8. Azaria / Ozias - Le roi que l'orgueil a perdu
Couronné à l'âge de 16 ans, Azaria (selon le deuxième livre des Rois, Ozias selon le deuxième livre des Chroniques) mourut à l'âge de 68 ans; ce fut donc un long règne de 52 ans (2 R 15:1-2; 2 Ch 26:3), qui marqua plusieurs générations entre 790 et 730 av. J.-C. Selon deux des prophètes de l'Ancien Testament, cette époque fut ponctuée par un séisme de forte magnitude (Am 1:1-2; Za 14:5).
1. Dépendance de Dieu = bénédiction
"Avant la ruine, le coeur s'élève, mais l'humilité précède la gloire" (Pr 18:12). Comme pour plusieurs de ses prédécesseurs sur le trône de Juda, le règne d'Ozias s'ouvre sous la clarté de l'approbation divine. Il fait ce qui est droit aux yeux de l'Eternel et "s'applique à rechercher Dieu, pendant la vie de Zacharie" (2 Ch 26:5) – à ne pas confondre avec le prophète du même nom que son grand-père avait fait assassiner. Ce prophète avait "l'intelligence des visions de Dieu"; autrement dit, il était introduit dans la révélation du Dieu saint, comme Samuel aux jours du sacrificateur Eli, ou encore comme Daniel à Babylone et Jean à Patmos, lorsque l'Esprit saint leur montra les perspectives de l'avenir. Par ailleurs et selon toute probabilité, Ozias vécut assez longtemps pour avoir connaissance des premières prophéties d'Esaïe, d'Osée et d'Amos (Es 1:1; Os 1:1; Am 1:1).
Mis au bénéfice de la révélation divine, Ozias devint, selon les paroles du psalmiste, cet "arbre planté près d'un courant d'eau, qui donne son fruit en sa saison, et dont le feuillage ne se flétrit pas". En effet, "tout ce qu'il fit lui réussit" (Ps 1:1-3): reconquête d'Eilat sur la Mer Rouge, victoires sur les Philistins, les Ammonites et les Arabes. Il fortifia ses bataillons en les équipant de l'armement le plus sophistiqué de l'époque; il construisit tours et citernes dans la campagne, "car il aimait l'agriculture". Sans parler des performances techniques d'alors, puisqu'un ingénieur inventa un genre de catapulte qui, des tours d'enceinte de Jérusalem, pouvait projeter de lourdes pierres sur tout agresseur potentiel (2 Ch 26:6-15).
La prospérité d'Ozias fut exceptionnelle, et "sa renommée s'étendit au loin... jusqu'aux frontières de l'Egypte" (2 Ch 26:8, 15b). Et le texte d'ajouter "il fut merveilleusement soutenu jusqu'à ce qu'il soit devenu puissant" (2 Ch 26:15c). Tant qu'il dépendait de son Dieu, il ne lui manquait rien. Mais le diable savait comment le faire tomber... comme il sait faire tomber de nos jours le chrétien conforté par ses succès, au point qu'il ne se méfie plus de lui-même.
Dès les temps les plus reculés, il n'y eut rien comme une couronne de lauriers pour faire toumer la tête de celui qui la portait. Plus que jamais, nombreux sont aujourd'hui les individus insatiables dans leurs ambitions et qui, en gravissant les marches du pouvoir, ne savent plus garder la tête froide. Mais combien est-il regrettable que l'Eglise, elle aussi, soit entravée dans sa marche par tant de chrétiens prétentieux, avides de jouer un rôle ou de s'écouter parler. Devant le Seigneur à qui revient toute gloire, ne sommes-nous pas que pygmées, et n'est-il pas temps de mettre en pratique l'exhortation apostolique: "Humiliez-vous donc sous la puissante main de Dieu, afin qu'il vous élève au temps convenable"? (1 Pi 5-6)
2. Prétentions = malédiction
Ozias fut "merveilleusement soutenu jusqu'à ce qu'il soit devenu puissant", avons-nous lu. Une déclaration suivie immédiatement par ces mots lourds de conséquences: "Mais lorsqu'il fut puissant, son coeur s'éleva pour le perdre. Il pécha contre l'Eternel, son Dieu: il entra dans le temple de l'Eternel... " (2 Ch 26:16).
En nos temps où l'intégrisme religieux va jusqu'à s'emparer des chancelleries pour imposer sa loi, il est bon de nous souvenir que dans la Bible, palais et temple ne se confondent pas. Les ministres laïcs n'ont pas droit de regard sur les prêtres, autorité politique et clergé étant deux pouvoirs différents (cf. Mt 22:21; Ro 13:1-7). Aussi en Israël, le suprême châtiment était-il réservé à quiconque s'immisçait dans le sacerdoce.
Et voici qu'Ozias se croit soudain autorisé à entrer dans le Temple pour y brûler le parfum, l'acte le plus sacré du sacerdoce lévitique (cf. No 16:36-40). Lorsque le souverain sacrificateur ou ses subalternes se présentent à l'autel des parfums, tout le peuple se tient devant le Tabernacle ou le Temple pour adorer Dieu (cf. Lu 1:8-10). Mais Ozias n'a que faire d'une hiérarchie cléricale qu'il écarte d'office, puisque rien n'arrête plus sa soif de gloire personnelle. Il s'improvise donc souverain sacrificateur, croyant épater son peuple et impressionner le Dieu des cieux. Oui, l'orgueil religieux va jusque là... et ne trouvera sa suprême incarnation qu'en l'Antéchrist lui-même, lorsqu'il "s'assoira dans le temple de Dieu, se proclamant lui-même Dieu"! (2 Th 2:4).
Si Dieu ne donne jamais sa gloire à un autre et si le péché d'orgueil est un délit majeur à ses yeux, l'ambition religieuse lui est un affront proche du blasphème: l'homme ne s'introduit-il pas dans un domaine réservé au Dieu saint? L'Eternel a sévi immédiatement devant l'audace d'un Koré convoitant l'office de Moïse (No 16:24-35) ou d'un Hérode se laissant adorer par la foule comme un dieu! (Ac 12:21-23).
Or qu'en est-il aujourd'hui ? D'audacieux intrus que le Seigneur n'a ni appelés ni qualifiés à cet office s'introduisent dans le sanctuaire de l'Eglise de Christ. Ils se croient pasteurs, alors qu'ils n'en n'ont ni l'appel, ni le revêtement indispensable (cf. 1 Ti 1-7; Ro 2:20); ils recherchent chaire ou estrade parce qu'ils aiment s'écouter parler et, plus grave encore, ils se permettent de jouer les intermédiaires entre les précieuses brebis du Seigneur et leur Berger (cf. Ez 34:18-22; 1 Pi 5:2-3), leur prodiguant des conseils parfois contraires à ceux des apôtres; à moins qu'ils ne s'improvisent conducteurs spirituels (cf. Ap 2:20) pour bénéficier d'un certain prestige. Alors que les "Diotrèphes" dont parle le disciple Jean sont aujourd'hui légion, les "Démétrius" se font toujours plus rares. (3 Jn 9-12).
Et l'on s'étonnerait que salles de culte, temples ou chapelles restent vides, alors que salles de spectacles ou night-clubs affichent complets?
Pour résister à tous ces "Ozias" des temps modernes, il faudrait des sacrificateurs de la trempe d'Azaria qui a osé affronter le roi alors qu'il se saisissait de l'encensoir: "Tu n'as pas le droit d'offrir des parfums à l'Eternel. Ce droit appartient aux sacrificateurs, fils d'Aaron, qui ont été consacrés pour les offrir. Sors du sanctuaire, car tu commets un péché"! (2 Ch 26:18).
Un veto sévère et courageux qui n'aurait peut-être pas arrêté Ozias dans son ambition démesurée, si Dieu lui-même n'avait dit: Halte! Alors que le roi impudent était entré dans une violente colère contre les sacrificateurs qui daignaient lui résister, la lèpre "éclata" sur son front, l'obligeant à se hâter de sortir du Temple, tandis que les sacrificateurs précipitaient sa fuite. (2 Ch 26:19-20).
Dans les exemples que donne la Bible, la lèpre contamine d'abord imperceptiblement puis progressivement certaines parties du corps humain, jusqu'à ce qu'il en soit couvert. (cf. Lé 13-14; 2 R 5). Mais le texte sacré met devant nous trois cas d'orgueil religieux, où la redoutable maladie a frappé soudainement de manière virulente:
Marie, la soeur de Moïse, quand elle s'était élevée contre l'autorité du chef spirituel que Dieu avait placé à la tête de son peuple. Frappée de lèpre, elle fut alors exclue du camp d'Israël pendant sept jours, et ne dut sa réintégration qu'à l'intercession de son frère qu'elle avait méprisé. (No 12).
Guéhazi, le serviteur d'Elisée qui, lorsqu'il a menti après avoir soutiré argent et vêtements à Naaman, fut soudain couvert de la lèpre dont le général syrien venait d'être guéri. (2 R 5:27).
Et Ozias, dont le péché fut si grave qu'il demeura lépreux jusqu'au jour de sa mort, cloîtré dans une maison à l'écart, tandis que son fils Joram assumait les charges de prince-régent. Et comme en Israël la lèpre était la pire des calamités, la sépulture dans les tombeaux des rois fut même refusée à celui qui avait cyniquement bravé les lois du sanctuaire! (2 Ch 26:21-23).
Ne nous y trompons pas: Aujourd'hui comme alors, "Dieu résiste aux orgueilleux", donc aussi aux "Korés" et aux "Jézabels" des temps modernes qui ont revendiqué des rôles ou accaparé des fonctions sacerdotales dans le Temple du Dieu vivant! Mais il "fait grâce aux humbles" (1 Pi 5:5) qui, tels d'innombrables "Démétrius" anonymes, ne font pas de bruit, mais portent un fruit que Dieu voit.
C'est bien ce qui apparaitra au "tribunal de Christ", (2 Co 5:10; Mt 20:16) où les premiers seront les derniers, alors que les derniers seront les premiers! Ah, souvenons-nous d'Ozias!