Bris d’amour, l’amitié…
Ces gens-là ils parlent fort, et n’ont pas peur de se fâcher ni de dire qu’ils ont eu tort, pour se réconcilier. Ces gens-là ils ont compris, oui, Madame, ils ont compris, que pour vivre cette vie il faut garder ses amis.
- Slimane. Les Amis. L’ami aime en tout temps, et dans le malheur il se montre un frère.
- Proverbes 17.17
- Proverbes 17.17
Les amis sont à la vie ce que les papilles gustatives sont au goût. Il serait possible de se nourrir sans connaître ou ressentir la saveur des aliments ; pour peu que nous ayons une éducation nutritionnelle correcte, nous serions en aussi bonne santé, mais notre vie serait tellement plus pauvre. Il en est de même pour l’amitié. Nous pouvons tout à fait imaginer une vie sans amis, cela ne devrait pas nous empêcher de nous lever, d’aller travailler, de nous nourrir et même d’avoir une famille, mais nous nous priverions de tellement de nutriments d’âme… un peu comme vivre dans un monde monochrome alors que la couleur est omniprésente.
Dieu est amour, cet amour nous est inaccessible dans son ensemble. Trop vaste pour que nous puissions l’embrasser, ses dimensions sont tellement extravagantes que nous ne pouvons même pas les concevoir. Ce n’est pas un amour « plat » qui s’exprime dans une seule dimension ; même la 3D serait ridiculement limitée pour nous le présenter. Alors, dans sa sagesse, le Génial Inventeur a décidé de le morceler pour que les minuscules humains que nous sommes puissent en capter quelques bribes, quelques éclats éparpillés, semblables aux petits morceaux d’un miroir brisé.
Nous avons ramassé, avec plus ou moins de soin, les fragments de cet immense amour. Nous leur avons collé des étiquettes, réductrices comme toutes les étiquettes, mais quand même utiles, pour en parler.
C’est ainsi que nous trouvons, dans ces bris d’amour divin, l’amour pour celle ou celui qui est notre vis-à-vis, l’amour pour nos enfants ou nos parents, l’amour de ce qui est beau, juste ou vrai, l’amour pour la terre qui nous a vus naître, l’amour pour les autres espèces vivantes, depuis notre chien jusqu’aux oiseaux, en passant par les dauphins et les girafes, l’amour du travail bien fait, l’amour des mots, des couleurs ou des notes et bien évidemment, au centre comme sur un trône, l’amour pour celui qui nous a donné l’amour.
Ma liste est, comme vous pouvez le constater, loin d’être complète, et c’est tant mieux ; cela nous laisse avec une envie d’en savoir plus, de partir à la découverte de ces autres particules d’amour éparpillées dans notre monde et nos existences.
Cependant, il y a un éclat qui sort du lot, il a une importance particulière pour nous humains ; je veux parler de l’amour des amis, aussi nommé amitié. C’est un amour qui s’adapte à tous les cœurs, il est compatible avec toutes les couleurs d’âme. Nul n’est trop grand ou trop fort pour prétendre s’en passer, personne n’est trop petit ou trop indigne pour ne pas y avoir droit.
Sylvie Germain l’exprime si joliment : « l’amitié, c’est avant tout une affaire d’amour, d’amour vêtu de modestie, de pudeur, de patience.1 »
Mais attention ! Sous ses apparences modestes, ne sous-estimez pas l’amitié. Forgée silencieusement au cœur du quotidien, trempée dans la fidélité pudique des milliers d’instants partagés, elle est plus solide que le meilleur des aciers, bien plus résistante que les flamboyantes passions qui s’enflamment et s’éteignent telles des feux de buissons desséchés, libre du désir qui obscurcit les jugements. Elle est tissée d’une sorte d’amour qui ne désire ni posséder, ni enchaîner, elle apporte ce supplément d’âme qui sait faire la différence et nous évite d’être totalement broyés lorsque la vie veut nous écraser.
L’amitié ne s’use pas, ne connaît pas les rides et les courbatures qui affectent notre véhicule terrestre.
Jésus lui-même, l’amour incarné, qui dans sa divinité a aimé le monde entier, ne s’est pas refusé durant son séjour en humanité le luxe d’avoir des amis.
Continuons donc de chercher, de collectionner tous ces fragments d’amour qui donnent du sens à nos existences, mais chérissons tout particulièrement l’amitié. Et puis, si comme moi, vous avez déjà consumé plus qu’à moitié le temps qui nous est généralement accordé, soyez bien conscients qu’il est déjà trop tard pour vous faire de nouveaux vieux amis, alors prenez soin de ceux que vous avez, en commençant, bien sûr, par celui qui ne nous a pas voulus serviteurs, mais amis. 2
Amicalement vôtre,
Philip
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1 Sylvie Germain, Chanson des mal-aimants.
2 Jean 15. 15
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