Quelle foi pour aujourd'hui ?
"Le 21e siècle sera spirituel ou ne sera pas." Malraux avait-il visé juste ? En tout cas, "de plus en plus de jeunes élevés sans religion décident d'en adopter une. Ils renvoient leurs parents à leurs idéologies défuntes, à leur vide spirituel, et se prononcent pour l'existence de Dieu". (Dossier: Dieu et les jeunes, L'Express no 2103, oct.91)
"Dieu est éminemment moderne" conclut le cinéaste Serge Moati, après trois ans de recherche sur les pratiques religieuses."Partout où je suis allé, j'ai constaté la même chose: la soif de Dieu n'est jamais étanchée." (Dossier: Le besoin de Dieu, L'Express no 2267, déc.94).
Besoin de Dieu, donc. Besoin de croire. Mais de quelle foi s'agit-il ?
Question délicate dans un temps qui cultive l'oecuménisme tout en assistant à la montée des intégrismes religieux.
Foi tolérante, oecuménisme...
À la question: "Quelle est la valeur à laquelle vous attachez le plus d'importance?" les Français répondent: "la tolérance." (Sondage IPSOS publié par Femme pratique, déc.84). Et à 78%, ils ne sont pas d'accord avec la pensée suivante: "Il n'y a qu'une seule religion qui soit vraie". (Sondage C.S.A. publié par L'Actualité Religieuse dans le Monde, mai 94.)
C'est l'heure du relativisme, des échanges oecuméniques:
– 1986: rencontre d'Assise pour la paix dans le monde
– 1994: le pape accueille au Vatican 400 délégués de toutes les religions...
On dialogue, et de plus en plus, on choisit ses croyances. "À chacun de se débrouiller avec sa spiritualité" constate Yves Lambert, sociologue. Il n'y a pas de vérité, ni d'absolu. "La religion est devenue une sorte de grand libre-service. On prendrait bien un peu de Bouddhisme, un peu d'Hindouisme, un peu de Catholicisme. (Dossier: Le besoin de Dieu, L'Express no 2267, déc.94).
"Après tout, c'est le même Dieu" pensent certains.
Toutes les religions mènent-elles à Dieu ?
Plusieurs religions, un seul message ?
Des messages qui se complètent ?
Pour GANDHI, aucun doute: "Les religions sont comme des routes différentes convergeant vers un même point". Cependant, comment concevoir ce "point" quand:
- Le Christianisme, le Judaïsme et l'Islam présentent un seul Dieu, l'Hindouisme compte 330 millions de Dieux et le Bouddhisme ne laisse pas de place pour un Dieu suprême !
- L'espérance après la mort est tantôt une vie auprès de Dieu, tantôt une autre vie sur terre, ou une fusion avec le Dieu, ou encore le néant (nirvana)!
Et nous pourrions multiplier les points de divergence, voire d'incompatibilité. Toutes les religions ne peuvent pas mener à Dieu et nous ne pouvons pas non plus faire notre "cocktail". Une religion forme un ensemble indissociable: soit elle est la Vérité et elle conduit à Dieu, soit elle n'est pas la Vérité et se révèle alors inutile dans notre recherche de Dieu.
Une telle réflexion, même si elle est logique, nous fait quelque peu frémir: est-ce la porte ouverte à l'intégrisme ?
Foi fanatique, intégrisme...
Conflits religieux dans le monde entier: protestants / catholiques ; juifs / islamistes ; hindouistes / bouddhistes...
Violence "au nom de Dieu": cinéma brûlé en oct.88; affaire Rushdie en fév. 89; Airbus piraté en déc.94 par le "commando des fous de Dieu", comme l'a surnommé Le Nouvel Observateur... Tout cela ne donne pas envie de croire et encore moins de pratiquer !
Le fanatique, en effet, nous choque par ses actes, ses discours, sa logique qui lui est propre:
- Il est convaincu de détenir la vérité, rien que la vérité, toute la vérité.
- Il est prêt à l'imposer, au besoin par la violence. Il y a presque 50 ans le philosophe Cioran écrivait déjà: "celui qui aime indûment un Dieu contraint les autres à l'aimer, en attendant de les exterminer s'ils s'y refusent... Il ne vous pardonne pas de vivre en deçà de ses vérités... ", comme en témoignent les propos entendus par Matoub Lounes, chanteur berbère détenu pendant 15 jours par le G.I.A.: "Si mon propre père touche aux valeurs de l'Islam, je n'hésiterai pas à le tuer". Si la peur donne des ailes, le fanatisme, lui, donne du zèle, un zèle intransigeant.
- Il se substitue à Dieu. Le fanatique prétend toujours parler et agir "au nom de Dieu". Par contre, il montre rarement son mandat !
- Il est attaché aux formes. Cherchant à vivre une foi traditionnelle dans une société en pleine mutation, l'intégriste se trouve souvent en réaction contre le changement, la modernité. Il se crispe alors sur les formes qu'il confond avec le fond.
- Il mélange le temporel et le spirituel, la vie politique et la vie religieuse. Il veut non seulement transmettre un style de foi mais aussi un style de vie, de lois. Le fanatique ne sépare pas toujours la religion des revendications sociales et des phénomènes nationalistes.
- Le fanatisme, cette "lèpre lyrique" comme l'appelle Cioran, n'est pas à proprement parler de la foi. C'est plutôt une caricature de la foi, une passion qui a pris appui sur la religion, un besoin d'identité, d'affirmation de soi.
Alors, quelle foi pour aujourd'hui ?
- Une foi qui aime.
"...je pourrais avoir toute la foi pour déplacer les montagnes, mais si je n'ai pas l'amour, je ne suis rien. Je pourrais distribuer tous mes biens et même livrer mon corps pour être brûlé, mais si je n'ai pas l'amour, cela ne me sert de rien" (1 Corinthiens, ch. 13,v. 2-3). Le fanatisme, dénué d'amour ne sert à rien."Ce qui importe, c'est la foi qui agit par l'amour" (Galates, ch. 5, v. 6). " - Une foi qui respecte les autres, sans pour autant aplanir toutes les différences.
La Bible encourage le croyant à se montrer "aimable envers tout le monde, capable d'enseigner et de supporter les contrariétés. Il doit instruire avec douceur les contradicteurs" (2 Timothée, ch. 2, v. 24-25). Pas question ici d'imposer sa foi mais de l'exposer "avec douceur".
"J'ai cru, voilà pourquoi j'ai parlé" (2 Corinthiens, ch. 4, v. 13) explique l'apôtre Paul. Si je crois que quelque chose est vrai et important, je ne vais pas le garder pour moi sinon mon respect d'autrui ressemble plus à de l'indifférence qu'à de la tolérance.
- Une foi qui sait ce qu'elle croit.
Dans un monde où la notion de Dieu est de plus en plus floue, où on ne sait plus comment vivre sa spiritualité, l'affirmation de l'apôtre Paul résonne comme un défi: "Je sais en qui j'ai cru". " Avoir la foi, c'est être sûr de ce qu'on espère" (Hébreux, ch. 11, v. 1), c'est s'appuyer sur les déclarations de Dieu, croire ce qu'il dit. "La foi naît du message que l'on entend, et ce message, c'est celui qui s'appuie sur la parole du Christ" (Romains, ch. 10, v. 17).
En effet, "personne n'a jamais vu Dieu. Mais le Fils unique (Jésus-Christ) qui est Dieu, et demeure auprès du Père, l'a fait connaître" (Jean, ch. 1, v. 18). Il a Lui-même affirmé: "Je suis né et je suis venu dans le monde pour parler de la vérité" (Jean, ch. 18, v. 37).
Ne serait-il pas intéressant de savoir ce qu'il a dit ? Pourquoi ne pas commencer à lire l'Évangile ?
Marie-Christine Favre