Histoire vraie de Sebti - 7
Une aventure dans la nuit
– Euh! qu'est-ce que c'est, ces petits trucs blancs? se demande Sebti, tout en pédalant, au retour de l'école. Un moment, il s'arrête au bord du chemin pour voir voltiger ces premiers flocons. – Oh, mais... ça continue! Il y en a bien plus, à présent. Les branches, l'herbe, tout devient blanc, même mon manteau. Youpie! c'est sûrement ça, la neige! Quand Sebti et sa soeur Aouacha ouvrent les volets le lendemain matin, ils n'en croient pas leurs yeux. Une épaisse couche blanche a tout recouvert. Vite, ils sortent, et s'amusent à laisser partout l'empreinte de leurs pas.
Enfin Sebti peut découvrir toutes les joies de l'hiver. Il aura même une luge, et les pentes ne manquent pas. Que de descentes, pendant ces vacances de Noël!
– Mais... c'est quoi, Noël? se demande l'enfant. Mes parents ne savent pas. Mes copains?... mais lequel faut-il croire? Pierre dit que c'est un vieux bonhomme à barbe blanche, qui distribue des bonbons. Mais Claude n'est pas d'accord. Elle a parlé de sapins décorés, avec des cadeaux dessous. Et d'après Dominique, on prépare une petite cabane avec des moutons, un bœuf, des personnages... Alors Noël, c'est tout ça à la fois?
– Ecoute, Sebti! Voici le vrai sens de cette grande fête. Un jour, Dieu a envoyé Jésus sur la terre. Alors Jésus a quitté le beau palais du ciel, pour venir chez les hommes. Il a pris la forme d'un tout petit enfant...
Ah! si quelqu'un pouvait parler ainsi au fils du bûcheron. Au moins, il saurait!
Il fait nuit. Près de la forêt enneigée, on n'entend pas un bruit, en cette veille de Noël. Le chalet du bûcheron semble déjà dormir. Mais non. La porte s'ouvre! Sebti sort, et la referme.
Frrrt! En quelques bonds silencieux, un timide chevreuil a déjà déguerpi, laissant derrière lui la trace de ses pattes fines.
L'enfant descend l'escalier de bois, prend son vélo, et file, lui aussi. Mais où va-t-il tout seul, dans cette nuit d'hiver? Au cinéma, lui qui n'a pas neuf ans! Il a demandé la permission à son père. Sans trop réfléchir, le bûcheron a dit oui tirant de sa poche quelques pièces:
– Vas-y, mon fils! ça sera ton Noël!
Sebti roule prudemment entre deux remparts de neige. Sous la lumière du phare, quelques petits cristaux scintillent dans le froid. A l'entrée du village, l'enfant croise un traîneau. Les grelots du cheval tintent gaiement. C'est Noël, ce soir!
– Je vais au cinéma, mais... il est où? mais jusqu'à présent, Sebti ne s'est pas posé cette question.
– Oh! je le trouverai bien. Il est peut-être dans cette rue... Non. Pas de cinéma! Alors, dans cette autre... Rien non plus! J'ai dû mal regarder le long de la première. J'y retourne...
Le temps passe. Sebti cherche toujours. Il voit quelques personnes, mais n'ose pas les questionner.
– Qu'est-ce que je vais faire? Finalement, à force de tourner, et d'inspecter la façade des maisons, il finit par trouver...
– Oui, ça doit être là. Grimpons ces quelques marches, et poussons cette grande porte...
– Oh! quelle immense salle! Et quel monde, là-dedans! Il y a même des gens debout. Où est-ce que je peux trouver une place? Là, vers ce couloir? Non! je vais vers l'autre! ... Quels drôles de gestes il fait, ce monsieur tout au fond! Mais... ou est l'écra ? Ils vont sûrement le mettre. Euh! quoi? qu'est-ce qu'ils disent? Ils répètent tous ensemble quelque chose à voix basse! Je crois que... je crois... je me suis trompé d'endroit. C'est pas le cinéma, ici. Il faut que je parte!
Tout à coup, une main se pose sur l'épaule de l'enfant. Sebti se retourne, lève les yeux et croise le regard d'un monsieur tout en noir.
– Arrête de te faufiler partout! lui chuchote fermement cet homme. Tu nous déranges! Reste ici, à côté de moi! Voilà Sebti prisonnier, dans une église au lieu d'un cinéma!
– Ils se lèvent tous... ah, bon! ils vont sortir... mais non, c'est pour chanter! Et de nouveau ils répètent quelque chose qu'on leur a dit du fond... Tout près, le monsieur me regarde toujours. Tant pis, je vais attendre!
Très longtemps, le petit Algérien reste planté là. Il regarde à droite, à gauche. Il écoute sans comprendre. Ah! si l'on pouvait entendre un signal de sortie, un peu comme à l'école. Mais non, la fin ne vient jamais!
Une fois encore, Sebti regarde son "gardien". L'homme a baissé la tête. Il ferme les yeux. Ce n'est pas pour dormir mais pour se recueillir.
– Il oublie de me surveiller. C'est le moment! A pas feutrés, l'enfant se hâte vers la porte. Qu'elle est lourde à tirer! Dès que l'espace le lui permet, il se glisse dehors... Ouf! le voilà libre!
– Brrr ! il ne fait pas chaud! Vite, mon vélo! Il faut filer avant qu'on me rattrape!
La rue est déserte. Seuls quelques flocons dansent autour d'un réverbère. Mais derrière les fenêtres, il y a de la lumière. Sebti voit même des bougies sur des sapins qui ont poussé comme par enchantement dans beaucoup de maisons.
– Je vais vite rentrer, à présent. Tant pis pour le cinéma... il était peut-être bien, le film. Mais, avec tout ça... je sais toujours pas ce que veut dire Noël!
Texte: Samuel Grandjean