Histoire vraie de Sebti 10
L'accident!
– Venez! On va casser tous les carreau: de l'usine! Tu vises lequel, toi?
– Celui de droite, en haut.
– Moi, je prends la fenêtre du milieu.
– Et moi, celle qui est au-dessus de la porte. Elle est plus grande, j'ai plus de chances de la toucher!
– Attendez! On se met tous à la même distance. Le premier qui casse son carreau a gagné. D'accord? Allons-y! Sebti se concentre. Il ferme un oeil pour mieux viser. Sa main gauche serre le manche du lance-pierres. Entre le pouce et l'index de l'autre main, il retient un caillou qui tire, tire sur l'élastique...
Tout a commencé l'autre jour dans le bosquet, quand Sebti a remarqué une petite branche fourchue.
– Quelle belle fronde je vais faire! Trois coups de scie, quelques finitions au couteau... il n'y avait plus qu'à fixer l'élastique. Bien entendu, les copains l'ont imité. Et maintenant, ils vont pouvoir mesurer leur adresse!
Lentement, l'étreinte des doigts se relâche. Soudain... paff! La pierre catapultée a frappé le montant de la fenêtre.
– Raté! je recommence! dit Sebti, tirant de sa poche un nouveau projectile. Avant qu'il ait le temps de viser, une vitre vole en éclats, touchée par la pierre d'un tireur plus chanceux.
– Un à zéro!
– La revanche, à présent!
Après l'installation dans le vieux wagon, très vite Sebti a trouvé des copains. Depuis lors, chaque fois qu'ils le peuvent, ils sont ensemble. Sebti se plaît dehors. Il est bien assez enfermé dans le wagon en hiver, pendant les jours de congé et les longues soirées froides. Ah! quel contraste quand il rentre de l'école! Après une classe très claire et parfois surchauffée, il doit se contenter du misérable fourneau et de la si timide lampe à pétrole. Et chaque fois que le temps est humide, c'est dans le wagon qu'on tend des cordes pour faire sécher la lessive. Mais maintenant, heureusement, c'est la belle saison. Il faut en profiter. A chaque rencontre, le clan imagine de nouveaux exploits! Aujourd'hui, l'usine abandonnée leur fournit l'occasion d'exercer leurs talents de tireurs...
C'est un jeu dangereux, petits galopins! Si la police vous voyait... Et quand les carreaux ne seront plus que des trous noirs, qu'allez-vous encore inventer?
– On va faire des lance-pierres géants! suggère déjà Sebti. Commençons par chercher de vieilles chambres à air. On les attachera bout a bout... Ca nous donnera un élastique super-puissant!
– Mais comment tu vas le tendre?
– Pas de problème: je grimpe à un arbre j'attache la première chambre à air à une branche solide, la dernière à la branche d'en face... et je peux tirer des deux mains. Un vrai canon, vous verrez. Au lieu de petites pierres, on pourra canarder avec des boulets gros comme le poing!
L'amusement dure quelques jours. Mais ensuite... quoi d'autre?
– Si on se faisait des arcs?
Aussitôt, nos joyeux lurons s'en vont couper quelques branches flexibles.
– Une entaille à chaque bout... une ficelle solide... à présent, préparons des flèches bien pointues!
Premier essai! La flèche s'élève à la hauteur des arbres, puis retombe et se plante à quelques dizaines de mètres.
– Formidable! Encore plus haut! Ils sont habiles, ces jeunes tireurs.
Mais un jour, lâchée trop tôt, une flèche part horizontalement en direction de Zin, le jeune frère de Sebti...
– Aïe ! – Oh! du sang... Tout penauds, les garçons accompagnent le pauvre Zin jusqu'au wagon. |
Un attroupement se forme. Avec la mère de famille, départ à l'hôpital, dans la vieille voiture des voisins...
Mais où donc est Sebti? Personne n'en sait rien! Pris de panique, et redoutant le retour de son père, il a filé. Il erre longtemps, malheureux, abattu. La nuit tombe. Dans le wagon, on discute avec un voisin. Soudain, à la porte, une tête apparaît. Sebti! Que va dire son père? Rien! Le pauvre tireur d'arc est déjà bien puni. Il n'a pas fait exprès. A quoi serviraient des coups? La mère donne à son fils des nouvelles de Zin:
– II doit rester plusieurs jours à l'hôpital. Son oeil est perdu!
Sebti est triste. Il le sera longtemps. Jamais il n'oubliera. Mais cela ne l'empêchera pas de vivre d'autres aventures. Il va s'intéresser soudain à la vieille ferraille. Pourquoi? C'est ce que nous saurons bientôt.
Texte: Samuel Grandjean