16 - Aracy arrive au lycée
- Eh bien, Aracy! dit M. Orlando en faisant quelques pas avec sa fille adoptive, bientôt la vie sérieuse va commencer pour toi!
D'un geste souple, la jeune Indienne ramène ses cheveux en arrière.
- Je sais… soupire-t-elle en pensant au lycée. Plus que quelques semaines!
- Tu n'as pas l'air de te réjouir beaucoup! Mais la petite ville de Dourados n'est qu'à six kilomètres de notre Mission. Chaque jour, tu rentreras à la maison. Tu restes avec nous. Ne t'en fais donc pas! Que veux-tu? A douze ans, il faut bien que tu poursuives tes études, si tu souhaites devenir institutrice.
- Je sais, Papa. Pour les cours, je me réjouis d'aller au lycée… Seulement je suis Indienne!
- Et alors?
- D'autres jeunes de ma race ont essayé d'entreprendre des études secondaires. Après quelques semaines, ils ont abandonné!
- Ils étaient sûrement beaucoup moins bien préparés que toi. Ici, tu as reçu une bonne base. Cela va t'aider!
- Sûrement mais il n'y a pas que cela…
- Qu'est-ce donc qui t'inquiète? Aracy hésite un instant à répondre.
- Au lycée, je ne serai malgré tout qu'une Indienne! Il paraît que les Blancs sont parfois si durs, si méprisants envers ceux de ma race. Ils nous regardent de haut, comme si les Indiens n'étaient que des chiens. Ici, pas de problème, bien sûr! Les missionnaires nous aiment. Ils sont venus pour nous. Mais les autres, en ville…
- Ecoute, ma chère Aracy! dit M. Orlando plein de compréhension, il est vrai que de tristes choses se passent. Mais tu ne dois surtout pas voir en chaque Blanc un ennemi des Indiens! Au lycée, il n'est pas certain qu'on te méprisera parce que tu es d'origine caiua. Et puis… Dieu ne peut-il pas te protéger là aussi?
- Oui, je le crois, papa!
- Efforce-toi d'aimer tes camarades, même les plus dédaigneux. Respecte tes professeurs. Applique-toi, Aracy! Montre qu'une jeune Caiua peut aussi réussir!
- Je vais essayer, papa!
- Et si tu as des problèmes, nous sommes là pour te donner des conseils!
- Seigneur, aide-moi! va prier bien souvent la jeune fille en pensant au lycée. Et si des camarades me provoquent, si des professeurs me méprisent parce que je suis Indienne, que je n'aie surtout pas de la haine pour eux dans mon cœur!
Plus que trois jours… plus que deux… C'est lundi, jour de la rentrée! Le cœur d'Aracy bat très fort quand elle grimpe sur le char à deux roues qui va la conduire en ville. En grinçant, le véhicule s'ébranle.
- Bon courage! crie Dona Loide.
Tandis que le char avance sur le chemin de terre rouge, Aracy s'adresse à Marco, l'Indien qui tient les rênes:
- En ville, s'il te plaît, dépose-moi assez loin du lycée!
On y est! A présent, Aracy continue à pied. Voici la rue… le bâtiment… elle entre!
- C'est peut-être une Indienne! a pensé dans la cour un garçon frappé par ce visage et ces longs cheveux noirs.
Intimidée, Aracy est entrée dans la classe… Comme partout, on commence par l'appel. L'un après l'autres, les élèves répondent en entendant leur nom.
- Aracy Andrade! lit le professeur.
- Présente! répond la jeune fille.
Puis l'appel se poursuit. Mais au fond de la clase, une lycéenne pousse du bras sa voisine:
- Tu as entendu son prénom? chuchote-t-elle. C'est sûrement une Indienne. Je me demande d'où elle vient.
A la récréation, la jeune fille s'approche d'Aracy.
- Où habites-tu? lui demande-t-elle, curieuse.
- A la Mission Caiua.
- Alors… tu es Indienne?
- Oui! Tu connais la Mission Caiua? Si tu veux, je te la ferai visiter un jour. Il y a une école, un hôpital, et beaucoup d'autres choses. C'est dans une réserve, mais tu pourras entrer si tu viens chez moi. Et si ça t'intéresse, ensemble on ira voir une maloca.
Ainsi, le premier jour déjà, au lycée le bruit court: une élève est Caiua ¨Et les craintes d'Aracy? Elles s'évanouissent vite. Ses camarades se montrent pleins de prévenance. A les observer, on a même l'impression qu'ils sont flattés d'avoir une Indienne parmi eux. |
Nous retrouverons bientôt Aracy en compagnie de deux étrangers. Rencontre inattendue, dont vont découler bien des choses…
Texte: Samuel Grandjean