Le Jubilé
C’est depuis 1997 que l’Etat italien et la ville de Rome ont affecté des milliers de milliards de lires pour se préparer à recevoir une masse énorme de pèlerins qui visiteront Rome pendant l’année 2000. On prévoit que 25 millions de personnes répondront à l’invitation du pape de se rendre à Rome pour le grand Jubilé de l’an 2000.
Mais qu’est-ce le Jubilé? Avec cette commémoration, l’Eglise catholique prétend mettre en pratique le Jubilé biblique décrit dans Lévitique 25. Dans cette étude, nous nous proposons d’examiner le sens du Jubilé biblique, pour ensuite le confronter au Jubilé catholique.
1. LE JUBILÉ DU POINT DE VUE DE LA LOI (Lev 25)
L'origine
Le nom Jubilé dérive de l’hébreu Yobel, qui indique une corne de chèvre utilisée comme trompette. Tous les cinquante ans, le son de cette trompette, proclamait le début d’une année spéciale pour Israël, l’année du Jubilé. Selon Lévitique 25 cette loi civile contenait deux prescriptions principales:
- Le rachat de la propriété
- La libération des esclaves
Il fonctionnait comme une «remise à niveau» sociale.
La structure sociale d’Israël se fondait sur l’appartenance à une tribu, un clan et une famille. La source de richesse de la famille provenait de la propriété qui lui avait été assignée.
Les terres et les maisons qui avaient été vendues pour différents motifs, retournaient au propriétaire originaire au Jubilé. En outre, ceux qui étaient devenus esclaves parce qu’obligés de se vendre pour insolvabilité, devaient être libérés.
Cette loi fonctionnait comme une remise à niveau sociale. Elle empêchait l’appauvrissement des plus faibles et la concentration des richesses dans les mains de quelques riches. Malheureusement, un groupe social laissé à lui-même produit disparités et injustices. C’est pour cette raison que le Jubilé devait être répété tous les 50 ans.
Il rappelait l’autorité de Dieu
Cette pratique rappelait aussi l’autorité de Dieu sur la Terre et sur les personnes, car
- La Terre appartient au Seigneur et les hommes sont comme « étrangers et hôtes » (v. 23) sur la terre qu’ils cultivent et qu’ils administrent.
- Les personnes appartiennent au Seigneur. Tous ceux qui sont devenus esclaves pourront retrouver la liberté, car Dieu dit: «ce sont mes serviteurs» (v. 42, 55).
Personne ne devra rester le serviteur de personne d’autre car tous sont serviteurs de Dieu. Dieu a le droit d’intervenir dans les affaires des hommes pour faire respecter l’ordre et corriger les distorsions. Dieu est le Seigneur, à lui nous devons l’existence et à lui va l’honneur.
2. LE JUBILÉ DU POINT DE VUE DES PROPHÈTES (Esaïe 61)
Malheureusement, la loi sur le Jubilé s’est démontrée insuffisante pour résoudre le problème des injustices sociales et de l’exploitation des faibles. Il semble même que cette législation tellement révolutionnaire n’ait jamais été observée par Israël.
Malgré tout, dans le coeur de chaque hébreu, est resté le profond désire que la justice sociale et la liberté soient rétablies. Les prophètes ont continuellement exhorté le peuple à reconnaître que Dieu est le Seigneur de la terre et des hommes, comme le prescrivait le Jubilé.
L'Esprit du Seigneur, l’Éternel, est sur moi,
Car l’Éternel m'a oint pour porter de bonnes nouvelles aux malheureux;
Il m'a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé,
Pour proclamer aux captifs la liberté,
Et aux prisonniers la délivrance;
Pour publier une année de grâce de l’Éternel,
Et un jour de vengeance de notre Dieu;
Pour consoler tous les affligés;
(Ésaïe 61:1,2)
Dieu accomplira les prescriptions du Jubilé
Ésaïe (61:1-3), prophétise que ce que prescrivait le Jubilé sera accompli par une intervention de Dieu. Elle ne se répétera pas tous les 50 ans comme le Jubilé, car ce sera une intervention décisive et définitive, appelée: «L’année de grâce de l’Éternel» (v. 2). Pendant l’année de grâce, ce ne sera pas la loi, mais Dieu lui-même qui restituera à ceux qui sont sous le joug de l’indigence, leur dignité personnelle et sociale.
3. LE JUBILÉ DU POINT DE VUE DES ÉVANGILES (Luc 4:16-30)
Dans le NT il manque une référence explicite au Jubilé de Lévitique 25. Toutefois, nous y trouvons une citation textuelle de la prophétie messianique de Ésaïe dans Luc (4:16-30). Dans la synagogue de Nazareth, Jésus lit Ésaïe 61 et l’attribue à sa personne et à son oeuvre. Le texte lu par Jésus indique qu’il a été envoyé pour évangéliser les pauvres, les bénéficiaires du Jubilé, et remettre en liberté les opprimés, une autre disposition fondamentale du Jubilé. C’est en lui que s’accomplit cette prophétie. Jésus annonçait, en outre, que les destinataires de la grâce de Dieu ne seront pas uniquement les hébreux, mais l’Humanité entière. Les disciples recevront la tâche d’annoncer l’Evangile à tous les peuples (Mt 28 : 19).
Le Jubilé comme illustration de l’oeuvre de Christ
À travers le Jubilé biblique, nous comprenons mieux l’oeuvre de Jésus.
En Jésus, on reçoit les dispositions essentielles qui étaient celles du Jubilé.
- Le rachat des propriétés cédées est garantit par Jésus-Christ qui rend même participant de ces incalculables richesses ceux qui croient en lui (Eph 1:7,18; 3:8,16). Ils deviennent héritiers de son règne glorieux (Jac 2:5).
- La libération des esclaves au Jubilé est opérée par Christ qui libère les croyants de l’esclavage du péché (Gal 5:1) et libérera aussi la Création des conséquences du péché (Ro 8:21)
L’année du Jubilé prescrite par Lévitique 25 ou l’année de grâce annoncée par Ésaïe (61:2), s’est accomplie «aujourd’hui» avec la venue du Messie. Christ proclame la venue de l’année de grâce du Seigneur (Lc 4:19), Christ est la réalisation, l’accomplissement, l’exécution du Jubilé.
Les chrétiens vivent donc dans l’année du Jubilé, et aujourd’hui le Seigneur ne nous demande pas d’observer une institution qui n’était que l’ombre de la réalité que nous vivons.
4. LE JUBILÉ DU POINT DE VUE DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE
Un regard historique
Le Jubilé catholique a été proclamé pour la première fois par le pape Boniface VIII en 1300. Environ 200 000 pèlerins, un nombre énorme pour l’époque, affrontèrent le voyage jusqu’à Rome. Ils étaient particulièrement attirés par la promesse des indulgences, la pleine rémission de la peine temporelle pour les péchés. Pour obtenir ces bénéfices ils devaient visiter les basiliques de St. Pierre et St. Paul, se confesser, réciter quelques prières et aussi faire des donations à l’Eglise romaine.
Plus tard, les plus aisés pourront aussi acheter les indulgences, au lieu de faire des pénitences, et les nobles se feront substituer par leurs serfs dans les actes de pénitences!
La vente des indulgences sera un des facteurs déterminants qui portera Martin Luther à déclencher la Réforme protestante du XVI siècle.
Boniface VIII avait établi que le Jubilé devait être observé tous les 100 ans, mais il sera bientôt réduit à 50 ans, puis à 33 et finalement à 25 ans pour permettre à chaque génération d’obtenir les indulgences.
La question des indulgences
D’après l’Eglise romaine, les indulgences sont les mérites que les saints ont accumulés pendant le temps et forment "le trésor de l’église". Le pape, et lui seul, peut puiser dans ce trésor et accorder les mérites, le pardon des péchés, aux pénitents.
L’Eglise romaine enseigne que le péché comporte deux punitions:
- La punition éternelle. Elle détermine le destin éternel et peut être réglée seulement par les sacrements.
- La punition temporelle. Bien que libéré de la «peine éternelle du péché», la purification est nécessaire, aussi bien dans cette vie que dans l’état appelé Purgatoire (Catéchisme catholique, art. 1472).
Les indulgences promettent donc de libérer quiconque le désire, de la peine temporelle et du purgatoire.
Mais la Bible ne parle ni de peines temporelles, ni de purgatoire. L’idée qui est à la base du Jubilé catholique est donc totalement fausse et fourvoyante.
Jésus a dit: «Qui écoute ma parole, et qui croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne vient point en jugement, mais il est passé de la mort à la vie» (Jn 5:24).
Voilà l’offre et la garantie de la rémission complète de tous les péchés de chaque homme qui croit. C’est pourquoi les pèlerins, les sanctuaires, les basiliques et les portes saintes, les rites et les sacrifices pour obtenir le pardon des péchés, sont inutiles.
Ils sont même une offense à la grâce de Dieu et à l’oeuvre parfaite du salut accompli par Jésus-Christ.
Le grand Jubilé de l’an 2000
Le but du Jubilé est resté inchangé dans les siècles. Dans la bulle d’introduction du grand Jubilé de l’an 2000 du 29 novembre 1998 «Incarnationis mysterium», Jean Paul II confirme la promesse d’indulgence, la pleine rémission de la peine temporelle pour les péchés. Les pèlerins qui affronteront le voyage à Rome dans l’an 2000 (on en prévoit plus de 25 millions) ou vers d’autres «lieux saints» indiqués dans la bulle papale, le font dans l’espoir de recevoir, par l’Eglise catholique, le pardon des péchés.
Le Nouveau Testament accentue le pardon complet des péchés par le moyen de la seule foi en Jésus-Christ, foi qui s’obtient à travers la prédication de l’évangile biblique.
Dans le Nouveau Testament, l'Eglise n’est jamais la dispensatrice de la grâce ou du pardon des péchés (Ro 10:12,13; Act. 4:12; 10:43, 44; 1 Jean 1:9; 22).
CONCLUSION
Qui a-t-il de commun entre le Jubilé hébraïque et le Jubilé catholique?
Quel rapport existe-t-il entre le Jubilé catholique et celui de l’Ancien Testament ? Absolument aucun! Il n’existe aucun rapport ni spirituel, ni chronologique, ni logique, ni religieux entre ces deux Jubilés.
- Le jubilé hébraïque s’occupe de restituer les terres au propriétaire originaire et libérer les esclaves.
- Le jubilé catholique regarde le pardon des péchés et la concession des indulgences.
On peut donc affirmer qu’à part le nom, ils n’ont absolument rien en commun.
La proposition du pape Boniface VIII a fonctionné en 1300, quand les gens analphabètes et peu instruits n’avaient pas le droit de posséder la Sainte Bible et étaient maintenus dans l’ignorance.
On ne peut toutefois comprendre, comment les gens de l’an 2000, qui savent lire et écrire et qui peuvent lire la Bible pour leur propre compte, soient encore attirés par ces promesses!
Les péchés peuvent être pardonnés
Les scribes hébreux demandaient justement: «Qui peut pardonner les péchés, si ce n’est Dieu seul?» (Mc 2:7). Jésus leur a fait comprendre qu’ils avaient raison, même s’ils n’avaient pas reconnu que Jésus était Dieu incarné et qu’il agissait et pardonnait les péchés avec la puissance de Dieu.
D’après la Bible, il n’existe aucun homme, Eglise ou prêtre qui puisse pardonner les péchés. «Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé».
C’est la promesse annoncée par Dieu au moyen du prophète Joël (2:32) et reprise par Pierre (Act. 2:21) et par Paul (Ro 10:13).
Cette promesse est encore valable aujourd’hui, comme elle l’était au temps des apôtres.
Jésus est notre Jubilé, chaque moment, chaque jour, chaque année. Il n’y a plus besoin d’attendre une année particulière pour obtenir le pardon des péchés. Il n’y a plus besoin de faire un pèlerinage dans un lieu spécial pour obtenir la grâce, ni de monter les escaliers saints pour être absout de ses propres fautes.
«Si donc le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres» (Jn. 8:36).
Jean-Paul Röthlisberger