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Dieu - Illusion ou réalité ?

par Francis Schaeffer

Appendice B - La pratique de la vérité

Au début de l'Appendice A, nous avons énoncé un premier principe: "Maintenir clairement et intégralement les doctrines du christianisme historique". Le principal problème des "évangéliques", en cette seconde moitié du XXe siècle, est celui de la mise en pratique de ce principe, en raison tout particulièrement de la mentalité spirituelle et intellectuelle dominante aujourd'hui. En comparaison, toute question de méthode et de programme est secondaire.

Si nous cessons d'insister avec clarté et justesse sur la vérité, au sens antithétique du terme, deux conséquences en découlent: primo, la vérité du christianisme est affaiblie pour la génération suivante; secundo, nous ne pourrons plus communiquer qu'avec la partie de moins en moins nombreuse de la société, dont la pensée s'exprime encore en tenant compte du vieux concept de vérité. Nous ne minimisons pas l'importance de l'action du Saint-Esprit; mais nous n'oublions pas que notre responsabilité est de communiquer l'Evangile de manière à ce que ceux qui l'entendent le comprennent. Si nous ne nous exprimons pas clairement en nous fondant sur l'antithèse, beaucoup répondront selon leur propre interprétation de l'Evangile, avec leur pensée relativiste qui inclut le concept du sentiment de culpabilité psychologique, et non celui du véritable sentiment de culpabilité morale que l'on éprouve en présence du Dieu vivant et saint. S'ils répondent ainsi, c'est qu'ils n'ont pas compris l'Evangile; ils sont encore perdus et nous avons failli à notre mission qui est de prêcher et de présenter l'Evangile à notre génération.

L'unité du christianisme "évangélique" doit être mise en évidence en insistant sur la vérité. C'est toujours important, mais cela l'est doublement lorsque nous sommes entourés de tant de gens qui estiment que le concept de vérité considérée comme une antithèse est absolument impossible.

Dans ce cadre, le problème de la communication est grave; seules, des déclarations négatives exposant avec clarté ce que nous refusons peuvent le résoudre et l'homme du XXe siècle comprendra alors ce que nous affirmons. De plus, au temps de la synthèse, personne ne prendra au sérieux des déclarations sur la vérité, si nos actes ne témoignent pas concrètement de la cohérence du système de l'antithèse. En effet, en un temps où tout est relatif, comment s'attendre à ce que la doctrine "évangélique" ait un sens pour la culture environnante, ou même pour les enfants de l'Eglise, puisque l'enseignement et l'évangélisation qui y correspondent ne pourront être perçus que dans le système de pensée de la synthèse propre au XXe siècle? Autrement dit, si l'importance de la vérité n'est pas clairement comprise, et si cette vérité n'est pas, même si cela coûte réellement, mise en pratique, notre témoignage et notre évangélisation n'auront aucun sens pour nos contemporains, ni d'enracinement historique.

Il me semble que certains "évangéliques" sont en train de détruire tous les efforts accomplis pour remettre en honneur le système de l'antithèse.

Le manque de sérieux, dont l'Eglise se départit en ce qui concerne la vérité, s'observe maintenant dans une coopération de plus en plus large; ce qui revient souvent, en pratique, à nier l'importance de la vérité doctrinale elle-même. Beaucoup d'"évangéliques" troublés, à juste titre, par la doctrine de l'Ecriture préconisée par la théologie nouvelle et par l'universalisme, et soucieux de s'y opposer, ne remontent pratiquement jamais assez loin pour tracer une frontière nette entre la vérité et l'erreur, qui soit valable aussi pour la génération suivante. Celle-ci ayant inévitablement tendance à progresser sous la direction déjà indiquée – à savoir le système de la synthèse – se rapprochera de plus en plus de la théologie nouvelle. Pour éviter cela, nous devons donc veiller à bien comprendre ce que signifie en pratique, dans la vie de l'Eglise et dans l'évangélisation, le système de l'antithèse.

Malgré (ou peut-être à cause de) notre attachement à l'évangélisation et à la coopération entre chrétiens, il peut arriver que le seul moyen de faire comprendre clairement le sérieux de ce qui est en jeu dans un service, ou dans une activité, où l'Evangile va être prêché, sera de ne pas accepter d'y participer officiellement, si des personnes dont la doctrine est notoirement opposée doivent y être invités également. A une époque où le relatif est roi, pratiquer ce que l'on croit vrai, même si cela coûte, est la seule manière de faire prendre au sérieux nos déclarations sur la vérité. La coopération et l'unité qui n'entraînent la pureté ni de la vie, ni de la doctrine sont aussi coupables et infirmes qu'une orthodoxie sans compassion et dépourvue du souci d'atteindre ceux qui sont perdus.

Il faut éviter le danger opposé. Certains de ceux qui ont lutté pour la vérité l'ont minée, non seulement parce qu'ils ne connaissent plus ni beauté, ni amour, mais aussi, en pratique, parce qu'ils ne savent plus parler avec vérité de la condition humaine.

Trop souvent, la seule antithèse que nous ayons manifestée aux yeux du monde et à ceux de nos propres enfants a été de parler ou de sainteté ou d'amour, au lieu de les considérer et de les pratiquer ensemble comme vérité opposée à ce qui est faux dans la théologie, dans l'Eglise et dans la culture environnante.


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