7. Amatsia - Le croyant aux demi-mesures
De très nombreux chrétiens pourraient s'appeler Amatsia, et je me reconnais aussi dans le comportement fluctuant de ce roi qui avait tout pour réussir dans la vie et qui a pourtant passé d'un échec à l'autre. Comme pour d'autres descendants de David, on peut diviser son règne de 29 ans en deux étapes:
– Prospérité... quand il écoute Dieu
– Défaite... quand il refuse d'écouter Dieu.
Mais, dans la courte biographie que le deuxième Livre des Chroniques consacre à Amatsia, il est une petite phrase prononcée par un homme de Dieu, que je choisirai comme fil conducteur de ce chapitre: "Dieu a le pouvoir d'aider et de faire tomber". (2 Ch. 25 : 8)
1. Dieu a le pouvoir d'aider
D'emblée, le texte nous apprend qu'Amatsia avait un coeur partagé: "Il fit ce qui est droit aux yeux de l'Eternel, mais avec un cœur qui n'était pas entièrement dévoué". (2 Ch. 25:2) Et de son côté, le deuxième Livre des Rois de préciser: "Il fit ce qui est droit aux yeux de l'Eternel, non pas toutefois comme David son père; il agit entièrement comme avait agi Joas, son père", (2 R. 14 : 3) ce père qui avait si bien commencé, et si mal terminé... un scénario que l'on retrouve hélas dans les 29 ans de règne de son fils.
En contraste avec tant de biographes ne faisant ressortir que les traits positifs de leurs héros, la Bible est un miroir (Ja. 1:22-24) qui montre l'homme tel qu'il est. Bien sûr, je préférerais commenter seulement la première partie de la vie d'Amatsia; mais pourquoi passer sous silence la seconde, alors que l'ensemble est écrit pour notre instruction? (1 Co. 10:11)
Il semble donc que tout ait bien commencé pour Amatsia. Il applique la loi de Moïse en frappant de mort les assassins de son père, et en épargnant leurs descendants, (2 R. 14:5-6; 2 Ch. 25:3-4; cf. De 24:16) ce qui est pourtant contraire aux coutumes de l'époque. Puis il fortifie son armée et, dans l'ivresse du pouvoir, croit bon de payer en tant que mercenaires 100 000 fantassins supplémentaires venus du Royaume du Nord, (2 Ch. 25:5-8) pourtant livré à l'impiété et l'idolâtrie.
C'est alors qu'intervient un homme de Dieu – et ce n'est pas la première fois que le texte biblique garde l'anonymat au sujet d'un prophète – pour engager Amatsia à se passer du concours de ces soldats d'Ephraïm, "car l'Eternel n'est pas avec Israël". (2 Ch. 25 : 7-8) Et d'ajouter: "Si tu vas avec eux, quand même tu ferais au combat des actes de vaillance, Dieu te fera tomber devant l'ennemi, car Dieu a le pouvoir d'aider et de faire tomber" (2 Ch. 25:9) ou, selon la version du Semeur, "de secourir ou de faire succomber"
La vie chrétienne, et à plus forte raison le service pour le Seigneur, obéissent à des lois que l'on ne saurait violer impunément. Qu'il s'agisse de l'individu ou de l'Eglise dans son ensemble, la victoire ne dépend jamais d'un déploiement de puissance humaine, mais toujours de la limpidité de nos relations avec le Seigneur et de notre acceptation des conditions qu'il pose. (cf. 2 Co. 6:14-18) La présence de soldats impies dans l'armée d'Amatsia était un gage de défaite. De même, les compromis avec le monde et les écarts de conduite dans notre vie – ou dans celle de l'Eglise – conditionnent la défaite dans les entreprises pour le Seigneur. (cf. Ja. 4:4-10)
Tout en reconnaissant la rectitude du principe énoncé par l'homme de Dieu, Amatsia a un problème: N'est-ce pas trop tard pour revenir en arrière? J'ai consacré une somme considérable – cent talents d'argent – à acheter ces mercenaires, et je les renverrais sans explications et en perdant toute cette fortune? Or, à la question posée par Amatsia : "Comment agir à l'égard des cent talents que j'ai donnés à la troupe d'Israël", l'homme de Dieu répond: "L'Eternel peut te donner bien plus que cela". (2 Ch. 25:9)
Que de croyants sont enclins à se laisser impressionner, comme Amatsia, par les situations mirobolantes ou les avantages matériels qui leur sont proposés, alors que l'œuvre du Seigneur, la vocation missionnaire ou tout simplement le prix d'une âme précieuse passent à l'arrière-plan de leurs préoccupations. Dieu utilise les richesses d'ici-bas et ne condamne pas le riche, mais il observe la place que ces biens occupent dans le cœur de l'homme. Ce n'est pas l'argent, mais l'amour de l'argent qui est "une racine de tous les maux ". (2 Ti. 6:10)
Il est dans l'Ecriture des exemples d'hommes disposant de biens considérables, mais qui ont cherché "premièrement" les intérêts du Royaume de Dieu, (Mt. 6:33) comme Joseph d'Arimathée qui n'a pas hésité à offrir pour la sépulture du Seigneur le tombeau qu'"il s'était fait tailler dans le roc". (Mt. 27:60)
Le chrétien est appelé à considérer en priorité les impératifs du champ missionnaire et de l'œuvre du Seigneur en général. Peut-être sera-t-il appelé à renoncer à des plaisirs légitimes ou à certaines dépenses superflues, pour mieux investir dans les biens indestructibles en consacrant avec joie dîmes ou offrandes sur l'autel d'une consécration renouvelée. Nous avons affaire à un Père céleste qui connaît notre situation, sait pourvoir à nos besoins "selon ses richesses et avec gloire". (Ph. 4:19) Il comble de ses bénédictions ses enfants qui lui prouvent leur amour dans le domaine de la libéralité. Et pourquoi la parole prononcée par l'homme de Dieu à Amatsia aurait-elle moins de pertinence quand elle s'adresse à nous: "L'Eternel peut te donner bien plus que cela"?
Que de croyants, au seuil du XXIe siècle comme au cours de l'histoire, ont expérimenté, tant sur le plan spirituel que matériel, à quel point le Seigneur est fidèle pour rendre au centuple (Mc. 10:29-30) les investissements en vies ou en argent. Ayant renoncé à eux- mêmes, ces chrétiens lui ont offert spontanément corps ou biens pour accomplir sa volonté!
Amatsia a prêté l'oreille au message de l'homme de Dieu. Les mercenaires d'Israël ont été congédiés... et sont repartis furieux, blessés dans leur amour propre, au point de se venger en envahissant le territoire sud de Juda où ils ont massacré trois mille paisibles citoyens. Amatsia a non seulement perdu ses cent talents d'argent, mais son acte de soumission à Dieu lui a coûté trois mille victimes innocentes et un précieux butin. Peut-être s'est-il alors interrogé: Ai-je bien fait d'obéir?
Quand le diable ne peut empêcher l'obéissance dans nos vies, il cherche à nous impressionner par ses mesures de rétorsion et de vengeance. Dans le combat spirituel, il ne nous faut pas seulement "revêtir toutes les armes de Dieu pour pouvoir résister au mauvais jour", mais "tenir ferme après avoir tout surmonté".(Ep. 6:11-13) C'est pourquoi, au lieu que l'épreuve qui survient après un acte de renoncement et d'obéissance fasse problème pour nous, discernons le jeu habile de notre adversaire: Ne voudrait-il pas, par ce nouveau piège, nous perturber et nous faire douter du Seigneur?
Cependant Dieu n'a pas abandonné Amatsia. Parce qu'il avait payé le prix de la fidélité à son égard, l'Eternel lui a accordé une spectaculaire victoire sur le front d'Edom, puisque dix mille Iduméens ont été battus dans la Vallée du sel (probablement la dépression d'Araba, au sud de la Mer Morte), alors que les fils de Juda en précipitaient un second contingent de dix mille du haut des rochers de la région de Pétra. (2 R. 14:7; 2 Ch. 25:11-12)
C'est vrai que revers et contrariétés ne sont pas épargnés au chrétien désireux de servir son Seigneur, mais il faut aussi reconnaître de quelle manière il récompense ceux qui l'honorent sur le chemin de l'obéissance! Et c'est ainsi que cette première partie du règne d'Amatsia montre à quel point un renoncement consenti par amour pour le Seigneur prélude immanquablement à de nouvelles conquêtes pour son royaume.(cp. Ap. 3:8-10) Mais...
2. Dieu a aussi le pouvoir de faire tomber
C'est lorsque Amatsia revint de sa spectaculaire victoire sur les Edomites que tout bascula dans sa vie. Non seulement, il fit venir à Jérusalem les idoles de Séir pour les adorer, mais il refusa d'écouter l'avertissement que Dieu lui adressa par la voix d'un deuxième prophète, anonyme comme le précédent: "Pourquoi as-tu recherché les dieux de ce peuple, quand ils n'ont pu délivrer leur peuple de ta main?" Et comme Amatsia réagit au point de vouloir frapper l'envoyé de Dieu, ce dernier se retira en lui faisant connaître le verdict du Tout-Puissant: "Je sais que Dieu a résolu de te détruire, parce que tu as fait cela et que tu n'as pas écouté mon conseil". (2 Ch. 25:16)
Les succès militaires d'Amatsia l'ont propulsé sur la voie de l'orgueil. Il s'est détourné des serviteurs de Dieu, parce qu'il savait mieux qu'eux. Et le voici qui s'embarque dans une expédition désastreuse, en déclarant la guerre à son rival le roi d'Israël. Or, fait surprenant – mais Dieu dispose toujours d'instruments inattendus – il appartient à Joas, l'impie roi d'Israël, de communiquer à Amatsia un nouvel avertissement de Dieu: "Tu as battu les Edomites, penses-tu, et ton cœur s'élève pour te glorifier. Reste maintenant chez toi. Pourquoi t'engager dans une malheureuse entreprise, qui amènerait ta ruine et celle de Juda"? (2 Ch. 25 : 19-20) Mais rien n'y fait, et dans son inconscience, Amatsia s'entête. Sa défaite n'en sera que plus grande, puisque la bataille débouchera sur une cuisante défaite de Juda. Il y aura prise d'otages et hécatombe sur ce terrain, et l'impie Joas en profitera pour assiéger Jérusalem, ouvrir une brèche de 200 mètres de long sur la muraille, et rafler tout l'or et l'argent se trouvant dans la maison de Dieu. (2 R. 24:14; 2 Ch. 25:21-24)
Cependant, Amatsia n'a rien appris... ou plutôt n'a rien voulu apprendre, en dépit des trois avertissements successifs qui lui ont été transmis de la part de l'Eternel. Or si Dieu a le pouvoir d'aider celui qui s'abandonne à lui, il a aussi le pouvoir de faire tomber celui qui se détourne de ses ordres. Il arrive que, même en pleine débâcle, l'homme refuse de s'humilier et de se repentir! Et ce qui fut vrai pour Amatsia se reproduit hélas bien trop souvent à l'heure de l'Internet et en pleine Eglise du Seigneur!
Lorsque malgré les solennels avertissements reçus de Dieu, l'homme s'entête et s'insurge contre ses ordres, il arrive un moment où il s'exclut de toute possibilité de repentance. Alors – juste rétribution de la part d'un Dieu qui, dans son amour, avait pourtant prolongé le temps de sa patience (cf. 2 Pi. 3:9) – il permet que l'homme qui se croit grand tombe (cf. Pr. 25:33; 18:12) parfois pour ne plus se relever... comme ce fut le cas pour Amatsia, dont les propres serviteurs fomentèrent une conspiration pour l'assassiner. Ils n'ont pas réussi à Jérusalem parce qu'Amatsia avait fui, mais ils l'ont poursuivi à Lakis, la deuxième ville fortifiée du pays, pour lui faire justice! (2 Ch. 25:25-28) Lamentable fin d'un triste sire que Dieu avait voulu aider, et qu'il a fini par faire tomber, tant il s'était endurci (cf. Ro. 4:16-18, 22) devant Lu!
Il est dans le Nouveau Testament des paroles très dures, qui troublent parfois de sincères croyants en raison des interprétations tendancieuses qu'en font certains, et parmi elles deux avertissements au sujet d'Hébreux qui avaient refusé la grâce de Dieu:
"Il est impossible que ceux qui ont été une fois éclairés, qui ont goûté le don céleste et qui ont pris part au Saint-Esprit, et qui sont tombés... soient encore renouvelés et amenés à la repentance" (Hé. 6 : 4-6). "Si nous péchons volontairement après avoir reçu la connaissance de la vérité, il ne reste plus de sacrifice pour les péchés, mais une attente terrible du jugement de Dieu" (Hé. 10: 26-29).
Ces versets ne sauraient mettre en cause le salut que Christ nous a acquis pour l'éternité; mais ils font allusion au sort tragique qui attend d'innombrables "Amatsias" des temps modernes: des hommes et des femmes qui ont entendu la Parole de Dieu, goûté à sa grâce et même bénéficié indirectement des effets de l'œuvre de l'Esprit parmi leurs proches, mais qui se sont obstinés dans leur refus délibéré de la repentance! Ne pas croire à la "vérité" sortie de la bouche des "hommes de Dieu" – montre de son côté l'apôtre Paul – c'est se complaire dans l'injustice et devenir prisonniers de l'erreur et du mensonge. Le refus de la vérité entraîne alors une inéluctable condamnation! (2 Th. 2:10-12)
Qu'il est solennel de constater où peut conduire la demi-mesure d'un croyant qui fait semblant de craindre Dieu, sans jamais consentir à lui dévouer tout son cœur, alors que le Nouveau Testament nous montre clairement que seule une vraie repentance peut ouvrir le ciel (Ro. 2:4; 2 Co. 7:10; 2 Pi. 3:9) aux pécheurs que nous sommes tous!