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L'Amour véritable 1/6
Etude sur la première Epître de Jean

par Philippe Favre

Introduction

Dès le IIe siècle, l'Eglise a reconnu Jean comme l'auteur de cette épître. La tradition dit qu'il vécut à Ephèse après la destruction de Jérusalem, en l'an 70, et qu'il mourut à un âge avancé après avoir enseigné des hommes comme Ignace et Polycarpe. Il est le dernier des écrivains du Nouveau Testament.
En comparant l'épître avec l'évangile selon Jean, on constate des analogies frappantes. Le thème de l'Evangile est la divinité de Christ, le Messie, venu révéler le Père. Or, nous trouvons dans notre épître 21 fois la mention de Jésus comme étant le Fils de Dieu, et 12 fois la mention de Dieu comme étant le Père. L'auteur ne se nomme pas et ne salue pas les destinataires de sa lettre, à l'exemple de l'écrivain de l'Epître aux Hébreux, et il entre dans le vif du sujet en exprimant les sentiments qui remplissent son âme.

Jean écrit comme un pasteur qui aime son troupeau qu'il veut protéger et établir dans la vérité. Il emploie 7 fois le mot "teknion" au pluriel signifiant "petits enfants" dans le sens d'une relation étroite entre les parents et les enfants. L'hérésie gnostique était en germe dans plusieurs fausses doctrines qui s'étaient infiltrées dans la chrétienté de la fin du 1er siècle. Jean use de son autorité paternelle pour avertir les croyants des dangers qui les menacent, car ces doctrines sapent la foi, la morale personnelle et la vie sociale.

Comme plusieurs commentateurs l'on fait remarquer, Jean mélange les sujets en passant de l'un à l'autre, les quittant et y revenant, sans que l'on sache pourquoi, tandis que Paul traite les sujets l'un après l'autre. Il emploie peu de mots, les mots quotidiens, couramment utilisés. Il fait usage de parenthèses, répétitions, aphorismes, en exprimant sa pensée tantôt sous forme négative, tantôt sous forme positive. Il unit d'une façon parfaite les analogies et les contrastes. L'Esprit de Dieu a voulu que les derniers écrits du Nouveau Testament soient présentés d'une façon toute différente des Epîtres de Paul afin de secouer les chrétiens endormis ou sclérosés.

L'évangile selon Jean permet de saisir dans sa plénitude l'enseignement de l'épître et celle-ci se base continuellement sur les faits racontés dans l'Evangile. Ce dernier a été écrit afin que les lecteurs "croient que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu" (Jean 20:31). L'Epître l'a été afin que les lecteurs "sachent qu'ils ont la vie éternelle" (1 Jean 5:13). Le thème de l'Epître est la communion : ce qui la produit, la caractérise et la trouble.

Nous y découvrons deux vérités solennelles et complémentaires: Dieu est lumière (1 Jean 1:5), Dieu est amour (1 Jean 4:16). Pas l'un sans l'autre ! Si facilement nous séparons ces deux vertus, étant incapables de les vivre ensemble. Il n'en est pas ainsi avec Dieu qui est pleinement lumière et pleinement amour, les deux à la fois.

Si Jean insiste sur la divinité de Jésus-Christ, c'est à cause des erreurs qui touchent à sa personne. Selon Cérinthe, hérésiarque du 1er siècle, le Christ, un être céleste, est descendu sur Jésus à son baptême et l'a quitté avant sa mort. D'autre part, des faux docteurs enseignaient que la matière est corrompue, que seul l'esprit est pur et qu'il est possible à l'homme de trouver Dieu grâce à son intelligence supérieure. On allait jusqu'à affirmer qu'il fallait avoir une initiation élaborée à la fois mystique et intellectuelle pour accéder à ce niveau. Le tout associé à une vie de débauche puisque le corps est mauvais de toute façon. Tout au long de son épître, Jean combat avec vigueur cette hérésie en déclarant que Jésus est vraiment Dieu et vraiment Homme, et qu'une connaissance réelle de Dieu doit résulter en transformation morale et en amour fraternel.

Le chapitre 1 et les deux premiers versets du chapitre 2 forment une introduction au sujet principal:

1. La manifestation de la vie: source de la communion (1 Jean 1:1-4)

L'apôtre Jean est un témoin authentique. Il a été appelé par Jésus, il l'a suivi, il a été près de lui et a parlé avec lui. Il a écrit dans son évangile: "Nous avons contemplé sa gloire" (Jean 1:14). Aussi lorsqu'il mentionne la vie, c'est du Seigneur Jésus qu'il parle. De même l'expression "ce qui était dès le commencement" est un écho de Jean 1:1 et se rapporte à la divinité et à la préexistence de Christ. Ainsi il a soin de faire une allusion à l'Eternité avant de passer à l'Histoire.

Il vaut la peine de se pencher attentivement sur le verset 1 où l'apôtre donne un témoignage irréfutable de l'humanité de Christ. Avec les autres disciples, il l'a entendu parler, il l'a vu de ses yeux – le pléonasme est voulu pour attester que Jésus est venu en chair – il l'a contemplé et ses mains l'ont touché. La parole de vie les a marqués d'une façon inoubliable! Jean et ses compagnons se souviennent du passé, mais ils font plus que cela; ils rendent témoignage de Jésus-Christ et ils annoncent la vie éternelle. Ils transmettent à d'autres par la prédication "ce qu'ils ont vu et entendu" afin de partager leur communion avec le Père et son Fils Jésus-Christ.

La communion est un mot spécifiquement chrétien qui souligne notre participation commune à la grâce de Dieu, au salut en Christ et à l'influence de l'Esprit. Cette participation dans le sens vertical a aussi un sens horizontal. L'on ne peut être en réelle communion avec Dieu sans rechercher la communion avec les autres croyants. Pour cela il faut briser l'étau qui nous renferme sur nous-mêmes et faire un pas vers l'autre par la communication du coeur et les échanges de paroles. Lorsqu'il en est ainsi, la joie naît et grandit sans cesse (v. 4).

Selon John Stott la déclaration de Jean (v. 3) est un reproche à notre évangélisation moderne et notre vie d'Eglise. Une évangélisation qui ne mène pas les convertis à se joindre à la communauté chrétienne est défectueuse. Une vie d'Eglise qui n'aboutit qu'à une camaraderie sociale et superficielle n'atteint pas son but.

Qu'il est encourageant de savoir que la vie est prête à se manifester au milieu de nous, si nous lâchons les habitudes qui nous paralysent et si nous enlevons les cloisons qui nous isolent!

2. La restauration de la communion: renouveau de vie (1 Jean 1:5 à 2:2)

Nous abordons ici l'un des passages les plus connus de cette épître. En pasteur expérimenté et en connaisseur d'hommes, l'apôtre sait que toute communion est fragile et qu'elle est vite perturbée. Il va indiquer comment la restaurer en dénonçant trois erreurs qui avaient cours de son temps déjà. Les trois sont introduites par les mots: "Si nous disons..." (v. 6, 8 et 10). S'il y a souvent un fossé entre nos paroles et notre conduite, alors que nous sommes attachés à la saine doctrine, combien plus en est-il ainsi chez ceux qui professent des doctrines erronées. Jean part donc d'une situation fâcheuse pour exhorter les croyants à une vie pure et conséquente.

Ce passage est introduit par la déclaration suivante: "La nouvelle que nous avons apprise de lui, et que nous vous annonçons, c'est que Dieu est lumière, et qu'il n'y a point en lui de ténèbres" (1 Jean 1:5). Comme il est dans la nature de la lumière de briller et de révéler les choses telles qu'elles sont, il est dans la nature de Dieu d'éclairer les hommes sur ce qu'ils sont. Cette intense clarté met la conscience à nu et démasque tout mensonge.

Les erreurs que Jean va exposer concernent ceux qui prétendent avoir la communion en termes faciles et sans rigueur morale. Il est question de trois catégories de personnes. La première mélange les notions de péché et de grâce. La deuxième nie l'existence de la nature pécheresse chez le chrétien. La troisième minimise le péché et ses conséquences.
Ces maladies du 1er siècle réapparaissent souvent dans la chrétienté de sorte que les avertissements de cette épître sont valables pour tous les temps. Jean parle d'une manière tranchante, péremptoire et sans nuances. Il le faut, car ces erreurs sont mortelles, et si on ne les combat pas, la communion et la vie spirituelle sont touchées.

Première catégorie:
Ceux qui disent qu'ils sont en communion avec Dieu tout en marchant dans les ténèbres (1 Jean 1:6). Cette attitude déplorable, résultant de l'influence de la philosophie grecque, caractérisait certains croyants qui n'hésitaient pas à dire que la communion avec Dieu était indépendante d'une moralité pure dans les relations humaines. L'Ecriture traite ces hommes de menteurs car se servir de la grâce pour couvrir le péché est une abomination devant Dieu (cp. Romains 6:15).

Mais Jean n'en reste pas là. Il réagit par un double enseignement: D'abord la marche dans la lumière est honnête, ouverte et transparente et permet une communion sans ombre avec les autres. Ensuite, le croyant contracte des souillures pendant cette marche et il a besoin d'en être purifié constamment par le sang de Jésus-Christ, (fin du verset 7). Je rappelle la valeur rédemptrice du sang qui pardonne (Colossiens 1:14), lave (Apocalypse 1:5), purifie (Hébreux 9:14), justifie (Romains 5:9), rachète (1 Pierre 1:18), sanctifie (Hébreux 10:29) et rend victorieux (Apocalypse 12:11).

Deuxième catégorie:
Ceux qui disent qu'ils n'ont plus de nature pécheresse (1 Jean 1 :8). Cette erreur est encore pire que l'autre! Ici, nous sombrons dans le perfectionnisme. Si, au verset 6, le chrétien égaré trompe et séduit les autres, au verset 8, il se séduit lui-même. Il n'est plus capable de discerner le vrai du faux et le mensonge est devenu une seconde nature. Jean ajoute que la vérité n'est pas en lui parce que la négation de l'existence d'une nature pécheresse chez le chrétien n'est conforme ni à l'Ecriture, ni à la réalité. Le perfectionnisme peut conduire à de graves excès. L'histoire de l'Eglise est là pour nous l'attester.

La vraie attitude est d'admettre que nous pouvons encore pécher parce que nous avons encore notre nature pécheresse. Soyons réalistes et reconnaissons nos manquements, nos péchés et nos chutes. Mais n'en restons pas là, confessons-les, et Celui qui est fidèle et juste nous les pardonnera. Plus encore, il travaille en profondeur en nous purifiant de toute iniquité afin que nous ne retombions plus (v. 9).

Troisième catégorie:
Ceux qui disent qu'ils ne pèchent pas (1 Jean 1:10). Le coeur de l'homme est si tortueux qu'il peut admettre en théorie que le péché rompt la communion avec Dieu, qu'il a encore une nature pécheresse et pourtant nier que ses fautes et ses erreurs soient du péché. C'est le comble de l'orgueil et de la propre justice et ce n'est plus ni tromper les autres, ni se tromper soi-même, mais faire Dieu menteur. Les hérétiques de ce temps croyaient que leur illumination mystique ou leurs connaissances supérieures les préservaient du péché. La Parole n'était point en eux car selon Romains 6:14 seule la grâce annule le pouvoir du péché.

En conclusion, avec une note tendre et paternelle, Jean exhorte les croyants à fuir les faux raisonnements et à ne point pécher (2:1). Le pardon de Dieu ne doit pas nous conduire à penser légèrement du péché. Au contraire, il doit nous conduire à rechercher la sainteté, c'est-à-dire à haïr le péché qui est une révolte contre Dieu et une dégradation de soi, qu'il soit commis par un croyant ou un incroyant. Connaissant la faiblesse humaine, l'apôtre revient sur les chutes possibles en mentionnant l'intercession de Christ auprès du Père, comme avocat, à la fin du verset 1. Ce ministère repose sur son oeuvre expiatoire à la croix, fondement éternel de notre acquittement.

Philippe Favre

 


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