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Des entrailles de miséricorde

J'aime le texte de Colossiens 3:12 tel que le rend la version Segond, non révisée: «Ainsi donc, comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, revêtez-vous d'entrailles de miséricorde, de bonté, d'humilité, de douceur, de patience.»

Entrailles!... Ce terme n'est plus tellement actuel! Les réviseurs modernes ont traduit le mot grec par cœur, affection, tendresse, compassion ou sentiments de compassion. Dans le Nouveau Testament, il n'est employé qu'une seule fois dans le sens littéral et dix fois dans un sens figuré, symbolique, se référant au siège des émotions. Un dictionnaire récent en donne cette définition: partie la plus profonde, intime, essentielle; partie profonde de l'être sensible.

Les nouveaux traducteurs ont cherché, peut-être peiné, pour trouver l'équivalent de cette expression. Pourtant la vraie difficulté ne réside pas dans le domaine linguistique, mais dans la mise en pratique de la vérité énoncée par l'apôtre Paul. En effet, une partie de l'Epître aux Colossiens porte sur les relations entre les «saints et fidèles frères en Christ» (1:2).

La voyez-vous cette Eglise de Colosses, composée de personnes de conditions, de formations et de caractères si différents? Cette Eglise appelée dans sa diversité, à former une merveilleuse communauté? Toutefois, même si elle paraissait être en excellente condition, Paul ne se faisait pas d'illusions. Comment éviter les partis, les querelles, les rancunes, les amertumes dans un ensemble si hétéroclite? L'apôtre connaissait le cœur humain; il fallait qu'il propose aux Colossiens quelque chose de spécial, de surnaturel qui garantisse entre eux tous le lien fraternel, et pour cause!

Pensons maintenant à l'état de l'Eglise d'aujourd'hui, à tout le stress provoqué par le caractère des «saints et bien-aimés»: Réfléchissons à nos difficultés d'admettre les faiblesses de nos semblables. Combien notre communion fraternelle est fragile! Les travers que nous reprochons à nos frères et sœurs ont différents aspects. Mais rappelons-nous certaines de nos propres réactions et soyons convaincus de nos propres faiblesses.

Oui, nous nous irritons contre le frère qui est mou et nous nous plaignons de celui qui est agressif! Le frère parlant facilement et d'abondance nous énerve, comme celui qui ne desserre pas les lèvres! Nous n'apprécions pas toujours les chrétiens qui rient souvent, et pas non plus ceux qui ont l'air si sévère et sérieux... où donc est l'expression de la joie chrétienne?... Et ces légalistes pour lesquels tout est interdit... quels lamentables représentants de l'Eglise de Christ! Mais malheur à celui qui prend la liberté de faire une chose ou l'autre n'entrant pas dans nos normes... c'est un mondain! Et ces croyants sentimentaux... ils nous serrent la main avec tant d'effusion que cela en devient désagréable. Mais pourtant, insupportables aussi sont ceux qui nous saluent froidement et nous regardent d'un air hautain! Alors que l'un se croit notre intime, l'autre nous froisse par son orgueil. Ah! le trop ou le trop peu!

Certaines personnes de nos assemblées peuvent nous indigner par une tenue vestimentaire négligée alors que d'autres, toujours tirées à quatre épingles, habillées à la dernière mode, nous paraissent franchement décadrer dans notre communauté chrétienne. Faut-il encore parler de ceux qui nous exaspèrent par leurs conversations futiles ou alors par leur «patois de Canaan»... de ceux qui ne montrent pas le moindre intérêt pour nous, nos familles et nos circonstances adverses... ou alors de ceux qui veulent tout savoir de notre vie?

Cette longue liste d'exemples est certainement suffisante pour nous prouver d'une part la délicatesse des relations humaines et d'autre part notre vulnérabilité. Puissions-nous être convaincus du besoin que nous avons de quelque chose de surnaturel pour pouvoir supporter et aimer nos frères et sœurs avec leurs caractéristiques. Ce quelque chose, Paul le nomme «entrailles de miséricorde» et c'est cela qui nous rend capables d'indulgence, de pardon, de commisération.

Un dicton populaire dit: «A tout péché miséricorde»; à plus forte raison le chrétien est-il appelé à user de tolérance envers ceux qui l'agacent. Avons-nous déjà pensé que le défaut, la faiblesse de notre frère ou de notre sœur, peut être un véritable sujet de tristesse pour lui-même? Par exemple, ce frère austère et dépourvu du sens des relations publiques, qui ne sourit guère, envie certainement celui qui est doué d'un contact facile et d'un caractère aimable.

J'ai entendu parler «d'organes de choc» qui, dans le corps de l'homme, et selon l'individu, reçoivent les chocs dus aux contrariétés et aux difficultés de la vie. Chez l'un c'est l'estomac, chez l'autre le foie et chez un autre encore, le cœur. Les «entrailles de miséricorde» constituent justement l'antichoc et nous permettent de saluer gentiment le frère qui nous évite, de pardonner à celui qui nous blesse par ses attitudes, d'aimer celui pour lequel nous n'avons aucune affinité.

Nous avons besoin d'«entrailles de miséricorde» dans notre propre famille, entre conjoints, entre parents et enfants; elles nous permettent aussi de surmonter les conflits de générations. Elles sont indispensables également dans la famille spirituelle, pour le frère en crise, pour celui qui tombe, pour le jeune qui s'éloigne, pour les parents dont les enfants ne marchent pas dans la voie du Seigneur, enfin pour tous ceux qui ont de la peine d'une façon ou d'une autre. L'apôtre Paul le dit en 2 Corinthiens 11:29: «Qui vient à tomber, que je ne brûle?» puis il exhorte : «Frères, si un homme vient à être surpris en faute, vous qui êtes spirituels, redressez-le avec un esprit de douceur. Prends garde à toi-même, de peur que tu ne sois aussi tenté» (Galates 6:1).

Bien sûr, et vous l'avez déjà compris, il s'agit de ce que Dieu donne et dont nous devons nous revêtir. Nous sommes responsables de saisir par la foi ce que Dieu voudrait nous communiquer. Il s'agit d'une prise de position constante, chaque jour, à chaque instant; même quand le moi veut réagir à sa manière, je revêts ce que Dieu me tend: la compassion au lieu de la dureté, la bonté plutôt que l'exaspération, la faculté d'être doux et humble de cœur, face à l'orgueil.

Je résume par la parole de 1 Pierre 3:8: «Enfin, soyez tous animés des mêmes pensées et des mêmes sentiments, pleins d'amour fraternel, de compassion, d'humilité.»

Quelle que soit la traduction que l'on donne à ce terme «entrailles», vivons l'application que l'Auteur sacré a voulue!

Walter Reichen, pasteur 


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