Histoire vraie de Sebti 18
Dans la voiture volée
– Qu'est-ce qu'on fait cet après-midi?
– Un tour en vélomoteur?
– Bah! le mien n'avance plus!
– II va sûrement pleuvoir. C'est déjà assez d'être sous la flotte quand on ne peut pas faire autrement!
Soudain, un coup de klaxon! Les garçons se retournent. Appel de phares, violent coup de frein à leur hauteur...
– Ca, c'est bien du Geojo!
– Eh oui! Bonjour, les gars!
– Où t'as déniché cette bagnole?
– Dans une petite rue, près de la place du marché! répond Georges qui ajoute, à voix basse: Ils avaient laissé la clé de contact. Alors... l'occasion était bien trop belle!
– Tu l'as volée? demande Sebti.
– Non! Disons que je l'ai prise. On peut toujours la ramener plus tard... Vous venez, les gars? On va l'essayer?
– D'accord!
Les six garçons se serrent dans le véhicule qui démarre à pleins gaz. Sebti croyait être un homme, à dix-sept ans. Pourtant il vient de se laisser entraîner comme un mouton! Il regrette déjà d'être monté dans cette voiture volée. Mais c'est trop tard, à présent. En route vers la campagne!
Michel est au volant. Il n'a pas le permis, mais se débrouille assez bien. Il a pu se faire la main dans les véhicules de l'entreprise paternelle.
Soudain, la voiture s'arrête!
– Bon! On est sur une route tranquille. Faites vos essais, Messieurs! dit Michel, s'adressant aux copains qui ne savent pas encore conduire. Mais alors... pas de casse! s'empresse-t-il d'ajouter.
Marche avant, marche arrière, coups de frein, brusques accélérations...
Ah! comme on se laisse griser quand, pour la première fois, un moteur obéit à tous les caprices!
– A présent, partons en balade! propose Georges. Mais je préfère que tu prennes le volant, Michel!
– Bonne idée!
Et l'équipe repart. Voici la route nationale.
– Mets des gaz, Michel! Le compteur passe du soixante au quatre-vingts.
– Plus vite, Michel! L'aiguille frôle le cent.
– Attention, le pépé! crie le conducteur en visant une belle flaque pour éclabousser un piéton.
Pflaatsch!
Les adolescents se retournent et rient de bon coeur en voyant la tête du passant copieusement arrosé.
– Accélère, Michel! Vas-y, la route est toute droite !
Oui mais, à l'entrée d'une localité, il y a un virage, et la route est mouillée!
Michel veut suivre la courbe, mais sent la voiture déportée. Il tire sur le volant, donne un léger coup de frein... et tout à coup les garçons voient le paysage aller dans tous les sens! Après deux tours sur lui-même, par l'arrière le véhicule heurte violemment le mur d'un café!
Les clients se précipitent, et voient les jeunes gens sortir, très pâles.
– Avez-vous du mal?
– Non... euh!... pas trop!
– Pas de blessés?
Les garçons se regardent.
– ... Non!
Michel fait le tour de la voiture. Il voit bien que le pare-chocs a changé de forme en égratignant le mur, mais apparemment... rien d'autre.
– Filons avant l'arrivée des flics! souffle-t-il à ses copains.
La voiture repart. Les gens sont sidérés.
– Ils ont un accident. On accourt. Et quand on leur demande s'il y a des blessés, ils ont l'air d'avoir peur. Ils sautent dans leur bagnole pour déguerpir presque aussi vite qu'ils sont arrivés! Bizarres, ces jeunes!
– On aurait peut-être dû relever leur numéro d'immatriculation!
Dans le véhicule accidenté, les garçons ne parlent guère, à présent. En revanche, Michel est plus nerveux que d'habitude.
Il est pressé de quitter le volant de cette voiture volée. S'il était pris sans permis, cela lui coûterait cher! Quant à Sebti, seul Algérien de la bande, il aurait aussi de graves ennuis.
– Dès qu'on sera près de chez nous, suggère Georges, il faudra laisser la bagnole sans se faire repérer!
– On a failli se tuer! pense Sebti dans son coin. Mais cette fois, j'ai compris. C'est fini. Je ne marche plus dans leurs combines. Ca suffit. Je quitte l'équipe! décide-t-il enfin.
Les jeunes gens ne seront pas attrapés. Mais un voleur s'améliore-t-il?
Plus tard, Georges se fera cueillir dans une affaire plus grave. Michel aussi. On peut réfléchir, en cinq années de prison. Son frère Roger suivra le même chemin. Encore une vie gâchée...
Toi qui lis cette histoire, aurais-tu commencé de mentir, ou de voler? Un petit menteur devient un grand menteur. Un petit voleur devient un grand voleur! A moins qu'il ne se détourne résolument du mal, mais il faut beaucoup de force. Dieu peut donner cette force. Sebti s'en rendra compte. C'est parfois si difficile de remonter le courant après s'y être laissé entraîner.
Soyez sur vos gardes, petits amis! Pourquoi devriez-vous connaître d'aussi tristes expériences?
Texte: Samuel Grandjean
