Le christianisme, une béquille ?
Une lettre de Christian Bibollet
Cher ami,
J'ai lu ta dernière lettre avec très grand intérêt. Tu m'y apprends que depuis notre dernière conversation sur la foi, tu as poursuivi ta réflexion et as tiré tes conclusions. Pour te résumer, tu rejettes ce qu'offre le christianisme parce que tu n'y vois pas davantage qu'une béquille psychologique. En te répondant aujourd'hui, je voudrais te montrer pourquoi une telle analyse ne fait pas justice à la foi chrétienne.
Premièrement,
la foi chrétienne, dans son contenu, n'est pas d'abord de nature psychologique. Je m'explique. Le message chrétien peut se résumer à un ensemble de vérités qui ont avant tout un caractère spirituel. Pour illustrer ce fait, laisse-moi te citer un passage du Nouveau Testament. Jean 3:16 déclare: “Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu'il ait la vie éternelle.” Le verbe périr nous fournit une information majeure sur la condition de l'homme. Dans le contexte de ce passage, périr suggère une séparation définitive d'avec Dieu. Chaque personne qui ne croit pas en Jésus-Christ périra ou, en d'autres termes, n'aura pas la vie éternelle mais sera éternellement séparée de Dieu. Afin de bien saisir pourquoi l'homme se trouve en danger de périr, il faut nous reporter au premier livre de la Bible.
Lorsque Adam se trouvait encore dans le jardin d'Eden, Dieu lui donna le commandement de ne pas manger de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où il en mangerait, il mourrait (cf. Ge 2:17). La suite du passage révèle qu'en dépit de cet avertissement, Adam revendiqua la liberté d'agir contre le commandement de Dieu, provoquant ainsi une rupture dramatique de sa relation avec Dieu.
Deuxièmement,
la foi chrétienne confronte l'homme à un ensemble de faits qui demandent une prise de conscience spirituelle. Il ne lui suffit pas de réaliser qu'il est plein d'imperfections et de faiblesses. Il doit surtout comprendre que sa condition présente résulte d'un état de révolte contre Dieu. Les problèmes avec lesquels il se débat en lui-même et tous ceux qui le séparent de ses semblables trouvent leur origine dans cette ancienne rébellion de l'homme contre Dieu. Aussi longtemps que cette vérité reste ignorée, le message chrétien demeure incompréhensible ou inacceptable.
Troisièmement,
la foi chrétienne est caractérisée par un renouvellement de la vie de l'esprit. Cette vérité fait pendant aux deux précédentes. Si l'homme est effectivement spirituellement mort, il ne lui faut rien moins qu'une régénération spirituelle. Si le christianisme n'offrait qu'un rafistolage psychologique, comme beaucoup le pensent volontiers, tu aurais incontestablement raison de le rejeter. Mais considère un instant ce qu'il est vraiment:
- La Bible déclare que l'homme a péché et vit sous la malédiction de la mort.
- Cependant, la Bible affirme tout aussi catégoriquement que Dieu n'est pas resté passif ou désarmé devant la chute d'Adam.
- Le Fils, qui demeurait dans la présence de Dieu et partageait sa gloire, a accepté de s'en défaire, pour apparaître parmi les hommes comme leur semblable et être condamné à leur place.
Si tu lis la lettre de Paul aux Philippiens, chapitre 2, tu trouveras la description suivante: “Lui (Jésus-Christ) dont la condition était celle de Dieu, il n'a pas estimé comme une proie à arracher d'être égal avec Dieu, mais il s'est dépouillé lui-même [...] en devenant obéissant jusqu'à la mort, la mort sur la croix” (v. 6-8). En d'autres termes, Paul nous dit que Jésus-Christ était un avec Dieu et qu'en dépit de sa nature divine, il n'a pas refusé de s'identifier totalement à la condition humaine au point d'accepter d'être condamné pour les péchés de l'homme.
Lorsqu'on comprend cela, deux vérités s'éclairent. L'homme n'est plus réduit au sort d'un condamné, mais il peut devenir, par la foi en Christ, une nouvelle créature. Permets-moi encore de te citer deux passages qui soutiennent respectivement chacune de ces vérités. “Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Christ-Jésus” (Ro 8:1) et: “Si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées; voici: (toutes choses) sont devenues nouvelles” (2 Co 5:17).
En résumé, nous pouvons dire que la foi personnelle en Christ permet une re-création du croyant en restaurant sa relation perdue avec Dieu. Cela implique beaucoup plus qu'une réforme morale ou une transformation psychologique qui, soit dit en passant, résulte directement de l'état de nouvelle créature du croyant. Lorsqu'un homme comprend et croit que Christ le délivre de la condamnation prononcée par Dieu, il est spirituellement recréé et devient capable de vivre la vie chrétienne. Pratiquement, devenir chrétien signifie croire en Jésus-Christ pour le pardon de nos péchés et expérimenter la re-création de tout notre être pour une existence dont la signification et la direction sont fondées en Dieu lui-même.
Quatrièmement,
la foi chrétienne appelle tout croyant à un engagement personnel à servir Dieu. Même une lecture rapide du Nouveau Testament te permettra de constater comment les premiers croyants ont compris leurs responsabilités envers Dieu. Tu noteras que les hommes et les femmes qui ont décidé honnêtement de suivre l'enseignement de Christ n'avaient pas pour motif de se sentir mieux dans leur peau. En fait, devenir disciple de Christ et se soumettre à l'enseignement des apôtres n'était pas exactement une décision facile et populaire... Dans bien des cas, les croyants étaient persécutés alors même que leur comportement ne justifiait pas un tel traitement. Ils étaient haïs parce qu'ils osaient afficher leur foi en dépit des pressions religieuses et politiques qui auraient pu les en dissuader. Une telle attitude à l'égard de la vie n'est vraiment pas caractéristique de gens qui cherchent leurs aises. Ils avaient autre chose à l'esprit que leur avantage, et c'est pourquoi leur détermination à vivre pour Christ a été aussi exemplaire. Paul est sans doute le meilleur exemple de ce qui précède lorsqu'il dit: “Je ne fais aucun cas de ma vie, comme si elle m'était précieuse, pourvu que j'accomplisse (avec joie) ma course, et le ministère que j'ai reçu du Seigneur Jésus: rendre témoignage à la bonne nouvelle de la grâce de Dieu” (Ac 20:24).
Aucune religion ne lance à l'intelligence et au coeur de l'homme un défi aussi élevé que le christianisme. Aucune ne parle aussi radicalement de sa totale perdition, aucune ne lui procure une aussi totale assurance d'être sauvé et aucune ne lui permet de vivre aussi réellement le quotidien dans la présence de Dieu.
Après ce que nous venons de voir, penses-tu encore que le christianisme n'est qu'une philosophie peu crédible à laquelle recourent les faibles, une béquille, en un mot?
Il me semble, au contraire, qu'un examen objectif du monde nous conduit à une conclusion bien différente. Plus le christianisme est rejeté, plus les gens ont recours à une grande variété de substituts à leur satisfaction spirituelle réelle. Que penses-tu, par exemple, de la "béquille" de l'alcool, de celle de la drogue ou du sexe "sauvage"? Ces expédients sont quotidiennement employés par beaucoup de gens pour anesthésier la souffrance d'une vie sans signification. Ou que penses-tu de la béquille offerte par certains penseurs humanistes qui, tout en rejetant le christianisme, reconnaissent que l'homme "fonctionne" mieux s'il a un système religieux auquel se rattacher? Peut-être que la plus séduisante et la plus récente de ces béquilles nous est offerte par le mouvement du New Age. Là, il ne s'agit rien moins que de croire que nous sommes une parcelle du divin, cela en totale contradiction avec le spectacle quotidien de cruauté et d'injustice que donne l'Humanité.
En terminant, je voudrais t'encourager vivement à poursuivre ta réflexion sur les questions que nous avons discutées ensemble, tout en tenant compte des observations que j'ai eu plaisir à partager dans cette lettre. J'espère que tu y trouveras matière à solide réflexion.
En attendant de te lire bientôt, je t'assure, cher ami, de ma sincère amitié.
Christian