Le secret d'Adja
Chapitre 5: petit drame à table
Les jours passent. Mais le secret d'Adja reste très bien gardé. "Où l'enfant va-t-il donc chercher les récits qu'il raconte?"
C'est la question que les parents se posent. On a fouillé sa chambre. En vain...
- Je n'ai pas trouvé un seul livre qui puisse nourrir ainsi l'imagination de notre pauvre enfant!
- Mais alors... se demande le père, de plus en plus préoccupé, où puise-t-il toutes ces stupidités?
Qui se douterait que la source continue de jaillir dans le bois? Quand Varfalomeï raconte la Bible aux enfants réunis, ce n'est pas sur le papier que toutes ces choses s'impriment, mais dans le cœur d'Adja.
Jamais comme ces jours-ci Adja et son jeune frère Micka ne sont allés aussi souvent se promener. C'est toujours à la même heure qu'ils sortent, dès que l'étude avec leur mère est finie. Et c'est toujours dans la même direction qu'ils partent, leur petit panier à la main "pour les fraises qu'on trouvera!" comme ils disent chaque fois.
Plus les jours passent, plus Adja est émerveillé par tout ce qu'il apprend. Plus il éprouve aussi le besoin de partager la joie de ses découvertes. Mais à qui en parler
Au salon l'enfant n'a pas le droit d'aborder ces sujets. En se montrant très ferme, Victor Demeïntiev a pensé mettre fin aux "chimères" de son fils. Peine perdue!
Si le salon est devenu zone interdite à de tels propos, reste heureusement la chambre des deux enfants. Adja y retrouve souvent la vieille gouvernante. En cachette, elle aussi croit en Dieu. Le secret d'Adja, Fidossia le connaît, mais elle a promis de bien le garder. Avec confiance, Adja peut donc déverser sur elle le trop plein de son cœur.
Mais elle est mince, la paroi qui sépare le salon et la chambre des enfants. Un jour Adja oublie cela quand il rapporte à Fidossia la suie du récit. Sans même tendre l'oreille, de la pièce voisine son père entend très distinctement:
- Tu sais, Fidossia, le Fils de Dieu était plein de force et de sagesse, mais humble malgré tout. Et quand les aveugles ou des malades venaient vers lui, il savait les guérir, et même...
Brusquement la port s'ouvre.
- Arrête avec ces sornettes! crie le père, furieux. Je ne veux plus t'entendre parler de ça. C'est compris?
Adja baisse la tête et se tait. Mais il se dit déjà:
- Quand je raconterai la suite à Fidossia, il faudra que je parle plus doucement!
Le lendemain, l'enfant glisse à l'oreille de la gouvernante ce qu'il a entendu dans le bois quelques heures plus tôt:
- Tu te rends compte, Fidossia, ils l'ont mis sur une croix, lui qui ne leur avait fait que du bien. Ils l'ont laissé mourir. Jésus n'avait jamais péché, mais il portait sur lui tous les péchés du monde! Ça lui a coûté la vie. Après, on l'a enlevé de la croix. Dans un jardin il y avait une sorte de grotte. Ils l'ont mis là. Ils ont fermé l'ouverture avec une énorme pierre qu'ils ont même cimentée. Des soldats sont venus garder l'entrée...
Pendant deux jours, rien ne s'est passé. Mais le troisième jour, la terre a tremblé, et la pierre a roulé. Les soldats se sont évanouis de peur. Jésus venait de reprendre vie. Oui, oui, Fidossia: il est ressuscité! Il avait été plus fort que la mort. Il est revenu vers ses disciples. Tous ont pu le voir; il était vivant. Il leur a parlé. Il a mangé avec eux. Puis il est retourné au ciel. Il ne mourra plus jamais. Bientôt il reviendra. Alors tous ceux qui ont cru en lui reprendront vie. Et Jésus repartira avec eux dans son palais du ciel. Avec eux, tu te rends compte, Fidossia, c'est fantastique!
Un soir, la famille Demeïntiev reçoit des amis pour le repas. Adja et Micka sont de la fête. L'un des invités parle d'une dame en train de perdre la vue:
- Le docteur a dû lui dire qu'il ne peut plus rien pour elle!
- La pauvre, c'est terrible! dit tristement Raïssa.
Avec un soupir, Adja laisse échapper :
- Si cette dame avait vécu au temps de Jésus, elle aurait pu être guérie!
Croyant à une plaisanterie, les invités éclatent de rire. mais le père d'Adja se lève, contrarié. Il prend l'enfant par le bras et l'emmène dans une pièce sans lumière.
Combien de fois devrai-je encore te répéter que tu dois te taire? ajoute-t-il en claquant la porte.
Puis la clé tourne dans la serrure!
Très gêné, Victor Demeïntiev rejoint ses invités et tente d'expliquer :
- A mon grand regret, notre fils a dû dénicher quelque part un livre plein de légendes. Malheureusement il croit tout ce qu'il lit. Alors il est fasciné par des histoires rocambolesques. Cela nous contrarie beaucoup.
- Ce n'est pas en le punissant que vous obtiendrez quelque chose, Victor! observe un ami. Montrez-vous plutôt indifférents, et vous verrez... votre fils finira pas laisser tout ça de côté.
- Penses-tu vraiment priver ton fils du repas? demande timidement Raïssa. Ce qu'il a dit n'est tout de même pas si grave...
- Il mangera plus tard, à la cuisine ! répond Victor Demeïntiev.
Après le dessert, les invités passent au salon. Alors Adja entend tourner la clé. La porte s'ouvre. Son père est sur le seuil:
- Va vers Fidossia. Elle te donnera quelque chose à manger! dit-il sèchement.
Prévenue, la brave gouvernante s'apprête à consoler son jeune protégé. Mais elle est très surprise: dans les yeux de l'enfant brille un éclat de joie:
- Tu sais, Fidossia, j'ai été une heure en prison à cause de Jésus!
De graves événements vont venir secouer la famille Demeïntiev. Maladie? guerre? accident? Non! Alors lesquels?
Nous le saurons bientôt.
Page modifiée le 2 septembre 208 par pl