Zone grise...
Je suis dans l’indécision comme d’autres sont dans les affaires... PIERRE DANINOS
Élie s’avance devant tout le peuple et dit : « Jusqu’à quand est-ce que vous allez danser tantôt pour l’un, tantôt pour l’autre ? Si c’est le Seigneur qui est Dieu, adorez le Seigneur ! Si c’est Baal qui est Dieu, adorez Baal ! » Mais dans le peuple, personne ne lui répond. 1 ROIS 18.21
Il n’y a plus de neige, mais pas encore d’herbe et de feuilles vertes, il ne fait plus assez froid pour faire une grande flambée dans la cheminée, mais pas assez beau pour prendre l’apéro dehors, quel que soit le temps que l’on passe à choisir ses vêtements le matin, on le regrettera avant le soir, trop couvert, pas assez... Journées estivales et hivernales se succèdent, sans ordre et sans logique. On dit parfois, une entre-saison...
Cette « entre-saison » existe aussi dans nos vies intérieures. Une saison confuse, grands espoirs et abattement, bien-être et vague à l’âme sournois, on ne sait pas trop... Ces moments où l’on n’est plus, mais où l’on n’est pas encore, entre deux portes, entre deux chaises, entre deux vies... La zone grise de l’indécision, un no-mans-land entre deux étapes.
Il faudrait prendre des décisions, fixer un cap, tracer droit devant, avancer avec détermination pour retrouver un chemin balisé, une route fréquentée, un itinéraire planifié... Mais justement, la caractéristique de ces entre-saisons est l’indécision, on ne sait pas, on n’est pas sûr, on n’ose pas, on chipote, un pas en avant, un pas en arrière, on fait des plans, on fignole des plans, des tonnes de plans... qui finissent tous à la corbeille. Dans ces moments là nous découvrons que nous avons plein d’amis qui ont bien connu Job. Des grands « Yaca » des beaux « Ilfo » ou encore des « Ilsufide ». À les entendre tout est si simple, si limpide, rien que du noir foncé et du blanc immaculé, il n’y a aucune raison d’hésiter, de douter, il faut juste...
Mais cela ne nous aide guère, nous nous sentons seuls et incompris... Nous ne sommes pourtant pas les premiers ni les derniers à devoir traverser, entre les saisons de nos vies, ces zones grises de l’indécision, ces heures de doute et de confusion. Pierre, celui qui allait devenir « l’apôtre Pierre » a dû expérimenter cela 1. Après de grands espoirs, il a renié, trahi, abandonné. Disciple raté et pécheur infructueux, pris au piège entre deux vies qu’il ne pouvait retrouver. Même les poissons étaient contre lui, ne voulaient pas entrer dans son filet...
C’est là, dans cette zone d’échecs concentrés que la voix du maitre a retenti sur les eaux sombres du lac. Le repas était prêt, le poisson cuit à point, le pain tout chaud. Il ne le savait pas encore, mais une nouvelle saison allait commencer... un nouveau printemps, une belle moisson d’été.
Si vous êtes dans la zone grise, ne perdez pas courage, n’écoutez ni les corbeaux ni les amis de Job, mais patientez un peu, restez là où vous êtes et écoutez ! Il ne vous a pas abandonné, bientôt sa voix va retentir et vous transporter, en quelques mots, dans la saison d’après.
Philip
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1 Jean 21.3-14
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