Je n’ai rien fait de mal…
Il faut souvent plus de courage pour oser faire le bien que pour craindre de faire le mal.
- Abraham Lincoln
Si donc quelqu’un sait faire ce qui est bien et ne le fait pas, il commet un péché.
- Jacques 4. 17
Je me souviens, enfant, d’avoir un jour interrogé mon père pour savoir s’il lui était arrivé, lorsqu’il était lui-même écolier, de recevoir des heures de retenue. Il a eu le courage d’être honnête et m’a avoué que oui, une fois. Poussant le bouchon un peu plus loin, je me suis permis de lui demander ce qu’il avait fait pour écoper de cette punition. Sa réponse a immédiatement enflammé mon esprit de « Robin des Bois ». «Je n’avais rien fait», m’a-t-il dit. Alors que je m’empressais de crier à l’injustice, il a ajouté avec le sourire pince-sans-rire qui le caractérise: «Mais il y avait quelque chose à faire…».
Je ne prétendrai pas qu’il ne m’arrive jamais de choisir volontairement de faire le mal; comme pour chaque être humain, c’est une option qui est à ma disposition et, malheureusement, il m’arrive de m’y perdre. Mais si je suis honnête, il me semble que je suis plus souvent dans l’autre travers: ne pas faire le bien que je pourrais faire. Il nous est tellement facile de nous draper dans nos justifications, dans l’autosatisfaction qui résulte d’un rapide examen de conscience se terminant par un diagnostic apaisant: « Je n’ai rien fait de mal ». Pourtant, la plupart du temps, nos plus grands échecs ne sont pas la conséquence d’une action méchante intentionnelle, mais simplement l’absence du bien qu’il nous était possible de faire, de vivre, de donner ou de recevoir.
Lorsque Jésus parcourait notre terre, il était régulièrement confronté à des hommes religieux qui l’approchaient en mettant en avant leur respect de la loi: «J’ai observé toutes ces choses, je n’ai rien à me reprocher»…
Avec la petite phrase: « Vous avez entendu qu’il a été dit, mais moi je vous dis… » le Christ s’est appliqué à dénoncer cette attitude. La religion peut se contenter d’une philosophie de vie négative, essayer de ne rien faire d’impur, mais l’Amour incarné nous a montré qu’il était préférable d’aller positivement vers la pratique de ce qui est bon, juste, compatissant et aimant.
Nous ne vivons pas pour ne pas faire de fautes, nous existons pour recevoir et donner de l’amour, de la bienveillance, du pardon, de la considération, de l’écoute, de la fraternité et de l’amitié.
Si notre attention et notre énergie sont dirigées vers « ne rien faire de mal », nous réussirons peut-être à mener une existence fade et sans relief, exempte de fautes grossières, mais vide. Si nous faisons, au contraire, le choix de relever les défis que proposent les chemins de l’amour, du partage et du don de soi, nous ferons certainement des erreurs, mais nous vivrons réellement.
Ce principe s’applique aussi à notre vie intérieure; il m’arrive de constater avec tristesse que mon âme est sèche, poussiéreuse et grise. Mon premier réflexe est de me demander ce que j’ai pu faire de mal pour être dans cet état. La plupart du temps, la raison n’est pas une mauvaise action ou une pensée impure, mais une carence de « bien ». Je n’ai pas pris le temps de recevoir l’amour et la lumière, je n’ai pas voulu de l’aide d’En Haut, trop occupé à résoudre moi-même les difficultés, je n’ai pas voulu me reposer sur Lui, je ne lui ai pas donné l’espace et le temps pour qu’il me rencontre. Mon mal-être n’est que le symptôme de son absence. Et son absence est le résultat de mon inattention à ses sourires, ses clins d’œil, pour ne pas dire « ses clins Dieu », toutes ses invitations à m’arrêter pour consentir à sa présence dans le calme et le silence.
Pour ce printemps, choisissons de cultiver dans notre jardin intérieur les semences positives du « bien ». Bien prendre le temps de recevoir, pour bien penser et finalement bien agir. Ces graines de « bien » sont vivantes, imprévisibles et généreuses, elles se multiplient et produisent sans effort des grappes et des épis de bien, tellement utiles pour guérir nos vies et celles de ceux qui nous entourent.
Vivons le « bien » sans nous décourager et nous moissonnerons lorsque la saison des fruits sera là… 1
Bien à vous,
Philip
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1 Galates 6.9
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