Perdu ou sauvé ?
Au bord de la mer du Nord
Les nuages gris traversaient le ciel à toute allure en ce début de matinée. Sur la plage de sable, des équipes jouaient au volley, au badminton, ou à d'autres jeux rapidement conçus, dont l'intention véritable était de réchauffer les opposants face au vent perçant de la Mer du Nord.
J'étais insouciant, à part le trouble que produisaient en moi ces nuages fugitifs mais presque agressifs. J'aurais voulu les arrêter, pouvoir les interroger sur le sens de la vie, mais ils s'échappaient et me laissaient avec mes questions.
J'étouffais le bouillonnement des réponses qui tentaient de faire surface dans mon esprit. D'ailleurs, aucune d'elles ne m'avait paru satisfaisante par le passé.
Le petit port de pêche retenait mon attention plus que les jeux de la plage. Même si les bateaux ne s'absentaient que quelques heures pour ramener leur moisson grouillante, chaque embarcation semblait revenir avec sa propre histoire, son aventure personnelle.
J'étais captivé par le ballet incessant des bateaux qui rentraient ou sortaient, chacun faisant sa révérence lorsqu'il redescendait de la crête des vagues. Ce spectacle m'intriguait tellement ! D'autant plus que cet après-midi-là, j'allais faire une grande sortie de pêche en haute mer, en compagnie des camarades du camp auquel je participais. J'imaginais déjà les filets gonflés de merlans, maquereaux et autres espèces de poissons.
Que se passe-t-il au large ?
Une sirène mit fin à mes rêves. Aussitôt, des marins se mirent à courir vers un hangar d'où ils sortirent un bateau tout neuf aux lignes élancées. Ces événements se déroulèrent en un éclair, cependant ils restent à jamais gravés dans ma mémoire.
Le bateau de sauvetage, propulsé par deux moteurs puissants, plongeait sous les vagues, se redressait, puis secouait sa proue. Il se frayait un chemin à travers les vagues en furie qui semblaient vouloir le prendre dans un étau. Tous les yeux furent rivés sur ce minuscule bouchon dans les éléments déchaînés, jusqu'à perte de vue. «Ce sont deux de nos propres marins-pêcheurs qui sont en difficulté! » disait-on, de spectateur en spectateur, «leur bateau a pris une bordée au moment où il changeait de cap et il est en train de couler – les sauveteurs n'arriveront pas à temps!».
La mer semblait crier: « Je suis plus forte que vous!»; elle ponctuait son défi en prenant d'assaut les quais du petit port au moyen de ses violents rouleaux.
Il nous fut difficile de nous arracher des rochers, mais il nous fallait regagner le camp. Le vent se lamentait, mais chacun restait silencieux, grave, redoutant le pire. Le repas s'acheva dans le silence propice à la méditation, puis nous retournâmes au port, vers ce havre de paix convoité par les bateaux confrontés un jour ou l'autre aux éléments déchaînés.
Après une attente interminable, quelqu'un pensa les avoir découverts avec ses jumelles: «L'autre bateau est au remorquage !» disait-il. Enfin, le beau bateau de sauvetage arriva entre les jetées en tirant derrière lui le bateau de pêche. Celui-ci n'avait pas coulé grâce à sa structure de bois, mais il se trouvait retourné.
Le drame
«Où sont les marins-pêcheurs ?», criait -on autour des bateaux. Les mots venaient péniblement aux lèvres du capitaine des sauveteurs: «Ils ont dû être surpris par une déferlante... Ils n'ont pas eu le temps de s'agripper à la coque du bateau et il n'y avait personne sur les deux radeaux de sauvetage qui flottaient à côté!» Personne ?...
Les sauveteurs nous informèrent qu'ils avaient fait de nombreux tours à proximité du naufrage sans trouver personne. Il n'y avait donc plus d'espoir de trouver des survivants.
Cette dernière phrase tomba sur l'assemblée comme un verdict solennel. Un à un, chacun reprit le chemin vers la ville. Pour certains, comme écrit Paul Valéry, leur sentiment était que «la mort parlait d'une voix profonde pour ne rien dire».
Pour d'autres, cependant, c'était la pensée de «la vie après la vie» qui les préoccupait. Était-ce la fin de tout? Je marchais main dans la main avec mon père. Il allait rendre visite aux deux foyers nouvellement endeuillés pour leur apporter une parole de sympathie, de réconfort.
Perdu ou sauvé ?
De retour au camp environ deux heures plus tard, il me raconta comment cela s'était passé. Une femme accablée de chagrin avait ouvert à la première porte. Elle ne cessait de répéter: «Il est perdu, il est perdu...». Son désespoir total martelait mes oreilles... perdu, perdu !
Il en fut tout autrement quand la deuxième porte s'ouvrit: «Il n'est plus là, mais il était sauvé», disait la nouvelle veuve. Sauvé ? Que signifiait ce mot-là? Perdu... Sauvé... Perdu... Sauvé. Les battements de mon coeur faisaient écho à ces deux mots si poignants. Etais-je sauvé ou perdu ? Où allais-je passer l'éternité ?
Et c'est alors qu'on est venu vers moi avec une Bible ouverte où je pus lire: «Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son fils unique afin que quiconque croit en Lui ne périsse point mais qu'il ait la vie éternelle.» (Jean 3,16).
Cette vie là, la vie de l'éternité, je la voulais – et comment...!
Sauvé !
On m'a expliqué que le Christ était mort pour régler le compte: le compte de mes péchés, de mes mauvaises actions, de mes mauvaises pensées et qu'il attendait de moi que je l'en remercie et que je m'approprie son pardon.
Puis on m'a dit que si j'acceptais ce pardon, il serait accompagné d'une nouvelle façon de vivre... pas une force impersonnelle, mais une présence. Cette présence c'est Jésus-Christ qui dit «celui qui vient à moi, je ne le mettrai point dehors». (Jean 6,37) Et ce jour-là Jésus-Christ est devenu le Sauveur de ma vie.
Subitement la joie a inondé mon coeur... Je n'étais plus perdu... sans espoir pour l'éternité, mais j'étais sauvé, et Jésus-Christ m'a donné la vie.
Vous pouvez vivre la même démarche... Quand je revois cette journée d'orage, qui ressemble tant à la vie, j'ai du mal à comprendre pourquoi chacun ne se hâte pas de le faire au plus vite.
Briand Frédéric Tatford