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L'idole de l'homme magicien

"Regards sur l'Occident" (4/6)

Paul Ranc

Préambule

Ce texte est tiré de notre livre en cours de parution, Le Retour du Romantisme. Entre le Romantisme du XIXe siècle et le Nouvel Age, il y a une évidente filiation occulte. En effet, l'homme romantique saisi par le désespoir et l'angoisse se tourne, non vers le Dieu créateur, mais vers des idoles «magiques» censées lui donner le bonheur de l'âme et un sens à son existence...

L'Homme moderne, comme l'homme d'autrefois, s'inquiète de son devenir. Sans cesse, il se remet en question, sans cesse il cherche la vérité. Voguant au gré des idéologies ou des courants religieux, l'homme vit un perpétuel paradoxe: tantôt la science, tantôt la magie. Entre le matérialisme ambiant de notre société occidentale et l'attrait des philosophies ésotériques ou occultes, la ligne de démarcation est mince. Parfois, ces deux courants de pensée sont confondus. Loin de s'annihiler, ces forces apparemment antagonistes s'allient dans une interconnexion du naturel et du surnaturel. Des questions, lancinantes, se posent: «l'alliance entre la science et la métaphysique n'est elle pas l'ébauche d'un Homme nouveau? L'association entre la politique et la magie ne conduit-elle pas au totalitarisme? Ou, plus exactement, à la venue de l'Homme magicien?»

L'homme moderne, comme l'homme d'autrefois, cherche désespérément des certitudes. Tantôt balancé vers le rationalisme, tantôt aspiré vers l'empirisme, l'homme abandonne ses repères et entreprend la conquête des sphères paranormales ou occultes. Car la magie, ce mot lourd de sens, revient en force dans notre société moderne. Fini le temps des sorcières et des hérétiques que l'on brûlait sur des bûchers. Aujourd'hui, l'ésotérisme (doctrine secrète réservée aux seuls initiés, donc occulte), a droit de cité au même titre que les religions ou les sectes. Le retour du religieux s'apparente à celui de l'occultisme ambiant et le rêve, toujours inassouvi, de l'homme reste le même, celui d'être l'égal du Créateur en devenant à son tour dieu.

Quête, pouvoir et devenir

L'histoire de la magie pourrait se résumer en un mot: ésotérisme. L'attrait du surnaturel, et surtout l'acquisition de pouvoirs occultes et para-normaux, ont été à l'origine de tous les multiples courants ésotériques. En effet, parallèlement à la tradition païenne, puis chrétienne, s'est développée à travers les âges, une autre tradition, la Tradition ésotérique, appelée aussi parallèle.

A la source de cette tradition, les religions païennes, mais aussi la philosophie et la mythologie grecques. Tous ces enseignements «traditionnels» (oraux ou écrits) se sont développés, amplifiés et ont donné naissance à une tradition nouvelle, celle de l'Occident.
Synthèse de tous les courants orientaux et occidentaux, la Tradition ésotérique présuppose l'éternité et l'évolution de la matière considérée comme divine. Le panthéisme (Dieu est tout et tout est Dieu, toute chose dans la nature est divine) et le monisme (l'ensemble des choses se réduisent ultimement à un seul principe ou unité, par opposition au dualisme et au pluralisme) sont les deux fondements des courants occultes, et il est évident que cette pensée entre en contradiction absolue avec la Révélation du Dieu créateur. A cause de cette opposition va naître tout un concept philosophique, religieux et même politique. L'enjeu de cette lutte de l'homme contre Dieu n'est autre que la domination planétaire, et même cosmique de toute la Nature, autrement dit de la création divine. En fait, il s'agit tout simplement de refaire la création de Dieu, ceci par le moyen de l'alchimie.

Il ne faut pas s'y méprendre, l'alchimie n'est pas la chimie! L'alchimie est cette science occulte qui a pour but de créer la pierre philosophale et dont la finalité est de transmuer les métaux vils en or. Au niveau supérieur, l'homme, ce matériau brut, semblable à du plomb, peut sous l'effet d'actions supranaturelles devenir une matière parfaite, équivalant à de l'or pur. Au delà du symbole, nous constatons que la tentation de l'homme reste toujours la même, celle de parvenir à l'état de divin. La vieille promesse du serpent est toujours vivace et nous assistons de nos jours à une recrudescence de mouvements ésotériques, principalement alchimistes.

La quête de l'homme magicien

Dans son aveuglement et dans son désespoir, l'homme entreprend une quête quasi ininterrompue. Une recherche de bonheur parfait, une aspiration à surmonter ses limites temporelles ou spirituelles. Face aux grands défis de notre société, il est évident que l'homme cherche une voie qui lui permettrait de résoudre une fois pour toutes les problèmes de la vie. Le matérialisme, de même que la technique, ne sauraient posséder en eux-mêmes toutes les solutions miracles que l'homme serait en droit d'attendre. Les prodiges de la science, notamment dans le domaine de la génétique, impressionnent certes, mais trouveront tôt ou tard une limitation absolue. Car la matière reste toujours matière! Tandis que la «magie» est censée être atemporelle et douée de pouvoirs transcendants...
Notre société industrielle et technicienne, avec son néolibéralisme et son mondialisme économique et politique, arrive à un point de non-retour. Face à cette menace grandissante, la réaction se fait parfois violente. La vraie révolution ne se fait pourtant pas dans la rue, mais dans les salons, ou plus exactement en l'homme. La quête de l'apprenti magicien est intérieure, cachée. Elle présuppose une relation avec l'invisible, une véritable interconnexion entre le «naturel» et le «surnaturel».
Cette «interconnexion» a été réalisée par les ésotéristes du Moyen Age (alchimie, kabbale, etc.), mais aussi par la Rose-Croix au XVIIe siècle et plus tard par la théosophie, l'anthroposophie et le Nouvel Age. Mais il ne faudrait pas oublier que l'ésotérisme a aussi touché le Romantisme, du moins certains auteurs romantiques, entre autres Victor Hugo ou Gérard de Nerval. Pire, une certaine forme de romantisme a été à l'origine du nazisme.

Victor Hugo ou l'apologiste de Satan

L'oeuvre de Victor Hugo (1802-1885) est immense. Ses poèmes, ses épopées et ses narrations sont de véritables monuments littéraires. L'étendue des thèmes abordés place Hugo dans la catégorie des écrivains visionnaires. N'a-t-il pas dit lui-même qu'il était «fils de ce siècle»? Et c'est vrai! Victor Hugo n'est pas seulement devenu le chef de l'école romantique, mais aussi il a vécu intensément ce siècle tant sur le plan littéraire que politique. Un siècle de luttes révolutionnaires et de recherches métaphysiques marqueront cette époque, et aussi la vie de Victor Hugo.

Victor Hugo fut l'homme de multiples idoles. En tout premier lieu, l'Homme! Qui se confond avec le Peuple. En effet, toute la prose hugolienne tend vers l'Homme en quête de perfection divine. Pire, Hugo va plus loin et affirme sans ambages que la «Liberté est Satan comme elle est Dieu». Satan est mis sur le même pied que Dieu!

La Légende des Siècles, Les Contemplations et La Fin de Satan sont les oeuvres les plus marquées par la métaphysique ésotérique. Victor Hugo propose à l'Humanité une vaste fresque de l'humanité, du début à la fin de son histoire. Il s'agit en fait d'une gigantesque épopée dont la source n'est autre que l'ésotérisme. L'homme évolue vers la perfection et ceci par le moyen de l'action bienveillante de Dieu qui pardonne les fautes de toutes les créatures, y compris celles de Satan!

Si Hugo fut un merveilleux écrivain, au style varié et alerte, il fut aussi le poète de Satan. Le romantisme de Hugo vira peu à peu vers les hautes sphères de l'occultisme. L'homme magicien que fut Hugo s'égara dans les méandres du spiritisme et s'écarta ostensiblement des principes chrétiens.

Pour Hugo, Satan porte un nouveau nom: Liberté. La «Liberté» hugolienne n'est autre que la révolte des peuples contre toutes les tyrannies humaines. Elle est «Révolution» et elle utiliserait à cet effet la France! La «Liberté» selon Hugo est en fait un éloge de l'oeuvre de Satan, voire une communion intime avec l'Ennemi de Dieu. Ces vers tirés des Contemplations le prouvent:

«Et Jésus, se penchant sur Bélial qui pleure,
Lui dira: c'est donc Toi?

Et vers Dieu, par la main, il conduira ce frère,
Et quand ils seront près des degrés de Lumière
Par nous seuls aperçus,
Tous deux seront si beaux, que Dieu dont l'oeil flamboie
Ne pourra distinguer, père ébloui de joie,
Bélial de Jésus.»

«Tout sera dit. Le mal expirera; les larmes
Tariront; plus de fers, plus de deuils, plus d'alarmes;
L'affreux gouffre inclément
Cessera d'être sourd, et bégaiera: Qu'entends-je?
Les douleurs finiront dans toute l'ombre; un ange
Criera: Commencement!»

Ainsi, nous constatons que Victor Hugo considère Satan comme un frère et que celui-ci est associé à l'oeuvre de salut, plus exactement à la réintégration et à la réconciliation de tous les êtres créés, des hommes pécheurs, de Satan et ses démons! Satan serait donc un libérateur de l'Humanité. La Création est restaurée dans sa pureté primitive, le mal n'existera plus, les douleurs cesseront et l'Homme sera rétabli dans sa nature originelle. L'ange, autrement dit le Grand Archange, dira alors: «Commencement!»...

Nous voyons ici toute la philosophie ésotérique de Victor Hugo. Sa pensée est celle de tous les gnostiques et des rosicruciens: la négation du péché et des peines éternelles, le diable qui redeviendra bon et la réintégration des âmes par la réincarnation.
Ce qui explique que Victor Hugo s'est adonné à un moment de sa vie aux tables tournantes et au spiritisme. Et nous pouvons dire sans crainte que Hugo fut l'écrivain magicien! Mais, il ne fut pas le seul...

Gérard de Nerval ou le romantique magicien

Gérard de Nerval (1808-1855) a été en son temps un des précurseurs de la magie «réelle et irréelle». Comme tous les romantiques ou surréalistes du XIXe siècle (Lamartine, Hugo, Vigny, Musset, mais aussi Rimbaud, Verlaine, Baudelaire, Mallarmé, etc.), Nerval a pris le chemin douloureux de la quête de l'absolu. Toute son ceuvre reflète un état de fragilité morbide et qui le conduira au suicide. Le romantisme de Gérard de Nerval, comme celui de Victor Hugo, n'est pas seulement la recherche des sentiments exacerbés, mais plus encore la pratique de l'occultisme, voire du spiritisme. Au delà du monde terrestre, Nerval cherche ardemment le bonheur parfait...

Le bonheur n'aura été pour lui qu'une longue illusion qui le mènera finalement à l'autodestruction. Il était le fils d'un médecin-adjoint de la Grande Armée. Il perd sa mère à l'âge de deux ans et, dès lors, privé d'affection maternelle, la vie de Nerval sera un perpétuel cheminement vers la «femme de rêve», autrement dit la femme parfaite ou «l'éternelle figure féminine». Après avoir traduit le Second Faust de Goethe, il se met à croire à la réincarnation. C'est le commencement d'une chute vertigineuse qui l'amènera de l'occultisme à la mort.

L'existence de Nerval est marquée par une recherche ésotérique. Dès 1843, lors de son voyage au Moyen-Orient, il découvre au pied des Pyramides et des monuments antiques, une autre forme de «spiritualité», celle de la Déesse Universelle, la Vierge éternelle. Le lien entre la femme fictive et la déesse s'établit. Désormais, Nerval va s'adonner aux sciences occultes et va collaborer à des revues occultistes: Le Diable rouge, Le Diable Vert, L'Almanach fantastique.

La vie de Nerval fut une continuelle aspiration au bonheur sublime, au bonheur matérialisé par la femme mythique idéalisée par les héroïnes romantiques nommées en l'occurrence Sylvie, Aurélie ou Aurélia. En fait, derrières ces beautés imaginaires, Nerval fait allusion aux déesses de l'Antiquité. La Vénus païenne, Cybèle, l'Isis égyptienne représentent pour lui des modèles féminins parfaits, insaisissables, fantasmagoriques, mais terriblement présents en lui au travers de ses rêves et de ses crises de folie.

«Je suis le ténébreux – le veuf - l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie;
Ma seule étoile est morte – et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du tombeau, toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le pampre à la rose s'allie.

Suis-je Amour ou Phébus?... Lusignan ou Biron?
Mon front est rouge encor du baiser de la reine;
J'ai rêvé dans la grotte où nage la sirène...
Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron
Modulant tour à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.»

Le romantisme de Nerval est avant tout individualiste, mais ses idées ont fait des émules: des hommes et des femmes, mal dans leur peau et qui ont sombré dans la paranoïa, et finalement dans le suicide. Gloire et décadence de l'homme, la vie de Nerval est la preuve que la magie, la recherche des mondes invisibles, sont le chemin le plus sûr vers la déchéance et la mort.

La vie de Nerval, comme celles de la plupart des romantiques, fut une tragédie. L'aspiration à découvrir un état supérieur, fait de félicité et d'exaltation, de sublime et d'élévation, se révèle en fin de compte un désastre tant moral que spirituel. La magie n'est pas une bonne fée qui apporte la joie de vivre. Ce sont plutôt l'anéantissement des espoirs de bonheur et de paix de l'âme qui sont au rendez- vous. Désormais, la mélancolie, le doute et la désolation sont le pain quotidien de ceux qui s'adonnent à la magie.

Le Groupe de Thulé ou l'Etat magicien

L'occultisme ambiant de la deuxième moitié du XIXe siècle, la formation de groupes ésotérico-militaires et surtout l'effondrement de l'Allemagne en 1918 ont favorisé le développement d'un «Etat magicien», avec à sa tête un magicien particulièrement redoutable, Adolf Hitler

Le romantisme politique existe! L'exemple le plus frappant, et le plus méconnu, est le National-Socialisme d'Adolf Hitler (1889-1945). Les racines idéologiques du nazisme plongent en effet dans les méandres des dieux pangermaniques, du romantisme allemand et de l'ésotérisme occidental. Toute la culture allemande a été empreinte des exploits des dieux pan-germaniques et des chevaliers d'autrefois. L'héroïsme ou l'abnégation cachaient en réalité un mythe tenace de l'âme allemande: l'apparition du surhomme ou Homme Nouveau. Les antécédents historiques sont significatifs et montrent bien que la culture allemande a été sous-tendue par l'occultisme ambiant.

Ainsi, la Sainte Vehme (ou Terre Rouge), l'ancêtre spirituel du National-Socialisme, était une société secrète judiciaire fondée à la fin du Moyen Age et dont les buts étaient d'exercer une justice rapide envers les citoyens coupables de crimes. La justice du Vehme était expéditive: ou l'acquittement, ou la peine capitale! Société secrète, avec cérémonies initiatiques et dont l'occultisme est le fondement idéologique, la Sainte Vehme a été l'objet de la vénération des Romantiques allemands, mais aussi le fondement des méthodes d'extermination des S.S. durant la Seconde guerre mondiale. La justice de la Sainte Vehme et celle du Troisième Reich avaient un point commun, celui du pouvoir de l'homme sur l'homme.

L'Homme magicien va se retrouver chez Heinrich Heine (1797-1856), l'un des plus grands romantiques allemands. Juif d'origine, il se fait baptiser dans une église luthérienne et il espère se faire une place dans les cercles littéraires allemands. Cependant, et après avoir vainement cherché du travail dans son pays, il s'établit à Paris, peu après la Révolution de 1830. Là, sa poésie engagée, empreinte des thèmes des combats politiques et philosophiques, va s'exprimer totalement. Car Heine est le poète de la liberté et, au delà de la magie des mots, Heine parle de l'Homme nouveau qui sauvera l'Allemagne. En effet, dans son livre De l'Allemagne, publié en 1844, le poète n'hésite pas à écrire ces lignes «prémonitoires» qui trouveront un siècle plus tard un accomplissement tragique:

«C'est l'Homme qu'attend le peuple allemand. L'Homme qui lui rendra enfin la vie et le bonheur, le bonheur et la vie après lesquels il a si longtemps aspiré dans ses songes. Combien tardes-tu, toi que les vieillards ont annoncé avec un brûlant désir, toi que la jeunesse attend avec tant d'impatience, toi qui portes le spectre divinatoire de la liberté et la couronne impériale sans croix

La tentation de l'homme magicien, c'est l'Homme Nouveau, le surhomme de Friedrich Nietzsche (1844-1900), doué de tous les pouvoirs, occultes et politiques. L'Homme magicien est en même temps le chef de l'Etat magicien! Le spiritualisme occulte et le politique s'uniront plus tard lors de l'avènement d'Adolf Hitler à la tête de l'Allemagne.

La montée en puissance du nazisme ne peut s'expliquer que par son origine occulte, et plus précisément par l'influence du Groupe de Thulé. Ce cercle d'initiés fut à l'origine du National-Socialisme et, par là, de la prise du pouvoir par Hitler en 1933.
De nos jours, nous assistons à la résurgence de «cercles» dits de Thulé et dont l'idéologie est identique au nazisme.

Thulé est une île mythique que le navigateur grec Pythéas de Marseille découvrit en 323 av. J.-C. Située au nord de la Grande Bretagne, sous le cercle polaire. Thulé était, paraît-il, un lieu merveilleux, où poussait le blé et où les abeilles prospéraient. Le récit de Pythéas fascina tout l'Occident, à tel point que le mythe de Thulé survécut à l'oubli et fut repris bien plus tard par le romantisme et l'ésotérisme.

La genèse du Groupe de Thulé se situe peu avant le début de la Première Guerre mondiale. Un certain Rudolf von Sebottendorf (1875-1945) était membre d'une société secrète fondée en 1912, l'Ordre des Germains (Germanorder). Très rapidement, il devient le responsable pour la Bavière. Mais, très rapidement l'association prend du recul et se sépare peu à peu de l'ordre. Un nouveau groupement voit le jour le 17 avril 1918 à Berlin sous le nom de «Groupe de Thulé».

Il s'agissait d'une société de type maçonnique avec une forte tendance à l'ésotérisme empirique. L'aspect religieux, notamment apocalyptique, est présent. L'Apocalypse et le Nouvel Age sont proclamés, une société nouvelle est annoncée: la détresse des Germains prendra fin, un nouveau germanisme verra le jour...

Le message pseudo-messianique de von Sebottendorf porta ses fruit et, en novembre 1918, pas moins de 250 personnes adhérèrent à l'association. Peu de temps après, le Groupe de Thulé compta parmi ses membres des gens comme Alfred Rosenherg (1893-1946), le théoricien du National-Socialisme, Alfred Hess (1894-1987), le futur no 2 d'Hitler, Hans Frank (1900-1946), le «bourreau de la Pologne», etc.

Le romantisme politique d'Alfred Rosenberg, que partageait Rudolf Hess, fut l'une des causes de l'avènement du Troisième Reich. En effet, Rosenberg rêve d'un grand empire nordique, de race et de sang purs. A la fois religieux et romantique, Rosenberg rêve d'un Etat idéal dans lequel le Führer serait l'Homme magicien, en mesure d'apporter aux peuples allemand et nordique le bonheur et la paix. Puisant ses idées dans l'oeuvre de Houston Stewart Chamherlain (1857-1927), dans la musique de Richard Wagner (1813-1883) et dans les écrits de Joseph Arthur de Gobineau (1816-1882), Rosenberg se distinguera par son néo-paganisme et exercera sur les idéalistes du parti nazi, et sur Hitler en particulier, une profonde séduction romantico-politique, celle de la germanisation des autres peuples. Le mythe de l'Aryen, celle d'une race noble, est tenace, même de nos jours.

Le romantisme politique du Groupe de Thulé ne fut, en définitive, qu'un échec sanglant. L'Homme magicien, en l'occurrence Adolf Hitler, devait être le fondateur d'un Reich qui devait durer 1000 ans! Ce furent douze ans de règne absolu et, certainement, la plus grande tragédie de l'histoire des hommes. Le bonheur promis par Hitler et consorts ne fut que larmes et désespoir.

Ainsi donc, le romantisme et la politique peuvent cohabiter, et parfois s'unir, sous le thème du bonheur. Les romantiques aspirent à un monde harmonieux, à la disparition des inégal tés tant sociales que juridiques et à la découverte de l'Homme et de l'Univers.
Le romantisme politique n'est autre que l'application de l'idéalisme romantique. La Révolution française, celle de Robespierre, voulait le bonheur de l'homme... mais ce fut la guillotine qui fonctionna à plein régime...

La Commune déclencha un fol espoir de liberté et de justice sociale... mais ce soulèvement se termina par une répression féroce avec comme final le massacre devant le «Mur des Fédérés»... Combien d'hommes et de femmes sont-ils morts au nom de la liberté et du bonheur? Les propos de Francis A. Schaeffer résonnent alors au plus profond de notre conscience: «Notre génération est avide d'amour, de beauté, de signification. Une «poussière de mort» recouvre tout». Et, pourtant, la vie des hommes continue... sans Dieu.

Du Romantisme au Nouvel Age

Les exemples cités démontrent que Victor Hugo et Gérard de Nerval, comme la plupart des Romantiques, ainsi que les maîtres du Troisième Reich, Alfred Rosenberg en particulier, ont été des précurseurs de la future Grande Babylone.

Car une nouvelle humanité s'annonce peu à peu, celle de l'ère post-chrétienne. Le Dieu créateur est évacué au profit de la Nature, sorte de dieu impersonnel; le Dieu sauveur est remplacé par l'Homme qui pense, en vertu de son évolution psychique, se sauver par lui-même; le Dieu seigneur est substitué à l'homme qui se prend pour dieu. Notre civilisation occidentalisée connaît sans doute sur le plan spirituel sa crise la plus grave depuis la Réforme. Le «religieux» occulte et ésotérique est en train de préparer la venue de celui qui sera l'Homme magicien par excellence, l'Antichrist. Face à ce raz-de-marée «religieux», face aux persécutions et face au relativisme ecclésiologique, le chrétien doit être averti des dangers futurs qui le menacent.

Ce terrain nouveau se met déjà en place. C'est la pensée initiatique ou occulte dénoncée par George Orwell (1903-1950), prônée par Fritjof Capra, Theodore Roszak, Marilyn Ferguson, etc. qui prédomine de nos jours dans les milieux intellectuels et scientifiques.

L'ésotérisme ambiant de la Rose-Croix et du Martinisme ont été l'un fondements du romantisme et, plus tard, de la Théosophie et du Nouvel Age. Ces «spiritualités» sont maintenant considérées comme des mystiques honorables. Et pourtant, toutes ces philosophies métaphysiques et parapsychologiques sous-tendent l'avènement de l'Homme nouveau, autrement dit l'Homme magicien.

Le romantisme est toujours vivant de nos jours et a véritablement pris son essor sous les traits du Nouvel Age. Ce que les romantiques ont entrevu ou pressenti, les adeptes du Nouvel Age le mettent en application à une échelle planétaire. Le Nouvel Age touche aussi à tous les niveaux et à tous les domaines de la vie ou de la science, l'écologie et la médecine en particulier. L'ésotérisme ambiant, celui de l'Energie, commence a être pris au sérieux par les scientifiques. Par ailleurs, la génétique, et notamment la technique du clonage, est en train de nous préparer un Homme nouveau, qui sera peut être l'Homme magicien à venir...

Tout comme pour les romantiques autrefois, le dieu de ce siècle n'est autre que la Nature. Et derrière cette Nature se cache l'Ennemi de nos âmes, Satan en personne. Le plus grand malheur de l'homme, c'est de se tourner vers des créatures, en l'occurrence des démons, plutôt que vers le Créateur. C'est l'homme qui cherche à dominer par lui-même et sur lui-même. C'est l'homme à la recherche de puissance, de bonheur, d'inspiration, et pour lui tous les moyens sont bons. Ce sera la quête de l'infini, de l'invisible ou de l'Energie. Au delà de l'angoisse et des affres de l'inquiétude, des échecs et des espoirs déçus, le magicien persévère dans le chemin qui mène à la mort éternelle...

Face aux désastres humains de notre société, il est bon de savoir que Dieu est le maître de l'Univers, de la Terre et de l'Humanité. L'homme a été créé, non pas pour déifier la Nature, mais pour adorer son Créateur. Car, il ne faut pas oublier que le péché, faute entièrement imputable à l'homme, a brisé notre relation avec Dieu. La Bible dit: «Le salaire du péché, c'est la mort» (Rom 6.23a).

Dieu aurait pu laisser l'homme à son désenchantement. Mais, dans sa grâce infinie, Dieu «a envoyé son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle» (Jean 3.16). Ainsi, la solitude de l'homme est brisée par la venue de Christ, ceci en vertu de sa vie, de sa mort et de sa résurrection. En lui, nous avons une vie nouvelle. Notre destin est dans les mains de notre Seigneur.

Pas de pouvoirs magiques, mais une Présence! «En effet, écrit F.-A. Schaeffer, notre vocation ne consiste pas seulement à glorifier Dieu, mais aussi à jouir de sa présence, à être en communion personnelle avec lui, remplis par lui et accomplis en lui».

Le véritable Homme nouveau n'est pas le Magicien doté de pouvoirs surnaturels, mais le Christ, l'envoyé de Dieu, l'homme parfait qui, pour nous sauver de la mort spirituelle, a été fait péché pour nous (2 Cor 5.21). En Christ, nous sommes devenus des créatures nouvelles (2 Cor 5.17). Désormais, le chrétien qui veut glorifier son Sauveur, Jésus-Christ, ne recherchera plus le pouvoir, mais l'humilité. Car la Bible dit: «Avant la ruine, le coeur de l'homme s'élève; mais l'humilité précède la gloire» (Prov 18.12).

Finalement, au lieu de nous laisser impressionner par les manifestations de fausse puissance dont notre époque est friande, tournons nos regards vers le «grand Oublié de notre siècle», Jésus-Christ, la seule espérance pour un monde qui va à la dérive.

Paul Ranc

Texte tiré de la revue PROMESSES.

 


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