croyait que ces méthodes n'aboutiraient jamais à des conclusions en contradiction avec l'histoire biblique et avec les miracles de la religion. C'est avec cette foi que Newton vécut et mourut.»

Un fondement chrétien n'a jamais été un obstacle à la science. Bien au contraire, il a rendu possible la science moderne!

La tradition inaugurée par Bacon, Newton et par la Société royale à ses débuts s'est perpétuée tout au long du XIXe siècle. Michael Faraday (1791–1867) apporta une contribution capitale dans le domaine de l'électricité, avec sa découverte la plus célèbre, l'induction du courant électrique. Faraday était chrétien et faisait partie d'un groupe de croyants dont on résumera ainsi la position: «Là où les Ecritures parlent, nous parlons; là où elles gardent le silence, nous gardons le silence.» Convaincu que la jouissance de la création de Dieu n'est pas le privilège d'une élite formée de spécialistes, Faraday fit des démonstrations publiques remarquables sur son travail de pionnier en électricité.

A l'instar de Faraday, James Clark Maxwell (1831–1879) poursuivait des travaux dans le domaine de l'électricité; lui aussi croyait en un Dieu personnel. Ainsi, de Copernic à Maxwell, la plupart des fondateurs de la science moderne ont vraiment travaillé en s'appuyant sur un fondement chrétien et plusieurs d'entre eux possédaient une foi personnelle; d'autres, vivant dans un environnement chrétien, croyaient que le Dieu créateur et législateur a établi dans sa création des lois que l'homme peut découvrir.

Une question surgit toutefois: la science n'a-t-elle pas atteint désormais un nouveau stade où la conception d'un ordre universel serait dépassée? L'idée est assez répandue, en effet, que la théorie de la relativité d'Albert Einstein (1879–1955) affirme également la relativité en philosophie comme conception du monde. Mais c'est une erreur: la théorie d'Einstein présume que, partout dans le monde, la lumière voyage dans le vide à une vitesse constante. En d'autres termes, rien n'est moins relatif au point de vue philosophique que la théorie de la relativité! Et Einstein s'est lui-même vigoureusement élevé contre une telle application de ses thèses: «Je ne peux pas croire que Dieu joue aux dés avec le cosmos.» (London Observer, 5 avril 1964.)

On peut dès lors se demander s'il n'a pas été prouvé que les conceptions d'Einstein sont passées de mode avec le principe d'incertitude de Werner Heisenberg (1901–1976), appelé également principe d'indétermination (1927), et par l'acceptation générale du concept de quantum. Encore une fois, il faut répondre négativement. Le principe de l'indétermination concerne un domaine d'observation, l'emplacement d'un objet et sa vitesse. Si, par exemple, nous essayons de préciser la position exacte de deux particules atomiques qui vont entrer en collision, nous ne pourrons jamais déterminer comment elles rebondiront. Le physicien ne peut pas obtenir simultanément une observation précise de leur position et de leur vitesse. La théorie des quanta de la lumière ou des particules n'aboutit pas à la conception du hasard ou d'un univers désordonné. La lumière, considérée comme une succession d'ondes ou de particules, ne se déplace pas au hasard; c'est un effet qui produit des causes. Même l'existence théorique de «trous noirs» éloignés dans l'espace, théorie exposée par John G. Taylor (né en 1931), repose sur la conception d'un univers ordonné et sur des calculs fondés sur cette idée.

Pour voler, un avion doit être adapté à l'univers. Quel que soit leur point de vue philosophique ou religieux, les gens attendent toujours l'explication d'un événement en fonction d'événements antérieurs. Si ce n'était pas possible, non seulement disparaîtrait toute explication imaginable, mais l'application de la science en technologie perdrait toute fiabilité. Se déplacer dans l'univers est possible parce que les causes naturelles sont constantes, à tel point que des astronautes peuvent parcourir des centaines de milliers de kilomètres en direction de la lune et se poser à quelques mètres de l'endroit prévu, ou encore, des militaires parvenir à viser un objectif sur un autre continent avec une précision déroutante. L'univers est bien plus complexe que les représentations que les hommes en général et les savants en particulier ont pu en faire, mais une chose est sûre: il ne court pas à la dérive!

Eclairée par la pensée chrétienne, la raison peut aider l'homme à comprendre l'univers. Mais les choses ne se sont pas arrêtées là, car une certitude demeurait: la science peut observer la nature, qui n'est pas emplie de Dieu ou, comme le pensent les hindouistes ou les bouddhistes, une simple extension de l'essence divine, et par conséquent taboue, mais un monde bel et bien réel, entièrement créé par Dieu et qui se prête à une étude objective entreprise en toute liberté.

Francis Bacon voit dans l'ordre du Créateur de dominer sur la nature une raison et une invitation urgente à développer l'intérêt pour la science. La science n'a-t-elle pas sa place dans la vocation originelle que l'homme a reçue en Eden?

Selon cette perspective, les impulsions créatrices trouvent leur point d'appui pour se développer et se renouveler. Bacon, encore: «Personne, poussé par une conception erronée de la sobriété ou de la modération, ne doit penser ni affirmer que l'homme peut pousser trop loin ses investigations, ou qu'il peut être trop instruit dans le livre de la Parole de Dieu ou dans celui des oeuvres de Dieu.» Le livre de la Parole de Dieu, la Bible; le livre des oeuvres de Dieu, le monde créé par Dieu. Pour Bacon et les savants qui poursuivent leur travail inspirés par une pensée chrétienne, il n'y a ni divorce ni conflit entre la Bible et la science. De plus, avec l'insistance biblique sur la valeur du travail et la noblesse de toutes les vocations, les connaissances acquises ne peuvent que passer à l'état pratique, dépasser le stade de la spéculation intellectuelle; à l'évidence, la voie était ouverte à la technologie au sens le plus noble du terme.

Pour leur part, les Grecs, les musulmans et les Chinois ont fini par perdre leur intérêt pour la science. Très tôt pourtant, les Chinois avaient développé une profonde connaissance du monde, mais sans atteindre le niveau d'une science véritable. «On n'avait pas la certitude que le code des lois de la nature pourrait jamais être déchiffré, ni lu, parce qu'on n'avait pas la certitude qu'un être divin plus rationnel que nous ait jamais rédigé un code déchiffrable.» (Joseph Needham, The Grand Titration, 1969.)

Les savants chinois n'étaient pas encouragés à persévérer dans leur recherche d'une vérité objective; ils doutaient même qu'elle pût exister.

A la lumière des Saintes Ecritures, les savants modernes ont admis le caractère constant des causes naturelles, dans un système ouvert et dans un espace de temps limité. Le principe de causalité règne dans un univers créé par Dieu et il est possible, en partant des effets, de parvenir à une certaine connaissance des causes. Mais (le mais est important) cet univers est ouvert parce que Dieu et l'homme se trouvent à l'extérieur de la constance des causes naturelles; tout ce qui existe n'est pas une machine cosmique géante qui renfermerait implacablement toute chose. Toutefois, ne tentez pas de vous précipiter en direction d'une voiture en marche, la loi universelle de cause à effet qui régit l'univers finirait par agir fâcheusement sur vous... Ce que je veux dire, c'est que Dieu et les hommes ne sont pas prisonniers de l'ensemble d'une machine cosmique, et si les choses se succèdent dans un enchaînement de causes et d'effets, leur direction peut être modifiée par Dieu et par les hommes, à un moment donné. Par conséquent, il y a place pour Dieu et, pour l'homme, une place particulière.

La machine (qu'il s'agisse du cosmos ou de la machine fabriquée par les hommes) n'est ni un maître ni une menace, et elle ne renferme pas tout. Quelque chose est à l'extérieur de la machine cosmique et l'homme demeure un être libre et responsable.

 


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