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La vraie spiritualité
3. Passé de la mort à la vie

Francis A. Schaeffer
Editions La Maison de la Bible

Si ce livre était une symphonie, ce chapitre correspondrait à l'intervention des trompettes. Nous avons vu l'importance d'une juste évaluation des aspects négatifs de la vie chrétienne. Tournons-nous à présent vers le côté positif, la résurrection, sans laquelle les deux autres aspects ne sauraient jamais constituer une spiritualité véritable et équilibrée: "Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie." (Romains 6:4) "J'ai été crucifié avec Christ; et si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi; si je vis maintenant dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m'a aimé et qui s'est livré lui-même pour moi." (Galates 2:20) Après la mort à soi-même, après le rejet du moi, intervient la résurrection.

La transfiguration de Christ en est une vivante démonstration. Ce moment de gloire a préfiguré sa résurrection. "Pendant qu'il priait, l'aspect de son visage changea, et son vêtement devint d'une éclatante blancheur." (Luc 9:29) Selon Matthieu 17:2, "Son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière."

Je tiens à souligner, ici, la réalité historique de cet événement. Il importe de le noter, surtout de nos jours où tout ce qui concerne la religion est constamment relégué dans une autre sphère, en dehors de l'histoire. Dans le récit de la transfiguration, le moment et le lieu sont bien spécifiés. Ainsi Luc relate: "Le lendemain, lorsqu'ils furent descendus de la montagne, une grande foule vint au-devant de Jésus" (Luc 9:37). A un moment donné de l'histoire, Christ et les disciples sont montés sur la montagne, et ils en sont redescendus à un autre moment. Quand ils ont escaladé la colline, ils ne sont pas entrés dans un univers philosophique ou religieux en dehors de l'espace. Ils avaient les pieds bien sur terre - sur la montagne plus exactement - et là-bas, dans la plaine, la vie suivait son cours.

Il en est de même sur le plan temporel. Si les disciples avaient eu des montres, celles-ci ne se seraient pas arrêtées à l'aller, pour se remettre en marche au retour. Le temps continuait de s'écouler; lorsqu'ils sont descendus de la montagne, c'était déjà le lendemain. L'espace et le temps constituent la chaîne et la trame de l'histoire. Et là, sur la montagne, un véritable fait historique s'est déroulé, ancré normalement dans l'espace et dans le temps. La glorification de Jésus n'a pas eu lieu dans un "ailleurs" philosophique, ni dans les "sphères supérieures", mais dans les réalités concrètes de l'espace et du temps. La transfiguration elle-même illustre l'âpre réalité des paroles que Jésus a prononcées auparavant: "Alors il commença à leur apprendre qu'il fallait que le Fils de l'homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, par les principaux sacrificateurs et par les scribes, qu'il soit mis à mort, et qu'il ressuscite trois jours après." (Marc 8:31) Nous y voilà: rejeté, mis à mort, ressuscité dans l'histoire.

Ce même cheminement est encore une fois mentionné par Jésus-Christ après sa résurrection, dans sa question aux disciples d'Emmaüs: "Ne fallait-il pas que le Christ souffre ces choses, et qu'il entre dans sa gloire?" (Luc 24:26) Cette question, il l'a posée un certain jour du calendrier, à une certaine heure, en un certain lieu, fixant ainsi l'événement dans l'espace et le temps de l'histoire. Cela est vrai de toutes les apparitions qui ont suivi sa résurrection. Jésus s'est présenté au milieu de ses disciples dans le cours normal de leur vie quotidienne. Pris de peur, ils ont bien essayé de le repousser dans un autre monde: "Saisis de frayeur et d'épouvante, ils croyaient voir un esprit." (Luc 24:37); mais Jésus s'y est opposé: "Voyez mes mains et mes pieds, c'est bien moi; touchez-moi et voyez: un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'ai." (Luc 24:39) Puis il a pris un morceau de poisson et un rayon de miel et en a mangé devant eux; il leur a montré également ses plaies, les marques de sa mort.

II s'agissait bien du même corps, ressuscité et glorifié, non dans un lieu caché, mais au regard de tous, dans l'espace et le temps de l'histoire.

Jean 20 y insiste également. Ces répétitions ne sont pas le fruit du hasard, mais soulignent le message central de ces textes: "Le soir de ce jour, qui était le premier de la semaine, les portes du lieu où se trouvaient les disciples étant fermées, à cause de la crainte qu'ils avaient des Juifs, Jésus vint, se présenta au milieu d'eux, et leur dit: La paix soit avec vous!" (Jean 20:19)

Le corps de Christ est transformé, et peut instantanément passer au travers d'une porte verrouillée, mais c'est toujours le même corps. "Thomas, appelé Didyme, l'un des douze, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. Les autres disciples lui dirent donc: Nous avons vu le Seigneur. Mais il leur dit: Si je ne vois dans ses mains la marque des clous, et si je ne mets mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point. Huit jours après, les disciples de Jésus étaient de nouveau dans la maison, et Thomas se trouvait avec eux. Jésus vint, les portes étant fermées, se présenta au milieu d'eux, et dit: La paix soit avec vous! Puis il dit à Thomas: Avance ici ton doigt, et regarde mes mains; avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté; et ne sois pas incrédule, mais crois. Thomas lui répondit: Mon Seigneur et mon Dieu!" (Jean 20:24-29)

C'est le même corps, bien que les portes fermées ne l'empêchent pas d'entrer; cela n'y change rien. C'est un corps que l'on peut toucher et saisir. Jean 21:9 souligne le fait que Jésus a mangé. "Lorsqu'ils furent descendus à terre, ils virent là des charbons allumés, du poisson dessus, et du pain."

Le corps de Jésus-Christ, dans ces passages, appartient au monde visible, spatio-temporel. La réalité de la résurrection ne doit pas être repoussée dans un quelconque imaginaire. Elle se situe dans le cadre de la normalité. "Après qu'il eut souffert, il leur apparut vivant, et leur donna plusieurs preuves (espace/temps), se montrant à eux pendant quarante jours, et parlant des choses qui concernent le royaume de Dieu." (Actes 1:3)

Pendant quarante jours – non pas en coup de vent – Jésus a donné des preuves infaillibles de la réalité de sa résurrection.

Ne mettons pas en doute non plus le grand événement de l'Ascension. "Après avoir dit cela, il fut élevé pendant qu'ils le regardaient, et une nuée le déroba à leurs yeux." (Actes 1:9) L'Ascension est l'événement le plus contesté par l'homme moderne; pensons seulement à des ouvrages comme "Dieu sans Dieu" de John Robinson. Il arrive parfois que le théologien néo-orthodoxe parle de résurrection physique, mais il ne parlera jamais d'une ascension physique. Il convient de faire front résolument à ces attaques, parce qu'il y a effectivement un corps ressuscité, capable de manger, qui est monté au ciel et qui a disparu dans les nuées. Là encore, il s'agit d'un événement historique: le corps ressuscité de Jésus est monté dans les cieux à une certaine heure, un certain jour du calendrier. Ses pieds ont quitté le mont des Oliviers à un moment précis, à une minute précise. Ne minimisons pas ce point! Ceux qui pensent pouvoir mettre en doute l'ascension corporelle de Jésus, tout en défendant le christianisme, ne sont pas conséquents.

Les indications de lieu et de temps ne cessent pas avec l'Ascension. Un peu plus tard, dans le livre des Actes (9:3-9), Christ rencontre Paul: "Comme il était en chemin, et qu'il approchait de Damas, tout à coup une lumière venant du ciel resplendit autour de lui." (Remarquez la ressemblance avec la scène de la transfiguration.) "Il tomba par terre, et il entendit une voix qui lui disait: Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? Il répondit: Qui es-tu, Seigneur? Et le Seigneur dit: Je suis Jésus que tu persécutes. Il te serait dur de regimber contre les aiguillons. Tremblant et saisi d'effroi, il dit: Seigneur, que veux-tu que je fasse? Et le Seigneur lui dit: Lève-toi, entre dans la ville, et on te dira ce que tu dois faire. Les hommes qui l'accompagnaient demeurèrent stupéfaits; ils entendaient bien la voix, mais ils ne voyaient personne. Saul se releva de terre, et, quoique ses yeux soient ouverts, il ne voyait rien; on le prit par la main, et on le conduisit à Damas."

L'éclat glorieux de la lumière a aveuglé Paul. Où donc? Sur le chemin de Damas. L'action est ainsi parfaitement située dans l'espace. De plus, cette rencontre a lieu à un moment précis de la journée.

Actes 22:6 décrit à nouveau la scène: "Comme j'étais en chemin, et que j'approchais de Damas, tout à coup, vers midi, une grande lumière venant du ciel resplendit autour de moi." Il y a indication de lieu (le chemin de Damas) et indication de temps (vers midi). Au verset 11: "Comme je ne voyais rien, à cause de l'éclat de cette lumière (la cause de son aveuglement n'a rien d'un phénomène mystique; tout simplement l'éclat de la lumière l'a rendu aveugle pour quelque temps), ceux qui étaient avec moi me prirent par la main, et j'arrivai à Damas."

Le récit est répété au chapitre 26 avec des précisions supplémentaires très significatives: "Vers le milieu du jour, ô roi, je vis en chemin resplendir autour de moi et de mes compagnons une lumière venant du ciel, et dont l'éclat surpassait celui du soleil." (v.13) En plein midi, heure où le soleil du Proche-Orient est à son zénith, a jailli une lumière encore plus éclatante: la lumière du Christ glorifié. "Nous tombâmes tous par terre, et j'entendis une voix qui me disait en langue hébraïque..." (v.14).

Face aux polémiques du XXe siècle, cette affirmation de la Parole de Dieu est des plus significatives. Elle implique espace, lieu, temps, histoire et communication rationnelle. Cette communication n'a pas lieu au cours de quelque expérience mystique de Paul, mais c'est en un lieu et en un temps bien déterminés que le Christ glorifié, le Christ ressuscité s'est adressé à lui en langue hébraïque. Jésus est apparu, en plein midi, sur le chemin de Damas, et a utilisé une langue ordinaire, des mots ordinaires et une syntaxe ordinaire, pour s'adresser à un homme nommé Saul. Voilà un démenti solide apporté aux théories du XXe siècle qui projettent ces événements dans un monde "autre", alors qu'ils se sont déroulés dans l'espace, dans le temps, dans l'histoire, et donne lieu à une communication normale et dans un langage normal.

Les apparitions historiques de Jésus-Christ ne s'arrêtent pas là. Le livre de l'Apocalypse, au premier chapitre, nous rapporte que, bien des années plus tard, un homme nommé Jean, exilé sur l'île de Pathmos a, lui aussi, vu Jésus. Ce n'est pas la seule autre apparition de Jésus: Etienne, par exemple, l'a vu également, mais les deux cas que je retiens ont l'avantage d'être bien distincts l'un de l'autre et de se situer quelque temps après l'Ascension. C'est après l'Ascension que, sur le chemin de Damas, dans l'espace et le temps, Saul a vu le Christ glorifié. C'est après l'Ascension que le Christ glorifié a été vu dans l'île de Pathmos – encore une indication de lieu. L'île de Pathmos existe toujours. Le temps est également spécifié: c'était le jour du Seigneur. "Je me retournai pour savoir quelle était la voix qui me parlait. Et, après m'être retourné, je vis sept chandeliers d'or, et, au milieu des sept chandeliers, quelqu'un qui ressemblait à un fils de l'homme, vêtu d'une longue robe, et ayant une ceinture d'or sur la poitrine. Sa tête et ses cheveux étaient blancs comme la laine blanche, comme de la neige; ses yeux étaient comme une flamme de feu." (Apocalypse 1:12-14)

Jean a réellement vu ce qu'il décrit ici. Son récit n'a rien d'étrange, ni d'incongru, pas plus que ne l'est sa description du repas de Christ après la résurrection.

"Ses pieds étaient semblables à de l'airain ardent, comme s'il avait été embrasé dans une fournaise; et sa voix était comme le bruit de grandes eaux. Il avait dans sa main droite sept étoiles. De sa bouche sortait une épée aiguë, à deux tranchants; et son visage était comme le soleil lorsqu'il brille dans sa force. Quand je le vis, je tombai à ses pieds comme mort. Il posa sur moi sa main droite en disant: Ne crains point! Je suis le premier et le dernier, et le vivant. J'étais mort; et voici, je suis vivant aux siècles des siècles. Je tiens les clés de la mort et du séjour des morts." (Apocalypse 1:15-18)

II ne nous est pas dit en quelle langue Jésus a parlé, mais c'était une langue humaine, de la même nature que celle que Paul entend sur le chemin de Damas. Ce chapitre prend, en effet, soin de faire la différence entre les descriptions réelles et les figures de rhétorique.

II y a plus encore: la seconde venue de Jésus sur la terre nous est annoncée en des termes se rapportant à l'espace, au temps et à l'histoire. Cet événement est encore futur, mais il est pourtant bien défini dans l'espace et le temps: "Puis je vis le ciel ouvert, et voici, parut un cheval blanc. Celui qui le montait s'appelle Fidèle et Véritable, et il juge et combat avec justice. Ses yeux étaient comme une flamme de feu; sur sa tête étaient plusieurs diadèmes; il avait un nom écrit, que personne ne connaît, si ce n'est lui-même; et il était revêtu d'un vêtement teint de sang. Son nom est la Parole de Dieu. Les armées qui sont dans le ciel le suivaient sur des chevaux blancs, revêtues d'un fin lin, blanc, pur. De sa bouche sortait une épée aiguë, pour frapper les nations; il les paîtra avec une verge de fer; et il foulera la cuve du vin de l'ardente colère du Dieu tout-puissant. Il avait sur son vêtement et sur sa cuisse un nom écrit: ROI DES ROIS ET SEIGNEUR DES SEIGNEURS." (Apocalypse 19:11-16)

La notion d'espace est présente dans ce texte, car le lieu de ces événements est déjà indiqué en Apocalypse 16:16: il s'agit d'Harmaguédon, ou de la montagne de Megiddo. L'Ancien Testament dévoile également l'endroit précis où Jésus touchera terre: la Montagne des Oliviers (Zacharie 14:4). Il est remarquable de voir qu'à chaque fois, les événements sont localisés dans l'espace et dans le temps. La gloire et la magnificence de Christ ne sont pas évacuées dans un monde "autre", différent du nôtre. La mort de Jésus-Christ est réelle et historique; sa résurrection est réelle et historique, sa glorification future sera également réelle et historique, située dans l'espace, le temps et l'histoire - notre espace, notre temps et notre histoire.

La Bible affirme que le jour viendra où tous, sauvés ou perdus, verront le Christ glorifié. Tous verront non pas une vague idée religieuse, mais le Christ glorifié, à un endroit bien réel dans l'espace et dans le temps. Cependant ces passages déclarent non seulement qu'il en sera ainsi, mais qu'il en est déjà ainsi maintenant. La glorification du Seigneur n'est pas tout simplement repoussée dans le futur, au jour où il sera vu par tous les hommes. Elle n'est pas reportée à ce grand moment où, venant en gloire, il nous est dit que tout genou fléchira devant lui. Christ est glorifié maintenant. L'Ascension n'est pas une disparition dans le néant, ou dans le monde des idées religieuses. Entre son ascension du Mont des Oliviers et son apparition sur le chemin de Damas, Christ n'a pas cessé d'exister. Il n'a pas davantage disparu dans un grand vide après son apparition sur le chemin de Damas jusqu'au moment où Jean le voit sur l'île de Pathmos. Et tel que Jean l'a vu, tel Il est toujours maintenant. Il est donc glorifié en ce moment même.

Ces scènes évoquées soulignent toutes deux les mêmes vérités. Tout d'abord, les déclarations de Jésus en langue hébraïque sur le chemin de Damas, puis son apparition sur l'île de Pathmos sont une preuve évidente de sa résurrection historique. Mais plus encore, cette résurrection physique prouve que l'œuvre de Jésus-Christ sur la croix est parfaite, achevée à jamais; qu'il n'est pas besoin d'ajouter quoi que ce soit à cet acte glorieux de substitution accomplie pour notre justification.

Mais les conséquences de l'œuvre de la croix sont encore plus vastes. Dans la résurrection de Christ, nous voyons la promesse, les prémices de notre propre et future résurrection corporelle. Dieu le déclare par la bouche de l'apôtre Paul: tel nous l'avons vu après sa résurrection, tels nous serons. En la résurrection de Jésus-Christ (qui n'est ni une idée, ni un idéal religieux, mais un événement réel situé dans l'espace et le temps), je tiens de Dieu lui-même la promesse de ma propre résurrection des morts. Mon corps fait tellement partie intégrante de ma personne, de toute ma personnalité, de tout mon être qu'il ne sera pas laissé pour compte dans le salut offert en Jésus-Christ. La nature de sa mort sur la croix est telle que notre être tout entier sera racheté. En un jour précis, le corps du chrétien sera arraché à la mort et glorifié comme le corps ressuscité de Christ.

Mais la réalité de la résurrection corporelle de Jésus-Christ, intervenue dans l'espace et dans le temps, a des implications concrètes pour nous aujourd'hui déjà: "Que dirons-nous donc? Demeurerions-nous dans le péché, afin que la grâce abonde?" (Paul ne parle pas d'un temps lointain, mais des effets de la rédemption dans les circonstances présentes). "Loin de là! Nous qui sommes morts au péché, comment vivrions-nous encore dans le péché? Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, c'est en sa mort que nous avons été baptisés? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie. En effet, si nous sommes devenus une même plante avec lui par la conformité à sa mort, nous le serons aussi par la conformité à sa résurrection, sachant que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché soit réduit à l'impuissance, pour que nous ne soyons plus esclaves du péché; car celui qui est mort est libre du péché. Or, si nous sommes morts avec Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui, sachant que Christ ressuscité des morts ne meurt plus; la mort n'a plus de pouvoir sur lui. Car il est mort, et c'est pour le péché qu'il est mort une fois pour toutes; il est revenu à la vie, et c'est pour Dieu qu'il vit. Ainsi, vous-mêmes, regardez-vous comme morts au péché, et comme vivants pour Dieu en Jésus-Christ." (Romains 6:1-11)

Relevons avec soin certaines affirmations de ce passage.

Tout d'abord, la mort de Christ est historique, nous venons de l'établir. Sa mort se situe dans l'espace, le temps et l'histoire. Si vous aviez été présent ce jour-là, vous auriez pu passer votre main sur le bois rugueux de la croix de Jésus-Christ et une écharde aurait pu s'y enfoncer.

En second lieu, la résurrection de Christ, de même que sa glorification, sont historiques; nous avons également insisté sur ce point.

Cette déclaration va à l'encontre de la théologie libérale selon laquelle Jésus devient le Christ au travers de notre prédication, du Kérygme. Rien n'est plus faux. C'est le rejet total du miracle que nous présente l'enseignement de la Bible. Jésus ne devient pas le Christ par la prédication. Jésus est le Christ, que nous le prêchions ou pas. Les hommes ne connaîtront peut-être pas ce miracle qu'est l'Evangile, si nous ne le leur annonçons pas. Mais cela ne change rien à la personne ou à la gloire du Seigneur Jésus-Christ. Aujourd'hui même, il est ressuscité, il est glorifié. Si personne ne prêche Jésus-Christ de nos jours, si jamais personne ne pense, ne serait-ce qu'une fois, au mot "Dieu", cela ne changerait en rien le fait que Jésus est le Christ. Jésus est ressuscité dans l'histoire, et il est maintenant glorifié. Ce message de sa résurrection et de sa gloire présente a une signification pour notre monde d'aujourd'hui.

En troisième lieu, nous sommes morts avec Christ dès le moment où nous l'avons accepté comme notre Sauveur. Si j'ai ainsi accepté Christ, cet acte appartient désormais au passé, à l'histoire. Le salut de chaque chrétien est donc fondé sur deux moments de l'histoire, situés l'un et l'autre dans l'espace et dans le temps. Le premier est l'œuvre parfaite de Jésus sur la croix du Calvaire, le second est le moment où, par la grâce de Dieu, l'individu accepte Jésus-Christ comme Sauveur. Voilà les deux points historiques sur lesquels notre salut repose. Si j'ai accepté Jésus comme mon Sauveur, Paul peut alors dire à mon sujet: "Etant donc justifiés (au passé) par la foi, nous avons (au présent) la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ." (Romains 5:1) Telle est de toute évidence la portée de ce texte selon le temps des verbes utilisés dans l'original grec.

En Romains 6:2, nous retrouvons les mêmes nuances: "Loin de là ! Nous qui sommes morts au péché, comment vivrions- nous encore dans le péché?" L'expression "nous sommes morts" est à l'aoriste et désigne une action faite dans le passé. Aux yeux de Dieu, quand nous avons accepté Christ comme Sauveur, nous sommes morts avec Christ. "Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort." (Romains 6:4a) Cette phrase se réfère au temps où nous avons accepté Christ comme Sauveur. "Sachant que notre vieil homme a été crucifié avec lui." (Romains 6:6a) Voilà donc le troisième point historique. La mort de Christ est historique; sa résurrection est historique; nous sommes morts avec Christ au moment où nous l'acceptons comme notre Sauveur. Cela a eu lieu (verbe au passé) à un certain moment de l'histoire.

Romains 6 affirme, en quatrième lieu, que Christ nous ressuscitera de la même manière qu'il a été ressuscité, à un certain moment de l'histoire à venir. Les heures s'égrènent. Quand les chrétiens ressusciteront, au son de la trompette, quand chaque chrétien sortira de la tombe sur l'ordre de Jésus-Christ, elles ne s'arrêteront pas de s'égrener. Au moment où j'écris ces lignes, la pendule va sonner trois heures. Il est tout à fait possible que Jésus revienne avant trois heures cinq; si tel est le cas, à trois heures dix, les aiguilles continueront de tourner. Telle est bien l'image biblique: la résurrection future de notre corps terrestre et sa transformation se feront en un clin d'œil, dans l'histoire, dans l'espace et dans le temps.

"En effet, si nous sommes devenus une même plante avec lui par la conformité à sa mort, nous le serons aussi par la conformité à sa résurrection." (Romains 6:5) Il s'agit bien, ici, de la résurrection de Jésus, mais dans le texte grec, le pronom "sa" est omis; l'accent est mis sur la résurrection. "Nous le serons (futur) donc aussi par une résurrection semblable."

"Or, si nous sommes morts avec Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui." (Romains 6:8) La phrase est au futur. Nous sommes morts avec Christ à ce moment de l'histoire où nous l'avons accepté comme notre Sauveur. De même, c'est au cours de l'histoire que notre corps ressuscitera et sera transformé en un clin d'œil.

Le cinquième point nous conduit plus loin: ces grandes vérités doivent trouver leur application dans la vie chrétienne présente, car elles font partie intégrante de la vraie spiritualité. La Bible nous exhorte à vivre par la foi, dans la vie de tous les jours, comme si nous étions déjà morts. "Car il est mort, et c'est pour le péché qu'il est mort une fois pour toutes; il est revenu à la vie, et c'est pour Dieu qu'il vit. Ainsi vous-mêmes, regardez-vous (c'est un acte de foi) comme morts au péché." (Romains 6:10-11a)

De même que Jésus est mort une fois pour toutes au péché par sa mort historique, de même nous sommes appelés à nous considérer, par la foi, comme réellement morts, à cet instant de l'histoire où nous vivons. Non pas dans quelque monde religieux lointain, mais dans la vie réelle, ici et maintenant. Par la foi, nous devons vivre aujourd'hui comme si nous étions déjà morts.

Mais ce point n'est pas le dernier, car si tel était le cas, la vie chrétienne se résumerait en deux mots: rejeté et mis à mort. Or, il est écrit: rejeté, mis à mort et ressuscité – ressuscité non seulement lors de la future résurrection des corps (que tout chrétien connaîtra réellement un jour), mais ressuscité dans le temps présent.

Cela nous mène au sixième point: nous sommes appelés à vivre par la foi dans le présent comme si nous étions déjà ressuscités des morts. Tel est le message de la vie chrétienne, le point fondamental de notre étude. "Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie." (Romains 6:4)

Paul ne parle pas ici du millénium à venir ou de l'éternité. Il ne s'agit ni de l'un, ni de l'autre, mais du temps présent où il faut marcher "en nouveauté de vie." "Sachant que notre vieil homme a été crucifié avec lui, afin que le corps du péché soit réduit à l'impuissance, pour que nous ne soyons plus esclaves du péché." (Romains 6:6) Comment? Par la foi! – "Ainsi vous-mêmes, regardez-vous comme morts au péché, mais comme vivants pour Dieu en Jésus-Christ." (Romains 6:11)

Quand? Tout de suite! C'est l'aspect essentiel de la vie chrétienne. Récapitulons!
Un: la mort de Christ est historique.
Deux: la résurrection de Christ est historique.
Trois: nous sommes morts avec Christ dans le cours de l'histoire lorsque nous l'avons accepté comme notre Sauveur.
Quatre: nous ressusciterons dans l'histoire, à son retour.
Cinq: nous devons vivre par la foi maintenant comme si nous étions déjà morts.
Six: nous devons vivre par la foi maintenant comme si nous étions déjà ressuscités des morts.

Pour éviter que ces affirmations ne demeurent de simples paroles en l'air sans aucun effet, il est nécessaire d'en examiner la signification pratique. En tout premier lieu, elles signifient que nous devons maintenant vivre et penser comme si nous étions morts, montés au ciel et revenus sur terre en ressuscités.

Souvenez-vous qu'un homme au moins est allé au ciel et en est revenu. Paul parle de cet homme en 2 Corinthiens 12:2-4. Je pense qu'il s'agit de Paul lui-même, mais quoi qu'il en soit, cet homme a vraiment existé: "Je connais un homme en Christ qui fut, il y a quatorze ans, ravi jusqu'au troisième ciel (si ce fut dans son corps je ne sais, si ce fut hors de son corps je ne sais, Dieu le sait)."

L'expression "troisième ciel" ne désigne pas nécessairement un lieu très éloigné, mais la présence de Dieu. Ce qui importe ici, c'est qu'un homme a été ravi jusqu'au ciel et qu'il en est revenu.

Imaginez l'attitude de cet homme à son retour du ciel! Il a vu le ciel comme une réalité. Il y est allé, il l'a contemplé et il en est revenu. N'a-t-il pas tout regardé, dès lors, d'un autre oeil? C'est comme s'il était mort, puis ressuscité des morts. De même que la montagne de la transfiguration transforme notre perspective du Royaume de Dieu, de même l'optique de cet homme a été différente pour le reste de sa vie! La tentation continuelle de se plier aux exigences du monde environnant, les pressions sociales et toutes les autres formes d'influence auxquelles nous sommes soumis aujourd'hui, ne le toucheraient sans doute plus. Comment pourrait-il se conformer à ce qui est aussi défiguré, aussi altéré, aussi révolté contre Dieu? Comment le pourrait-il après une telle vision? Qu'importe l'approbation du monde quand on est entré dans la présence de Dieu? Que sont les richesses de ce monde à côté des trésors du ciel? L'homme aspire à la puissance, mais de quelle valeur est la puissance terrestre quand on a vu la réalité du ciel et la puissance de Dieu? Tous ces aspects semblent bien sous-entendus lorsque la Bible nous exhorte à vivre maintenant par la foi, comme si nous étions déjà morts et ressuscités des morts.

Mais Paul, en Romains 6, va plus loin. "Car il est mort, et c'est pour le péché qu'il est mort une fois pour toutes; il est revenu à la vie, et c'est pour Dieu qu'il vit." (Romains 6:10) Jésus-Christ vit vraiment dans la présence du Père. C'est là que nous sommes appelés à vivre également. Dans cette vie, nous devons être morts! Morts au bien comme au mal, afin d'être vivants pour Dieu, afin de vivre dans sa présence. Oui, il s'agit aussi d'être morts au bien! "Morts" ne veut pas dire inconscients, ni entourés de ténèbres, mais vivants pour Dieu, en communion avec lui, en relation avec lui. Lorsqu'il nous est demandé de vivre par la foi maintenant, cela signifie que nous devrions vivre comme si nous étions morts à toutes choses, afin d'être vivants pour Dieu.

C'est ce que signifie l'expression que j'ai déjà employée: aimer Dieu au point de lui dire "merci" dans les hauts et les bas de la vie. Quand je suis mort au bien et au mal, j'ai le regard tourné vers Dieu. C'est cette position que je dois adopter par la foi en ce moment même de l'histoire. Que suis-je alors? Je suis une créature en présence du Créateur; je reconnais qu'il est mon Créateur et me vois comme sa créature, rien de plus. La mort est en quelque sorte derrière moi et je me trouve devant la face de Dieu.

Gardons-nous cependant d'en rester là! Si, par la foi, je suis mort à toutes choses et que je suis face à face avec Dieu, je suis prêt par la foi à revenir sur cette terre, comme si j'étais déjà ressuscité des morts. J'anticipe en quelque sorte le jour où je reviendrai effectivement. Avec tous ceux qui ont accepté Jésus comme leur Sauveur, lorsque les cieux s'ouvriront, je reviendrai à la suite de Jésus-Christ avec mon corps ressuscité et glorifié. Aussi, dès à présent, je suis prêt à revenir comme si j'avais déjà quitté la tombe, comme si la résurrection avait déjà eu lieu. Je suis prêt à revenir dans le monde présent, celui de l'histoire, de l'espace et du temps. "Ainsi vous-mêmes, regardez-vous comme morts au péché (je me suis arrêté là tout à l'heure, mais il y a une suite), et comme vivants pour Dieu en Jésus-Christ." (Romains 6:11) "Ne livrez pas (c'est un acte de foi) vos membres au péché, comme des instruments d'iniquité; mais donnez-vous vous-mêmes à Dieu (en ce moment même), comme étant vivants de morts que vous étiez, et offrez à Dieu vos membres, comme des instruments de justice." (Romains 6:13) Quelle est donc la vocation chrétienne? C'est un appel de tous les instants à se considérer mort à toutes choses et vivant pour Dieu dans le moment présent.

Soulignons, cependant, qu'il n'est absolument pas question de passivité. Il me semble que les chrétiens sont souvent passés à côté du sens de ces passages en confondant tout simplement cet appel avec la passivité. Mais cela ne serait qu'un mysticisme non-biblique, guère plus élevé que le stoïcisme de Marc-Aurèle. Nous sommes des hommes faits à l'image de Dieu. "Ne livrez pas vos membres", ordonne Paul; ce n'est pas une attitude passive. Comme nous le verrons plus loin, ce n'est pas nous qui produisons le fruit, mais nous ne sommes pas pour autant des statues. Dieu traite avec nous en tenant compte de notre nature; il nous a créé hommes, à sa propre image.

"Ne savez-vous pas qu'en vous livrant à quelqu'un comme esclaves pour lui obéir (c'est vous-mêmes qui vous livrez), vous êtes esclaves de celui à qui vous obéissez, soit du péché qui conduit à la mort, soit de l'obéissance qui conduit à la justice? Mais grâces soient rendues à Dieu de ce que, après avoir été esclaves du péché, vous avez obéi de cœur à la règle de doctrine dans laquelle vous avez été instruits (cela sous-entend bien quelque chose de concret et non pas simplement une expérience existentielle). Ayant été affranchis du péché, vous êtes devenus esclaves de la justice – je parle à la manière des hommes, à cause de la faiblesse de votre chair. – De même donc que vous avez livré vos membres comme esclaves à l'impureté et à l'iniquité, pour arriver à l'iniquité, ainsi maintenant livrez vos membres comme esclaves à la justice, pour arriver à la sainteté." (Romains 6:16-19)

Dans ces versets, on perçoit une force active au sein de la passivité. "Livrez-vous vous-mêmes". Tout homme est forcément une créature. Que ce soit dans cette vie ou dans celle à venir, il ne peut être autre chose. Même en enfer, les hommes seront toujours des créatures, car c'est ce que nous sommes. Un seul, Dieu, se suffit à lui-même. Mais maintenant que nous sommes chrétiens, nous sommes conscients de cette réalité magnifique : notre vocation est d'être des créatures d'une manière noble, extraordinaire et glorieuse, non par obligation, mais par choix.

Marc-Aurèle, le païen, ne connaissait que la résignation, attitude de celui qui est créature par obligation. Carl Gustav Jung parlait de la démission, d'une pure soumission aux choses qui déferlent sur nous du monde extérieur ou de l'inconscient collectif de notre race. C'est là encore pure résignation; or il n'est jamais question de résignation dans l'Ecriture. Je suis une créature, c'est vrai, mais ma vocation est d'être une créature glorifiée. Je dois être créature, mais pas comme la motte de terre dans un champ, ou le choux qui pourrit dans le jardin à la fonte des neiges. Je suis appelé à être une créature de mon plein gré, par la foi en oeuvre parfaite de Christ: une créature glorifiée.

Dès lors je suis prêt pour le combat; maintenant, il peut y avoir une vie chrétienne, une spiritualité vraiment biblique. Rejeté, mis à mort, ressuscité, je suis prêt, non seulement à être utilisé dans ce monde spatio-temporel, mais aussi, en tant que créature, à jouir de ce monde, pleinement conscient que Dieu en est le Créateur, tout en y discernant les conséquences de la Chute.

La justification est accomplie une fois pour toutes. Ma culpabilité disparaît pour toujours à un moment précis. Mais cela implique une démarche existentielle. Il s'agit d'un combat de tous les jours; à chaque instant nous devons être vivants pour Dieu et morts à tout le reste. A chaque instant, par la foi, nous réintégrons ce monde, comme si nous étions déjà ressuscités des morts. Voilà, après le côté négatif, le véritable aspect positif de la vie chrétienne.

 


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