Histoire vraie de Sebti 21
Un curieux chantier
– Ohé, Sebti! s'exclame Zin amusé. Avec ces cheveux blancs, te voilà devenu vieux!
Certes, il est bien loin le temps où Sebti courait après les bourricots. C'était en Algérie, près du désert de sable. Sebti était enfant...
Mais Zin plaisante, car son frère n'a qu'une vingtaine d'années, à présent. Alors, ces cheveux blancs? Comment est-ce possible? Voici l'explication:
Nous sommes à Villeurbanne. C'est samedi après-midi. Perché sur une grande échelle double, un peintre en bâtiment travaille avec acharnement. Il tape, tape, tape encore pour décrépir un mur. Ce peintre, c'est Sebti. A chaque coup de marteau, des plaques de vieux plâtre se détachent, pour se fracasser par terre. Quel nuage de poussière blanche! Les cheveux frisés de Sebti en sont couverts!
Riant encore, Zin se remet à l'ouvrage. Maniée habilement, sa pelle glisse sous les gravats, soulève des débris et... hop, dans la brouette!
Au fond du couloir, un jeune plombier tord et arrache les restes d'une vieille tuyauterie. C'est Jean, l'ami réunionnais. Brahim est aussi de la fête: dans un mur noirci par les années, il perce une porte, passage bien utile dans ce labyrinthe de cloisons.
Tout vibre et tout résonne de coups de marteau, de pioche ou de burin. Quel branle-bas! Mais... n'est-ce pas samedi? Tous les chantiers sont fermés, en principe. Alors, pourquoi toute cette activité ici? Pour des heures supplémentaires bien payées? Non: ces jeunes travaillent bénévolement.
Voici le "contremaître"! Il apporte un plateau de pain et de fromage.
– Arrêtez, les gars! crie-t-il très jovialement. Arrêtez-vous un moment. Voilà le casse-croûte. Ohé! reprend-il d'une voix plus forte, craignant de ne pas être entendu dans ce vacarme de démolition.
– Je vide vite ma brouette! crie Zin. Plus loin, les plaques de plâtre continuent de tomber tandis que, de son côté, Jean poursuit sa bagarre avec les vieux tuyaux:
– J'arrive! J'ai presque fini!
– Ah! ces jeunes! s'exclame Fernand Voiblet en posant son plateau. Ils sont merveilleux. Quand ils s'y mettent, allez les arrêter!
Il faut dire que, pour eux, Fernand est un précieux exemple. Car lui aussi fait largement sa part. Quant à Jenny, elle a le souci des repas, ce qui n'est pas peu de chose. Mais, quel étrange chantier! Il y a plusieurs années que Sebti est devenu chrétien. Plusieurs années aussi qu'il a rencontré Brahim, puis Jean et d'autres camarades. Que de fois, depuis lors, ils se sont retrouvés chez Fernand et Jenny. Etudier la Bible ensemble le vendredi soir, c'était très bien. Mais assez vite, à cause du nombre de participants, l'appartement est devenu trop petit. Que fallait-il faire? Dans un autre quartier, Anne-Marie Blandenier réunit chaque semaine des petits Algériens pour leur parler de Dieu. Ces enfants de familles nombreuses sont parfois si méprisés. Pourtant, c'est aussi d'eux que Jésus-Christ parlait quand il a dit: "Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas!" |
Maintenant, quelqu'un s'occupe d'eux. Quelle joie! Ils sont nombreux à venir écouter les histoires de la Bible. Anne-Marie les raconte si bien. Le problème, c'est la place. Il faudrait une chambre bien plus grande. Certains enfants restent debout tandis que les autres sont assis deux par chaise. Mais quelle attention! Et quel enthousiasme, quand ils chantent!
Pressés par ce besoin de locaux, Anne-Marie, Jenny, Fernand et leurs amis ont souvent prié. Ils se sont aussi mis à chercher. Un jour... ils ont trouvé! A deux pas de Lyon, dans un quartier tranquille de Villeurbanne, ils ont découvert une vieille usine. Ses lourdes machines dormaient depuis longtemps sous une couche de poussière. A côté des ateliers, il y avait une cour et une petite maison grise servant d'habitation. Le tout était à vendre.
– On pourrait transformer ces locaux! a dit Fernand. Vidés de leur contenu, les ateliers donneraient au moins quatre petites salles. Ce serait l'idéal pour les enfants comme pour les jeunes. Et nous pourrions loger juste à côté!
Alors l'Action Biblique, une oeuvre missionnaire qui existe pour faire connaître la Bible, a décidé d'acquérir la vieille usine. Rapidement informés, beaucoup de chrétiens ont aidé par leurs dons. Des enfants de Suisse ont aussi envoyé quelque chose "pour que leurs petits amis de là-bas puissent mieux se réunir."
Fernand et Jenny ont déménagé. Avec eux, Sebti et ses camarades se sont mis de bon coeur à l'ouvrage.
L'usine a vite changé d'aspect et de nom. Maintenant, c'est "le Foyer". Les machines ont disparu, les plafonds délabrés aussi. Il y a bien encore quelques trous et des toiles d'araignées, mais plus pour très longtemps...
– L'an prochain, vous verrez, c'est ici qu'on pourra fêter Noël avec tous les enfants. Ce sera merveilleux!
– Ici, Dieu va sûrement faire de grandes choses, si nous Iui sommes fidèles!
Texte: Samuel Grandjean