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Pavel 2 - Comme en prison !

– Eloignons-nous de la gare! décide Choura en prenant la main de son petit frère. Allons au village le plus proche pour essayer de mendier un morceau de pain. Viens, Pavel! Dieu ne va pas nous abandonner...

– Que faites-vous là? demande soudain une grosse voix juste derrière eux. Les enfants se retournent en sursaut. Un inconnu dans une sorte d'uniforme pose sur eux un regard interrogateur.

– Où sont vos parents?

Pavel et Choura voudraient bien répondre, mais que dire? D'ailleurs, en ce moment, les mots refuseraient de sortir de leur gorge.

– Venez avec moi jusqu'au camp de triage! dit alors l'inconnu d'une voix un peu plus douce.

Le camp de triage... un nom barbare qui ne dit rien de bon aux deux jeunes enfants. Vont-ils échouer dans une baraque pour orphelins? Mais ne serait-ce pas la seule façon d'échapper à la faim qui les tenaille, et au froid qui les mord cruellement? De toute façon, il n'y a pas à discuter. Avec l'inconnu, ils se mettent en chemin...

Quand ils arrivent au camp, des mots terribles leur donnent comme un coup de poignard en plein coeur:

– Toi, Pavel, tu seras dans cette maison! Et toi, Choura, tu iras dans le baraquement des filles. On t'y conduira en train, quelques gares plus loin!

– Non, non! supplient les deux enfants en larmes. Laissez-nous ensemble. On est frère et sœur. S'il vous plaît, ne nous séparez pas! S'il vous plaît, s'il vous plaît Monsieur!

Rien à faire! Brusquement, les voilà chacun de son côté, chacun des deux perdant dans l'autre ce qui lui restait de plus cher au monde...

Bientôt, Pavel se retrouve, à huit ans et demi, dans un bâtiment qui abrite trois cents garçons. La plupart vivent là depuis longtemps déjà. Hélas, le «nouveau» ne va pas passer inaperçu. «Souffre-douleur de la meute», c'est généralement le rôle qu'on réserve à tout nouvel arrivé.

Déjà le pauvre Pavel attire sur lui toutes les plaisanteries, les farces, et les pires vexations. Et quand on veut bien le laisser tranquille, alors il doit faire face à l'indifférence, pire encore que les disputes. Les premiers jours sont interminables. Et puis, à chaque repas il retrouve cette soupe exécrable qui l'écœure avec sa couleur d'eau sale et son absence de goût. Ah, comme tout était différent, au village de Sosnovka!

Au bout d'une semaine, Pavel n'a plus qu'une idée: s'évader. Mais comment? Il faut trouver une combine. Les jours passent. Les plans se précisent... Une nuit, sans bruit l'enfant se lève et met ses vêtements. Puis, sur la pointe des pieds, il quitte le dortoir et descend l'escalier. Une porte grince. Pavel est dehors... voici le portail. Il s'y agrippe, l'enjambe et saute de l'autre côté. Alors il détale à toutes jambes. Où va-t-il? Peu importe pourvu que ce soit le plus loin possible de la voie ferrée.

Les nuits sont froides, en Sibérie. Mais Pavel court toujours. Il ne se permet une première halte qu'à l'orée d'une forêt qu'il longe longtemps, longtemps... jusqu'à l'épuisement de ses forces. Alors il se laisse tomber sous un arbre, et s'endort presque aussitôt.

Soudain l'enfant gémit: des hommes terrifiants le rattrapent et le traînent jusqu'à l'orphelinat-prison. Là, on le frappe, puis il doit avaler des litres de l'horrible soupe.

– Arrêtez, arrêtez! hurle le pauvre Pavel en se débattant de toutes ses forces. Bientôt, il réussit à se redresser pour se retrouver... au pied d'un arbre. L'enfant se frotte les yeux. Quel bonheur, ce n'était qu'un cauchemar, ces hommes terrifiants. Pavel est là, tout seul mais libre. Le soleil du printemps vient caresser ses joues. Et les oiseaux chantent pour lui souhaiter la bienvenue dans leur grande forêt.

Pavel s'est assis. Que va-t-il faire, à présent? Retourner à son village natal? Retrouver la petite rivière où il se baignait parfois... Oui, c'est là qu'il veut aller. Pauvre enfant! Il oublie les distances. Et Choura? Il ne peut pas partir sans elle. Mais comment savoir où la retrouver? S'il rencontre quelqu'un et s'il pose des questions au sujet de sa sœur, à coup sûr on le remettra dans la «prison» des trois cents orphelins. Non! il faut s'éloigner au plus vite. Pavel se remet en marche. Tout un jour il force ses petites jambes à le porter plus loin. Avec soin il évite les maisons. Mais le lendemain déjà, il partira dans une direction qu'il n'aurait pas choisie. Laquelle?

Texte: Samuel Grandjean


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