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L'Amour véritable 3/6
Etude sur la première Epître de Jean

par Philippe Favre

Après avoir achevé sa mise en garde contre les apostats par le rappel de la puissance de la Parole de Dieu et du Saint-Esprit qui demeurent dans le croyant, Jean commence le deuxième cycle des trois critères de la foi, de l'obéissance et de l'amour. Il s'étend sur plusieurs points et renforce certaines leçons. Ainsi nous avons: le critère moral (1 Jean 2:28-3:10); le critère social (1 Jean 3:11-18); une parenthèse où l'apôtre développe la doctrine de l'assurance en rapport avec les scrupules de conscience (1 Jean 3:19-24); puis le critère doctrinal (1 Jean 4:1-6).

Aujourd'hui nous aborderons le sujet de l'obéissance et de l'amour, laissant la parenthèse sus-nommée et le critère doctrinal pour un prochain article. Je conseille vivement aux lecteurs d'avoir le texte biblique sous les yeux pour bien comprendre cette étude.

Pour la première fois dans cette Epître, nous voyons le croyant décrit comme étant né de Dieu (2:29). Jusqu'ici nous l'avons considéré comme quelqu'un connaissant Dieu (2:3, 4, 13, 14), demeurant en Christ (2:5, 6), demeurant dans la lumière (2:9, 10), demeurant dans le Père et le Fils (2 :24). Jean l'a volontairement dépeint dans ses expressions vitales avant de mentionner son origine spirituelle car le christianisme est vu dans ses représentants avant d'être compris dans sa doctrine. S'il est un sujet que l'apôtre connaît, c'est celui de la régénération, dont il parle dans son Evangile lors de l'entretien entre Jésus et Nicodème. Seule la nouvelle naissance rend les hommes capables de connaître Dieu et de demeurer en lui! Celui qui est né de Dieu pratique la justice (2:29), ne pèche pas (3:9), aime son frère (3:10, 14), croit que Jésus est le Christ (5:1). Selon Jean 1 :12-13, l'on devient enfant de Dieu par l'effet de sa volonté souveraine, ce qui met de côté le pouvoir de la tradition religieuse, l'amélioration personnelle, l'intervention cléricale.

1. Le critère moral: l'obéissance (1 Jean 2:28-3:10)

Plus nous avançons dans l'épître, plus nous constatons que Jean se fait pressant pour conduire le croyant dans une vie de droiture, marquéé par des actions concrètes. Il remplace l'expression "garder les commandements" par celle de "pratiquer la justice". En parlant ainsi, il serre de près celui qui ne vit que de théories, cachant sa méconnaissance de l'autre derrière une phraséologie religieuse. La justice est la vertu par laquelle on accorde à chacun ce qui lui est dû. C'est le principe moral qui fait respecter les droits d'autrui. Le chrétien qui la pratique rend à Dieu ce qui lui revient: louange, honneur, reconnaissance, obéissance, consécration et service. Il rend aussi aux hommes, avec le secours de la grâce, la bonté, l'attention, la considération, l'encouragement et l'assistance. Dans le langage de Paul, pratiquer la justice c'est "se dépouiller du vieil homme et de ses oeuvres" et "revêtir l'homme nouveau, qui se renouvelle, dans la connaissance, selon l'image de celui qui l'a créé" (Colossiens 3:9-10).

Dans ce passage, nous sommes arrêtés par le verbe paraître employé quatre fois en rapport avec la venue et le retour du Seigneur (2:28; 3:2, 5, 8). Le chrétien qui a saisi le sens profond de ces deux événements ne peut se conduire injustement et superficiellement. Jean fait référence à la révélation historique pour empêcher le plongeon dans une irréalité néfaste où les mots sonnent creux et où les apparences sont fausses. Suivons le texte qui traite de ces deux faits à l'inverse de l'ordre chronologique:

a) Le retour du Seigneur (2:28-3:3)

Il faut se souvenir de cette doctrine, partie intégrante de la foi apostolique. Son effet se traduira par deux réactions lors de son avènement: assurance ou confusion! L'intensité de notre relation avec Dieu, et le degré de notre obéissance conduiront à l'une ou l'autre. Lecteurs, qu'en est-il de vous? Le retour de Christ n'a jamais été si proche... Vous en réjouissez-vous? Est-ce que vous l'attendez dans l'accomplissement de sa volonté ou dans la passivité? Nous nous éloignons si vite et sans bruit de notre Seigneur. Nous conduirions-nous avec négligence aujourd'hui s'il revenait demain? L'exhortation de Jean donne la marche à suivre, corrige tout écart: "Et maintenant, petits enfants, demeurez en lui, afin que, lorsqu'il paraîtra, nous ayons de l'assurance, et qu'à son avènement nous n'ayons pas la honte d'être éloignés de lui" (1 Jean 2:28).

La doctrine de l'assurance parcourt tout le livre; elle consiste non seulement à croire en Jésus-Christ mais à savoir que nous sommes en lui, unis à lui pour l'éternité. La Parole de Dieu le déclare et le Saint-Esprit en donne le témoignage à notre esprit (Colossiens 2:2; Romains 8:16). L'assurance du salut donne du repos à l'âme et introduit dans la liberté spirituelle. Le chrétien apparaît alors, loin des brumes du doute, solide et consistant comme les quatre affirmations suivantes le prouvent:

  • Né de lui (2:29). De même que l'enfant fait voir le caractère de ses parents par son comportement et ses réactions, le chrétien prouve sa nouvelle naissance par la pratique d'oeuvres justes.
  • Appelés enfants de Dieu (3:1). Nous sommes invités à contempler l'amour du Père qui donne son Fils et adopte celui qui le reçoit. Quel contraste avec le monde qui rejette Dieu et ignore ceux qui lui appartiennent!
  • Nous sommes maintenant enfants de Dieu (3:2). Nous avons ici une affirmation propre à stimuler notre foi devant le défi de l'incrédulité. Quel dynamisme dans ce maintenant! Les membres de nos familles, nos collè- gues de travail, nos voisins d'étage se rendent-ils compte du statut privilégié qui est le nôtre ?
  • Quiconque a cette espérance en lui (3:3). Pour terminer, la Bible décrit brièvement le chrétien dont tout le comportement est influencé par la certitude du retour du Seigneur: Il se purifie de toute souillure de la chair et de l'esprit en achevant sa sanctification dans la crainte de Dieu (cp. 2 Corinthiens 7:1).

b) La venue du Seigneur (3:4-10)

Jean mentionne à présent la venue de Christ qui avait pour but d'ôter les péchés (v. 5), de détruire les oeuvres du diable (v. 8). Cette fois-ci la relation est établie entre le sacrifice de la croix et la pratique de la justice. Il ressort clairement que la vie nouvelle en Christ s'oppose totalement aux impulsions de la nature pécheresse puisqu'il n'y a point de péché en Christ. Le sujet du péché est traité en deux parties.

Premièrement, le principe du péché (v. 4-7).
Dans la Bible il y a plusieurs définitions du péché. On peut en distinguer deux principales. L'une négative: pécher signifie manquer le but, faillir, s'éloigner du Créateur. L'autre positive: pécher, c'est se révolter ouvertement contre Dieu, violer sa sainte loi. C'est le sens donné au verset 4.

Ce langage concis tranche avec les paroles nuancées d'aujourd'hui où l'on dit si facilement de quelqu'un : il est faible de caractère, il a une sensibilité différente, il a divers complexes, etc. En parlant ainsi, le monde constate et analyse des conflits réels, mais il affaiblit la responsabilité de l'homme puisqu'il bannit la notion du péché de son vocabulaire. Ainsi, le mal n'est pas traité et l'homme demeure avec ses problèmes. En reconnaissant que la désobéissance a Dieu, le rejet de son autorité, sa grandeur et son amour, c'est le principe du péché, l'homme se place sur le chemin du pardon et de la guérison.

Comment devenir vainqueur du péché? La Bible répond par une courte phrase: "Quiconque demeure en lui ne pratique pas le péché" (v. 6). Ce verbe, employé 19 fois dans l'Epître, a été prononcé par le Seigneur Jésus dans la chambre haute et a marqué profondément l'apôtre. L'appel à suivre Jésus avait déjà retenti à ses oreilles. L'invitation à demeurer en lui, au moment où il rejoint son Père, le saisit. A la communion fragmentaire avec Jésus durant les jours de sa chair succédera une communion permanente avec Jésus glorifié par la puissance du Saint-Esprit. Demeurer en Christ, c'est vivre de lui, pour lui et en lui, comme le sarment est attaché au cep (Jean 15:1-8). Cette dépendance filiale de lui met alors le chrétien à l'abri des diverses pratiques du péché.

Au verset 7, par souci de fidélité et par affection, Jean met en garde une fois de plus ses lecteurs contre les gnostiques. Dialectitiens avant le temps, ils s'autorisaient à faire n'importe quoi sous couvert religieux et au nom de leur supériorité intellectuelle.

Deuxièmement, l'origine du péché (v. 8-10).

Après en avoir défini le principe, Jean nomme l'auteur du mal. C'est le diable qui "pèche dès le commencement" (v. 8), c'est-à-dire depuis le jour où il s'est révolté contre le Créateur (Ezéchiel 28:14-15). Précipité loin de la face de Dieu, il s'oppo- se à son plan et à sa volonté. Quelles sont les oeuvres du diable que le Fils de Dieu a le pouvoir de détruire? C'est tout ce qui souille et abîme la créature, la fait chuter, la trompe et la déshonore, l'emprisonne mentalement, l'embrouille et la rend malheureuse. Satan assaille le corps, l'âme et l'esprit de l'homme pour l'asservir. Mais le Seigneur Jésus, qui a écrasé la tête du serpent à la croix (Genèse 3:15), détruit ses oeuvres; il débloque les situations, démêle les imbroglios et dénoue les liens de celui qui confesse son péché et se confie en lui. Quel programme de reconstruction pour le Fils de Dieu, Créateur et Rédempteur parfait!

Au verset 9, Jean semble se répéter, mais une lecture attentive du texte montre qu'il y a progression dans la pensée. Afin de donner plus de poids à l'affirmation du verset 6, il déclare que la nouvelle nature du chrétien (la semence de Dieu) est contre le péché. C'est là le véritable sens du terme "il ne peut pécher, parce qu'il est né de Dieu". Comme on l'a déjà vu, il ne s'agit pas d'une défense du perfectionnisme – erreur réfutée au chapitre 1:8-10 – mais d'une opposition au laxisme qui infectait aussi la chrétienté. Le verset 10 est à la fois une conclusion et une transition vers la section suivante. L'Ecriture distingue deux groupes d'individus: les enfants de Dieu et les enfants du diable; il n'y a pas de classe intermédiaire. Notre parenté est divine ou diabolique et l'appartenance aux deux est impossible. Y aurait- il parmi les lecteurs un doute à ce sujet ? Etes-vous seulement religieux, ou êtes-vous nés de nouveau? La religion a une valeur qui n'ouvre pas les portes du ciel, "mais le don gratuit de Dieu, c'est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur" (Romains 6:23). A la fin du verset, Jean mentionne l'amour fraternel, thème qu'il va développer.

2. Le critère social: l'amour (1 Jean 3:11-18)

Nous avons déjà remarqué que l'auteur de l'épître n'aime pas la grisaille. Les choses sont noires ou blanches. Il continue sur sa lancée en opposant la vie à la mort, l'amour à la haine, le don de soi au meurtre. Quel tonique en nos temps de compromis où tout est relativisé dans la théologie, la morale, la politique et les arts. L'à-peu-près, les presque-rien, le pas-complètement sont à la mode. Le devoir d'aimer les frères transmis "dès le commencement" (en contraste avec l'enseignement nouveau des hérétiques) est rappelé au verset 11 et va permettre à l'Ecriture d'établir un parallèle entre Christ et Caïn.

a) La haine de Caïn (3:12-13).

Le Nouveau Testament parle trois fois de Caïn et de sa nature religieuse irrégénérée (Hébreux 11:4; 1 Jean 3:12; Jude 11). Ici nous lisons que Caïn était du malin, ce qui explique sa haine et son meurtre. Exemple à ne pas suivre car le chrétien, sans aller jusqu'au meurtre physique, peut se trouver dans une situation ressemblante s'il considère son frère comme un rival. Selon Hébreux 11:4, c'est par la foi qu'Abel a offert à Dieu un sacrifice plus excellent que celui de Caïn. Rien ne distinguait ce dernier de son frère, les deux ayant reçu la même instruction de leurs parents, mais au moment de l'offrande, l'insoumission de coeur de Caïn est apparue. Voilà pourquoi Jude 11 mentionne la voie de l'homme qui a préféré suivre ses penchants naturels. Devenu père de la violence, Caïn a laissé derrière lui une multitude de descendants d'où la constatation de Jean au verset 13.

b) L'amour de Christ (3:14-18).

Aux versets 14 et 15, Jean passe abruptement à l'amour fraternel, preuve irréfutable du passage de la mort à la vie. Quel grand chapitre! Il s'agit d'aller vers les frères, de s'intéresser à eux, de porter leurs fardeaux, de veiller les uns sur les autres, de s'exhorter réciproquement. En disant: "Celui qui n'aime pas demeure dans la mort", l'apôtre, en médecin des âmes, donne une explication directe du manque de vie chez le chrétien.

Ce qui ressort des versets 16 à 18 est l'exemple de Christ qui a donné sa vie pour nous par amour, alors que la haine avait mené Caïn au meurtre. Jean, prévoyant une simple admiration, presse ses lecteurs à se conformer au modèle divin. Pour être pratique, il mentionne le cas d'un frère aisé et d'un frère dans le besoin (v. 17). Ici le verbe voir est essentiel, il s'agit d'un regard du coeur attentif comme celui du Samaritain en Luc 10, conduisant à une action miséricordieuse et désintéressée; c'est tout le contraire d'un protectorat vaniteux, légal, exigeant, créant une dépendance contraignante. L'amour vrai se voit dans les petites choses et se traduit dans le quotidien avant d'atteindre les sommets de l'héroïsme. Dieu ne nous demande pas l'impossible. Les occasions sont là; il suffit de les saisir pour passer du discours aux actes, de l'illusion à la réalité.
 
Philippe Favre
 
 

 

 


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