Servir le Seigneur en l'attendant
Texte tiré de la revue Promesses
Dans l'Ecriture, la notion de «service» est dominante, et cela contraste avec l'idée de l'homme, loin de Dieu et autonome, qui veut dominer plutôt que servir. Dieu a créé l'homme dans le but que celui-ci le glorifie en Le servant de tout son cœur.
L'Ancien Testament emploie principalement deux familles de mots, celle d'abad (servir, être soumis), avec abodah (service) et ebed (esclave, serviteur), et celle de sharath (servir, servir librement).
Le Nouveau Testament utilise principalement la famille de diakonein (servir), avec diakonia (service, ministère) et diakonos (serviteur), puis celle de douleuô (servir comme esclave) avec doulos (esclave, serviteur), celle de latreuô (servir, adorer, rendre un culte) avec latreia (service, culte), et celle de leiturguéô (servir) avec leitourgia (service, ministère).
La première mention du service dans la Bible se trouve dans Gen 2.5: Il n'y avait point d'homme pour «cultiver» (travailler) le sol. Dieu avait confié à l'homme la gestion de la terre. Il devait la dominer, mais en la «travaillant», en la «cultivant». Non pas qu'il «serve» la terre, mais son Créateur. Ce travail, ce «ministère», il devait l'accomplir librement et dans la soumission à Dieu, en Le glorifiant ainsi (1 Cor 10.31). Le concept du «service» dans la Bible est donc très important. On ne sert pas Dieu à «mi-temps» ou à «plein-temps», mais en permanence et de tout son cœur.
L'événement historique de la Chute dans le jardin d'Eden a totalement changé ces données, et l'homme, devenu pécheur dès lors, est incapable de servir Dieu correctement, parce qu'il se veut autonome, étant aveuglé dans ses pensées (2 Cor 4. 3-4). Egocentrique, il ne sert que lui-même en dominant son prochain. Ce faisant, il opprime et écrase le plus faible. La notion de service est quasiment inexistante de nos jours, car en travaillant, l'homme veut d'abord se réaliser lui-même, quels que soient les moyens qu'il emploie. Dans la mesure où l'homme s'est éloigné de Dieu en refusant de le servir, il est devenu esclave ou serviteur du péché qui le domine. Tout en se croyant dominateur, il est, en fait, dominé par le péché et par Satan, prince de ce monde. Sa prétendue liberté aujourd'hui dans le monde occidental n'est qu'un «service» cruel, un esclavage terrible sous la domination du péché et de Satan.
Le service, c'est le grand thème de toute l'histoire de la Rédemption. Dieu s'est choisi des hommes pour en faire un peuple, afin qu'ils soient ses serviteurs. Tous les patriarches l'avaient fidèlement servi. En Ex 7.16, l'objectif de la délivrance du peuple d'Israël opprimé par Pharaon et les Egyptiens était qu'il le (L'Eternel) serve dans le désert. Ainsi, le long périple de ce peuple dans le désert avait comme but de lui apprendre à se soumettre à Dieu et à observer ses commandements en le servant fidèlement. Plus loin, Israël est appelé Jacob, mon serviteur (Es 41.8-9; 44.1-2; 45.4; 48.20). A travers son service, il devait glorifier Dieu. C'était un long chemin de formation et de souffrance pour le peuple d'Israël, et il ne sera achevé qu'au retour de Christ, le Messie. Une promesse fabuleuse attend celui qui craint le nom de l'Eternel, ce sera la levée du soleil de justice qui portera la guérison sous ses ailes (Mal 3.16-21). Le serviteur fidèle, celui qui craint l'Eternel, marche en conséquence dans la soumission au Seigneur et dans l'attente de son retour.
Les Evangiles nous présentent Jésus-Christ comme le serviteur par excellence. Le fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup (Mat 20.28). Toujours soumis au Père, Jésus a parfaitement accompli sa tâche de serviteur fidèle. Il a pleinement glorifié Dieu sur la terre, s'étant dépouillé lui-même en prenant la condition d'esclave, en devenant semblable aux hommes après s'être trouvé dans la situation d'un homme, il s'est humilié lui même en devenant obéissant jusqu'à la mort sur la Croix (Phil 2.6-11). Et c'est encore lui qui, à travers son service de souverain sacrificateur dans les jours de sa chair, offrit à grands cris et avec larmes, des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et ayant été exaucé à cause de sa piété, a appris, bien qu'il fût le Fils, l'obéissance par ce qu'il a souffert. Après avoir été élevé, il est devenu pour ceux qui lui obéissent l'auteur d'un salut éternel. (Héb 5.7-10). Quelle beauté de pouvoir méditer sur ce modèle de serviteur unique qui nous a délivrés de l'esclavage du pharaon cruel de ce monde, Satan ! Oui, il est devenu notre souverain sacrificateur miséricordieux et fidèle dans le service de Dieu pour faire l'expiation des péchés du peuple (Héb 2.17).
Par la Nouvelle Alliance, Dieu a formé un nouveau peuple, l'Eglise qui, par analogie à Israël, est devenu son serviteur. Le ministère de l'Eglise est d'être le sel de la terre et la lumière du monde (Mat 5.13-16). Tout chrétien authentique – celui qui est régénéré par le Saint-Esprit – est serviteur de Christ (Jean 12.26) et serviteur de tous (Mt 20.26). L'objectif du chrétien est de faire tout pour la gloire de Dieu (1 Cor 10.31). Ce ministère de l'Eglise se manifestait concrètement par l'attitude et les actes dictés par la saine doctrine biblique.
Nous avons un magnifique témoignage écrit par Aristide, rhéteur grec qui s'adressait à l'empereur Hadrien quant à la vie des chrétiens au deuxième siècle: «Ils s'aiment les uns les autres; ils ne faillissent jamais d'aider les autres; ils délivrent les orphelins de ceux qui voudraient les frapper. S'ils donnent quelque chose, ils le donnent librement à celui qui n'a rien. S'ils voient un étranger, ils le prennent dans leur foyer et sont heureux comme s'il était un frère réel. Ils ne se considèrent pas eux-mêmes comme frères dans le sens usuel, mais comme frères par l'Esprit en Dieu».
Comprenons donc que l'engagement total de chaque membre du corps de Christ dans le service de Dieu est un facteur primaire de la vie de l'Eglise. Le Seigneur nous invite à le servir d'un cœur non partagé: Si quelqu'un me sert qu'il me suive. Le Père honorera notre service (Jean 12.26). Dans la mesure où chacun s'engage pleinement dans le ministère que le Seigneur lui a départi dans l'Eglise, celle-ci est édifiée, revigorée et croît qualitativement et en nombre (Eph 4.9-16; 1 Cor 12; Rom 12; 1 Pi 4; Act 2.46-47). Il est dans le plan de Dieu que chacun mette son don au service de l'Eglise: Puisque chacun a reçu un don, mettez-le au service des autres en bons intendants de la grâce si diverse de Dieu (1 Pi 4.10).
Dieu désire que le corps de Christ fonctionne harmonieusement dans la pluralité (Rom 12.4-5), dans la diversité (1 Cor 12.4-6), dans la complémentarité (1 Cor 12.12-13), dans l'interdépendance (1 Cor 12.26) et dans l'unité des divers services sous sa divine souveraineté (1 Cor 12.28). C'est une exhortation solennelle à ne pas rester oisif, mais à mettre son don au service du Seigneur. Nous aurons à rendre compte si nous avons négligé d'honorer le Seigneur par le ou les dons qu'il nous a confiés. Il ne nous demande jamais l'impossible. Au contraire, si quelqu'un sert, que ce soit par la force que Dieu lui donne (1 Pi 4.11).Va avec la force que tu as, disait l'Eternel à Gédéon (Jug 6.14).
Le problème de nos jours est que dans beaucoup d'églises le pasteur et les responsables doivent «faire tourner» leur communauté et que les autres assistent simplement comme «spectateurs» ou «consommateurs» aux réunions. Notre société déçue du modernisme est en train de déstructurer la vérité, le rationnel, le langage pour créer une culture postmoderniste, où le concept de globalisation gagne tous les domaines. Ce n'est plus l'individu qui compte, mais la collectivité. On parle d'une «conscience collective», d'une «responsabilité collective», d'une «pluriculture», d'une religion «syncrétiste», etc.
Tout est relativisé et n'a de valeur que par rapport au sujet et non plus par rapport à l'objet. Donc, c'est ce que je perçois et ressens qui est vrai et non plus ce que Dieu a révélé dans sa Parole. De cette façon, l'irrationalisme et le mysticisme ont aussi pénétré dans l'église. Il y a d'autre part une sorte de nouvelle désespérance proche du nihilisme, Dorothy Sayers, contemporaine de C,S. Lewis, disait que le péché de nos jours est «le péché qui ne croit en rien, ne se soucie de rien, cherche à ne rien savoir, ne touche à rien, ne prend plaisir en rien, ne déteste rien, ne trouve d'objectif en rien, ne vit pour rien et reste en vie parce qu'il n'y a aucune chose pour laquelle il veut mourir». Mais ce péché, c'est l'ego consumériste se manifestant dans le domaine spirituel comme dans les choses matérielles.
Sortons donc de notre égocentrisme et de notre confort. Soyons des disciples du Seigneur à part entière et offrons nos vies à Christ (Gal 2.20) en le servant de tout notre cœur. Nous en appelons à notre belle jeunesse : engagez- vous selon 1 Tim 4.15-16: Applique-toi et sois tout entier à cette tâche, afin que tes progrès soient évidents pour tous. Veille sur toi-même et sur ton enseignement avec persévérance, car en agissant ainsi, tu sauveras et toi-même et ceux qui t'écoutent. Mettez vos dons au service de votre église, tout en continuant à servir Dieu dans vos différentes professions. Dieu a besoin de chrétiens engagés dans l'église locale. Michel Bohrer, dans son article "Eglise de Jésus-Christ: quo vadis?", nous exhorte à maintenir et à développer l'aspect tridimensionnel des ministères dans l'église: l'adoration, l'édification et l'évangélisation. La Parole de Dieu doit occuper la principale place dans cela, suivie de la communion, de la prière et de la formation continue. Une église qui développe ces trois points simultanément croîtra en maturité et en nombre. En développant une philosophie des ministères, nous devons nous inspirer du modèle de l'église néo-testamentaire. Nous y trouvons des absolus permanents et transculturels: l'organisme qu'est le corps de Christ, les fonctions et les principes des ministères, la vérité et le message (son contenu).
En revanche, la mise en oeuvre de ces absolus, soit: l'organisation de l'église, les formes et les modèles, la tradition et les méthodes, sont autant d'expériences non normatives, sujettes à variations selon les temps et les cultures. L'histoire de l'église nous est très utile pour comprendre cela. Si notre culture change, nous devons tenir ferme dans les absolus, les fondements de notre foi, la vérité, le contenu du message, tandis que dans les méthodes et les formes d'approche, nous pouvons opérer des changements pour atteindre nos contemporains. Les fondements de la foi ne se négocient pas, parce que la Parole de Dieu reste immuable. La formation dans l'église est déterminante. Si nous formons systématiquement les chrétiens dans les Ecritures, nous serons alors équipés pour adorer Dieu et pour édifier l'Eglise. L'évangélisation devrait être permanente et poursuivie à différents niveaux. Chacun est un témoin du Seigneur par la puissance du Saint-Esprit pour attester que Jésus-Christ est notre Sauveur et Seigneur (Act 1.8). Nous le ferons par notre attitude et nos paroles, aussi simples soient-elles. Face à ce monde postmoderniste, l'apologétique chrétienne devrait être systématiquement enseignée. Si nos églises avaient une vision biblique correcte du monde, elles pourraient ainsi mieux résister aux divers courants philosophiques. Nous assistons actuellement à une marée d'attaques subtiles contre la doctrine du salut en Jésus-Christ seul. En Suisse romande, par exemple, le pasteur Shafique Keshavjee vient de publier un roman philosophique intitulé «Le roi, le sage et le bouffon», où «dans une contrée lointaine, un roi organise de surprenants jeux olympiques: le premier Grand Tournoi de la Vérité qui oppose des représentants des grandes religions du monde, le bouddhisme, l'hindouisme, l'islam, le judaïsme, le christianisme. L'athéisme même est invité à participer... De ces grands courants de pensée qui ont marqué l'histoire du monde, quel est le meilleur, le plus juste?... Le jugement final ne désigne aucun vainqueur, on s'en doute». Et le journal (La Presse Riviera/Chablais 10.02.98, p. 7) cite le verdict du roi: «La religion qui me paraît la plus adaptée, c'est la religion... que je choisirais pour ma vie personnelle».. et il décide d'accorder dans quatre ans, une médaille d'argent «à la tradition qui aura fait le plus d'efforts pour réellement comprendre et servir les fidèles».
Malheur à moi, si je n'évangélise pas, s'écriait Paul. Ce langage est diamétralement opposé à celui d'un évangile tronqué. Ne perdons jamais de vue notre responsabilité d'apporter la Bonne Nouvelle à tous ceux qui sont perdus, au près et au loin. Ce qui compte n'est pas que les hommes soient bien dans leur peau et heureux, mais qu'ils soient sauvés. Et ce message clair du salut doit être proclamé avec passion. N'est-ce pas un ordre du Seigneur dans Mat 28.18-20: Allez, faites de toutes les nations des disciples.
Nous concluons avec le témoignage des Thessaloniciens relevé par Paul: Vous vous êtes convertis à Dieu, en vous détournant des idoles pour servir le Dieu vivant et vrai et pour attendre des cieux son Fils qu'il a ressuscité d'entre les morts, Jésus, qui nous délivre de la colère à venir (1 Thes 1,9-10). Servir Dieu dans l'attente du retour de Christ, voilà qui nous donne un nouveau courage et qui nous remplit d'espérance et de passion pour Celui qui vient bientôt nous introduire dans la gloire.
Henri Lücher
Pour aller plus loin:
Servir Dieu - Le service du croyant / Cours Credo
Mieux servir l'Eternel / FAQ 237
Pourquoi et comment servir Dieu ? / FAQ 149