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Les cinq « SOLI » des Réformateurs

3. SOLA GRATIA

Frank Horton

Repris de la revue PROMESSES, nous présentons ici le 3e article consacré aux cinq “soli“: «Solus Christus». Les Réformateurs exprimaient ainsi leur conviction que «notre salut est accompli par l'œuvre médiatrice du Christ historique seul. Sa vie sans péché et son oeuvre expiatoire seules suffisent pour notre justification et notre réconciliation avec le Père».

Les 120 pasteurs, théologiens et éducateurs mentionnés dans l'article précédent, réunis à Cambridge en avril 1996, constatèrent avec inquiétude les dérapages des milieux évangéliques inspirés par une fausse confiance dans les capacités humaines. L'estime de soi, l'évangile de la santé et de la richesse, la vente du message évangélique à des pécheurs devenus «consommateurs complaisants»... tout cela dénature la doctrine de la justification et la réduit au silence. Au contraire, la grâce de Dieu en Christ est l'unique et indispensable cause efficace du salut, car l'être humain est né spirituellement mort et incapable de collaborer à la grâce régénératrice (Ep 2.8).

La Déclaration de Cambridge continue: «Nous réaffirmons que par le salut nous sommes délivrés de la colère de Dieu, et cela par sa grâce seule. C'est l'œuvre surnaturelle du Saint-Esprit que de nous conduire au Christ en nous libérant de notre esclavage au péché, et en nous ressuscitant de la mort spirituelle à la vie spirituelle.

«Nous déclarons que le salut n'est en aucun sens une oeuvre humaine. Les méthodes, techniques et stratégies humaines ne peuvent par elles-mêmes accomplir cette transformation. La foi ne peut être produite par notre nature humaine non-régénérée».

Essais de définition

Mais qu'est-ce que la grâce? Le Nouveau Dictionnaire Biblique lui consacre un article fourni, qui commence par dire:

«Dans l'A.T. déjà, se trouve exprimée la pure bonté de Dieu qui aime le pécheur et désire, non pas sa mort, mais sa conversion et sa vie (Ez 18.23)». Et le NDB d'ajouter que cette grâce est venue par Jésus-Christ, qu'elle éclate à la Croix, qu'elle ne peut être reçue que par la foi, et que ses effets en nous sont nombreux, merveilleux et complets.

Un prédicateur a tenté de définir la grâce en disant qu'elle est l'acte par lequel un être supérieur se penche sur un être inférieur pour lui accorder un bien non-mérité. Dans le contexte biblique, la grâce désigne alors la faveur imméritée de Dieu à l'égard de l'homme déchu, par laquelle il pourvoit en Jésus-Christ à sa rédemption, car depuis toute l'éternité il a déterminé d'accorder cette faveur à tous ceux qui croiraient en Christ, Sauveur et Seigneur. C'est aussi par grâce que le croyant est rendu capable de persévérer dans la vie chrétienne. Ajoutons la pensée que dans sa miséricorde Dieu retient ce que nous méritons – colère, jugement, condamnation – tandis que dans sa grâce il nous comble des innombrables biens que nous ne méritons pas!

Et pourtant, ces tentatives de définition nous laissent sur notre faim, car nous sentons instinctivement que la grâce échappe à nos catégories humaines connues, dépasse les limites du langage et reste, par conséquent, indéfinissable! C'est pourquoi l'Ecriture ne l'explique pas, mais la déclare (Ex 33.19; 34.6-7; Deut 7.7-8; Ps 32.1-5; 130.3-4, 7-8; Jean 1.17; Rom 3.24; 4.16; 11.6; 2 Cor 8.9; Eph 2.8-9; etc.), et en donne de nombreux exemples historiques, tant dans l'A.T que dans le N.T. Peut-être l'illustration la plus saisissante est-elle celle de l'accueil réservé par le père à son fils «prodigue» dans la parabole racontée par Jésus (Luc 15.11-32), que nous résumons ci-après.

Fils prodigue... ou Père prodigue?

Aux chefs religieux qui lui reprochent de fréquenter des gens de «mauvaise vie» (Luc 15.1-2), Jésus administre une série de chocs thérapeutiques en leur racontant les paraboles de la brebis perdue (3-7), de la drachme perdue (8-10), puis des deux fils perdus (11-32). Le père de cette dernière parabole fait plusieurs entorses pendables aux coutumes de son époque. Confronté à la demande outrageante de son fils cadet qui souhaitait sans l'avouer la mort de son père, celui-ci, au lieu de le désavouer, l'exclure de la famille et le bannir publiquement de la communauté, lui accorde ce qu'il réclame! Ayant dilapidé son héritage, étant tombé dans la misère, le fils se livre à un raisonnement qui nous paraît ressembler beaucoup plus à des calculs intéressés qu'à une amorce de repentance sincère, et s'engage sur le chemin de retour.

C'est ici que nous assistons à l'une des scènes les plus inattendues, bouleversantes, de l'Ecriture sainte. Le père attend, guette le long du chemin, prie sans doute, et un jour reconnaît enfin le garçon de loin. Voici venue l'occasion de rendre à ce jeune ce qu'il mérite et de le renier brutalement devant témoins... ou tout au moins de convoquer une consultation de la famille sceptique pour jauger la profondeur de sa repentance. Pas du tout! Le père se livre à un spectacle humiliant pour un patriarche oriental: aux yeux des badauds ébahis, il soulève ses robes et se met à courir à la rencontre du fils pour se jeter à son cou, le prendre dans ses bras et embrasser ce clochard en haillons, puant la porcherie!

«Vous me reprochez de manger avec des pécheurs et des péagers?» dit Jésus en substance aux scribes et aux Pharisiens. «Parfaitement! Mais non seulement je mange avec eux: je les attends, je les guette de loin, et quand ils s'engagent sur le chemin de retour, je cours à leur rencontre, je les couvre de baisers, et je les force à entrer chez moi pour festoyer ensemble.» Si le Seigneur attendait de nous les preuves d'une repentance parfaite, il ne courrait jamais à notre rencontre. Cela s'appelle la GRACE, une grâce stupéfiante, incompréhensible, insaisissable, qui prend l'initiative. Du moment que le garçon accepte d'être accueilli, embrassé, reçu de nouveau dans la famille, on peut déduire qu'il commence à passer par une repentance véritable.

Arraché à la perdition

Avant la mort de ses parents, alors qu'il n'avait que six ans, John Newton bénéficia d'une forte influence chrétienne. Il fut envoyé alors vers un parent incrédule, qui se moqua du christianisme et abusa de lui. Enfin, pour échapper à ces conditions, Newton se porta volontaire dans la marine britannique, où il devint esclave des péchés les plus grossiers. Il déserta, et partit pour une région d'Afrique où il pouvait, comme il disait, «faire son plein» de péché et vivre dans une dégradation inqualifiable. De là, il se fit embaucher comme navigateur sur un navire d'esclavagiste, où il continua sa vie dévergondée. Un jour il réussit à forcer le cadenas du local où était stocké le rhum; il se soûla au point de perdre son équilibre et tomber à la mer, d'où un officier le repêcha en plantant un harpon dans sa cuisse. Il en porta l'énorme cicatrice jusqu'à la fin de ses jours !

Vers la fin du voyage le navire entra dans une tempête violente, perdit son cap et commença à sombrer. Newton fut envoyé dans les soutes, là où gisaient les esclaves, avec l'ordre d'actionner les pompes. Pendant des jours, terrifié et convaincu que la mort était proche, il travaillait à pomper l'eau, et commença à prier le Seigneur. Des versets bibliques, appris sur les genoux de sa mère, qu'il croyait oubliés depuis longtemps, lui vinrent en mémoire, et il fut miraculeusement transformé, engendré de nouveau.

De retour en Angleterre, il devint un prédicateur puissant de la Parole de Dieu, et eut l'occasion de prêcher devant la reine. C'est en rappelant les circonstances de sa conversion qu'il composa les paroles du cantique célèbre, Amazing Grace. Car il avait appris, comme tout chrétien, que la grâce de Dieu dépasse toutes nos catégories, et que cette grâce a trouvé son expression suprême dans la mort et la résurrection du Seigneur Jésus-Christ.

F.H.

 


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