Est-il vrai que Jean Calvin fit condamner Michel Servet au bûcher ?
Question:
En effectuant des recherches sur la notion de prédestination sur votre site je suis tombé sur un article parlant de Jean Calvin et de ses contradicteurs, notamment Michel Servet.
Est-il vrai que Jean Calvin fit condamner au bûcher Michel Servet ou est-ce une pure invention de Wikipédia ?
Réponse:
Le pasteur Pascal Denault (unherautdansle.net) a fait toute une série sur l’histoire de la Réforme. Je me permets de résumer ici son propos.
Servet a été arrêté pour blasphème et hérésie (il niait ouvertement la Trinité) à Genève. Les autorités civiles de Genève s’étant déclarées incompétentes pour juger l’affaire, elles ont fait appel à Jean Calvin qui était à la fois juriste et théologien. Servet a alors accusé Calvin, le traitant d’hérétique et demandant qu’il soit condamné. Néanmoins, il n’a pas obtenu gain de cause. Sa condamnation a été prononcée et ratifiée par plusieurs autres Églises réformées de Suisse.
La condamnation à mort a été prononcée pour hérésie et pour avoir non seulement cru certaines erreurs mais pour les avoir diffusées, menaçant ainsi l’ordre public.
Calvin a ainsi fait partie de ceux qui ont condamné Servet au bûcher. Il faut noter 5 éléments pour bien comprendre.
1) Cette condamnation est une tragédie, une erreur de la Réforme en général et de Calvin en particulier. Les éléments qui suivent permettent de comprendre cette erreur, mais c’est bien une erreur qui a été commise.
L’essence de la Réforme (qui suit les enseignements bibliques) est d’ailleurs de souligner que l’être humain est totalement dépravé, c’est-à-dire qu’il est entièrement contaminé par le mal, dans toutes ses facultés. Ni Calvin, ni Luther n’étaient des personnes parfaites et les deux, comme tous les hommes, ont eu besoin de la grâce de Dieu pour être pardonnés. Ils n’étaient pas parfaits pendant leur vie terrestre.
2) A l’époque, l’autorité civile et l’autorité religieuse n’étaient pas séparées. En pays catholique, Servet aurait aussi été condamné à la même peine. Il y avait un consensus pour condamner Servet car ses thèses étaient non seulement une grave offense envers Dieu mais elles constituaient aussi un trouble grave à l’ordre social. Sébastien Castellion s’est opposé à cette condamnation à l’époque mais il fait plutôt figure d’exception.
L’erreur n’est pas de condamner Servet, mais d’appliquer des peines civiles à des délits liés à la foi. L’autorité de l’Eglise se trouve dans l’excommunication (Mt 18:15-18 par exemple), pas dans le pouvoir de l’épée (Rm 13:1-7).
3) Calvin n’a été que l’instrument du pouvoir politique contre Servet. Je n’enlève pas son erreur, mais ce sont les autorités civiles de l’époque (et non les autorités religieuses) qui ont accusé Servet et lui ont intenté un procès.
4) La forme de la mort est terrible. Calvin a tenté de changer le mode d’exécution pour éviter le côté horrible de cette exécution mais il n’a pas été entendu.
5) Servet n’est pas le libre penseur que certains dépeignent (statue en son honneur à Annemasse, à 10 km de Genève). Il était très virulent dans ses attaques contre tous ceux qui ne pensaient pas comme lui. Si son exécution n’est pas glorieuse, ne commettons pas l’erreur inverse de le voir comme un héros.
L’affaire Servet n’a pas été bien gérée par Calvin, il s’est lourdement trompé. Il a agi selon les coutumes de son temps. Il faudra attendre le siècle suivant et les puritains (John Owen, par exemple), pour une séparation des autorités religieuses et civiles.
Donc, il est légitime de souligner que Calvin a été un grand théologien. Par les dons que Dieu lui a accordés, il a été une bénédiction pour tout le mouvement réformé et pour tous ceux qui se réclament de l’Écriture seule. Mais seul Jésus a mené un vie parfaite. Calvin a commis des erreurs mais cela ne doit pas nous faire rejeter son œuvre.
Je termine par cette citation trouvée sur le monument élevé par les autorités de la ville de Genève, le 27 octobre 1903 (350e anniversaire de la mort de Servet) sur les lieux de l’exécution et qui résume bien ces éléments:
«Fils respectueux et reconnaissants de Calvin notre grand réformateur mais condamnant une erreur qui fut celle de son siècle et fermement attachés à la liberté de conscience selon les vrais principes de la réformation et de l’Évangile, nous avons élevé ce monument expiatoire».
Olivier