Le mot "génération"
Question:
Dans Luc 21, Jésus annonce des événements épouvantables et ajoute: "Cette génération ne passera pas, que tout cela n'arrive". Comment comprendre le mot génération ?
(Cette question a été posée à la rédaction de la revue "Le Témoin AB". Nous remercions l'éditeur d'avoir autorisé la publication de la réponse.)
Réponse:
De toute évidence, beaucoup de nos contemporains se posent des questions au sujet de l'accomplissement des prophéties, et nous comprenons votre perplexité par rapport aux textes de Luc 21:27,32 et Matthieu 16:28 que vous citez. Vous avez bien fait de vous référer au contexte du passage de Luc 21, et en particulier à ce verset 27 qui fait allusion au glorieux retour du Seigneur. Peut-être vous êtes-vous aussi arrêté à la prophétie des versets 29-31 où Jésus reprend l'image du figuier pour dépeindre le réveil national d'Israël; dans ce passage, il ajoute la mention "et tous les arbres", allusion indéniable à un phénomène contemporain coïncidant avec la restauration d'Israël, celui du réveil du nationalisme chez de nombreux peuples.
L'association des flashes prophétiques de Luc 21:29-32 a poussé bien des chrétiens à en tirer une déduction prématurée: puisqu'une génération peut être assimilée à une période de quarante ans – l'Ancien Testament le fait à diverses reprises; ex. Nombres 32:13 – la renaissance d'Israël (le figuier) en 1948 ne pouvait qu'appeler le retour de Christ en 1988 ! Mais avaient-ils raison dans cette interprétation ?
S'il est vrai que le retour du Seigneur s'approche d'année en année, le fait même dont parle Luc 21:27 doit néanmoins être précédé d'une série d'événements d'importance (comme l'enlèvement de l'Eglise et les jugements apocalyptiques), des événements auxquels la plupart des commentateurs de l'Ecriture attribuent une période minimale de sept ans. Si donc la génération dont le Seigneur parle en Luc 21:32 devait commencer en 1948 et durer quarante ans, il aurait fallu parler d'abord de 1981 pour l'enlèvement de l'Eglise puis de 1988 pour l'avènement du Seigneur.
C'est dire que le mot génération peut avoir un autre sens, et que la durée d'une génération au sens biblique du terme est de caractère extensible. Certains sont même allés très loin, assimilant une génération à la période d'un siècle, en s'appuyant notamment sur Genèse 15:13 et 16, qui mentionne successivement quatre cents ans puis quatre générations, les deux périodes concernant apparemment le même laps de temps *.
Face à la diversité des interprétations, je pense qu'il est temps d'examiner le sens étymologique de l'expression "génération", dans les textes originaux. Le mot hébreu "tol'doth" signifie avant tout procréation, production, et est traduit soit par génération, origine, postérité, ou même histoire; ce terme a donc plusieurs sens. Ainsi quand Moïse introduit le Psaume 90 par les mots: "Seigneur ! tu as été pour nous un refuge, de génération en génération", il a à l'esprit toute la période s'étendant d'Abraham à la sortie d'Egypte.
Le mot "grec genea" de Matthieu 17:17 est traduit par génération (Darby, TOB) ou par race (Segond, Synodale, la Colombe, etc.). Ailleurs, en Luc 11:50-51 par exemple, le Seigneur prédit qu'il sera "demandé compte à cette génération du sang de tous les prophètes qui a été répandu depuis la création du monde"; or il envisageait par ces paroles les souffrances endurées par le peuple juif à travers les siècles, et non celles de ses seuls contemporains des années trente de l'ère chrétienne.
Le Nouveau Dictionnaire Biblique répond très directement à la question posée par notre correspondant. Au départ du mot génération et au sujet de Luc 11:50-51, il explique: "Cette génération... par quoi il faut entendre sans doute race, car c'est toute la race qui est coupable, et non pas seulement les contemporains de Jésus. De même Jésus annonce en Luc 21:32: "Cette génération ne passera point, que tout cela n'arrive". Ceci semble avoir deux sens. La génération même qui avait crucifié le Christ a vu la destruction de Jérusalem et la déportation hors de la Palestine annoncée dans les versets 20-24; d'autre part, c'est un fait que cette race durera jusqu'au retour glorieux du Seigneur et verra s'accomplir tout le reste du chapitre." (Nouveau Dictionnaire Biblique, édition Emmaüs).
En guise de conclusion, rappelons qu'on ne peut pas dater les événements au départ du mot génération. Le Seigneur l'a précisément stipulé en rapport avec son prochain retour: "Ce n'est pas à vous de connaître les temps ou les moments que le Père a fixés de sa propre autorité" Actes 1:7. Bien que le retour de notre bien-aimé Sauveur soit pour nous une transcendante et très heureuse perspective, il ne nous incombe pas de chercher à la placer dans le calendrier, mais plutôt à nous y préparer, selon les paroles du bon vieux cantique : "Comme si c'était aujourd'hui".
Samuel Lüthert