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Jeannot et ses exploits - La forêt brûle

Cet après-midi, Jeannot est très occupé. En général les couvertures de son lit sont bien tirées, mais aujourd'hui, elles disparaissent sous une montagne d'objets divers. Chaque fois que le garçon entre dans la chambre, la montagne s'enrichit d'un nouvel élément: shorts, espadrilles, brosse à dents, gant de toilette, chaussettes, lunettes de soleil... A coup sûr, Jeannot prépare un voyage! En effet, notre ami va passer trois semaines dans un camp biblique près du massif du Mont-Blanc. Ceux qui y participent en reviennent toujours très heureux. Alors lui aussi se réjouit d'y être...

Après un voyage en train pendant toute une nuit, Jeannot arrive en Haute-Savoie, accompagné d'un bon nombre d'autres jeunes. De la gare du Fayet, le parcours s'effectue en car jusqu'au village des Contamines-Montjoie, à 1200 mètres d'altitude. Enfin, on y est. Autour d'une jolie maison, une vingtaine de tentes mettent leur tache claire dans le vert sombre des sapins. Un jeune homme sympathique, d'une vingtaine d'années, pose sa main sur l'épaule du nouveau campeur:
– Ces montagnes sont belles, n'est-ce pas Jeannot? Viens, tu seras dans mon groupe et tu habiteras sous cette tente avec trois camarades.

Bien vite Jeannot est à son aise dans la grande famille du camp. Il va participer aux excursions, même jusqu'au pied des glaciers.

Quelle joie, au retour, de se rafraîchir au bord du torrent! Quant aux veillées, elles ne sont pas monotones: on chante de joyeux refrains, et la Bible est présentée d'une façon si vivante.

Un jour, on va pique-niquer au Montjoie, colline voisine, en partie boisée. Chaque troupe prépare sa soupe sur un foyer rapidement installé. Il est très agréable de manger en plein air, tout près des sapins. La soupe a ce bon goût de fumée que les mamans ne savent pas lui donner!

Avant de quitter les lieux, on éteint soigneusement chaque feu. On y verse de l'eau, on le recouvre de terre pour que tout reste propre. Et vers quatre heures, les cris joyeux s'éloignent. Le lendemain, on grimpe sur l'autre versant de la vallée, profitant du temps exceptionnellement beau cette année. Au retour, plusieurs campeurs remarquent une fumée qui s'élève du Montjoie. Sans doute quelque montagnard essaie-t-il de brûler des branches encore trop vertes. Maintenant, tous les garçons arrivent au camp. En fin de journée, comme d'habitude, c'est la veillée, puis le silence de la nuit.

Jeannot dort à poings fermés, enfoui dans son sac de couchage. Soudain, il est tiré de son sommeil. Quelqu'un est entré dans la tente pour réveiller le chef de groupe, juste à côté de lui. Il doit se rendre tout de suite dans le réfectoire. Il se lève rapidement, et sort. Intrigué, Jeannot réfléchit : ce n'est pourtant pas le matin, il fait encore tout nuit. Pour s'en assurer, le jeune campeur soulève la toile de la tente. Dans le ciel noir, il voit quelques étoiles, puis...
– Oh! le Montjoie, c'est tout rouge derrière! laisse-t-il échapper, au risque de réveiller ses camarades. Peut-être que la forêt brûle! Vite, je vais sortir de mon sac de couchage, et aller vers la maison. On me dira sûrement ce qui se passe!

Les moniteurs sont déjà tous réunis dans la salle. Plusieurs grands garçons arrivent encore. Personne ne remarque Jeannot. Chacun est trop préoccupé par ce que le chef de camp déclare:
– La forêt brûle au Montjoie et notre camp est responsable de cet incendie qui a éclaté là où nous avons pique-niqué avant-hier! Tout paraissait en ordre quand nous avons quitté les lieux. Mais nous étions trop près de la forêt. Le terrain est si sec, après ce mois de soleil, que le feu a couvé pendant plus de vingt-quatre heures sous la cendre, se communiquant lentement en profondeur par les racines. Maintenant toute la forêt est menacée. Quelques pompiers essaient de lutter en creusant des tranchées, mais celui que j'ai vu tout à l'heure m'a dit: «Nous sommes vaincus d'avance! Il faudrait que le torrent coule pendant une heure là-haut!» Nous sommes fautifs, aussi devons-nous participer à la lutte. Quelques aînés vont partir pour se mettre à la disposition des pompiers et leur apporter des vivres. Ici, avec ceux qui sont réveillés, nous allons supplier Dieu. Il est le Tout-Puissant!

Dans le silence de la nature, on entend le bruit d'un moteur qui peine: c'est la grosse jeep des pompiers. Une fois encore elle grimpe le long du chemin, apportant sur la colline ses mille litres d'eau: bien peu de chose pour éteindre une forêt, surtout quand le feu gagne du terrain!

Au camp, on prie. Au Montjoie, on redouble d'efforts, mais on désespère... Plus haut, le secours vient! Subitement de gros nuages cachent les étoiles. Sur le Montjoie, et là seulement, ils déversent des tonnes d'eau. Les flammes baissent... l'averse redouble. Les pompiers avaient souhaité le torrent pendant une heure... Ils auront dix torrents à la fois! La pluie tombe, serrée. Les lutteurs doivent battre en retraite et se réfugier dans un chalet voisin. Au camp, il ne pleut presque pas. Tout se concentre là-haut. La vallée reste sèche!

Le lendemain, le soleil brille! Tous les garçons ne parlent que de l'incendie et de cette pluie si providentielle. Quinze jours vont encore passer avant la prochaine averse. Cela ne prouve-t-il pas aussi que Dieu accomplit des miracles, maintenant encore?

Allez aux Contamines-Montjoie aujourd'hui, et questionnez, comme je l'ai fait, l'un des habitants du hameau des Echenaz. Peut-être entendrez-vous aussi ces mots dans la bouche d'un vieux montagnard: «Le Tout-Puissant a répondu, cette nuit-là!»

Texte: Samuel Grandjean


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