Histoire vraie de Sebti 4
Un grand départ
– C'est quand qu'il arrive? demande Sebti, impatient.
– Plus tard, plus tard! répond pour la dixième fois la mère de famille. Tu te réjouis de revoir ton père?
– Oh, oui! Et Aouacha aussi!
Très vite, la nouvelle de ce retour a couru dans le douar. On y est tous plus ou moins cousins. Et lorsqu'un membre de la famille rentre de l'étranger, c'est toujours un événement! En descendant du train, le père de Sebti s'est fait prêter un bourricot pour transporter ses bagages. Par la vaste plaine de sable, sous le soleil brûlant, le voyageur a pris le chemin du douar. Comme il est pressé de retrouver les siens!
– C'est lui, entend-on soudain au milieu de l'après-midi. Il arrive tout là-bas! Partons à sa rencontre! Sebti ne se fait pas prier! A présent, l'enfant se sent soudain empoigné, puis soulevé par deux robustes mains. Alors il entend ces paroles merveilleuses: |
– II doit être riche! chuchote une femme. Sebti entend, et se croit soudain fils d'un millionnaire! En réalité, dans l'est de la France, son père a reçu un salaire de bûcheron, mais au douar, c'est déjà beaucoup! – Des valises? s'est étonnée la mère de famille. A quoi ça va nous servir, ici?
– Ecoute! a répondu son mari, dedans il y a des habits. Vous en aurez besoin!
– Comment? ceux qu'on porte ne vont plus?
– Si, si, mais... je te dirai à la maison! Alors la mère de Sebti n'a plus posé de questions. Mais à présent, elle croit rêver .
– Voilà! dit le chef de famille, j'ai bien réfléchi. On va partir en France. On y vit mieux qu'ici. Mon patron est gentil. Il est même d'accord de nous louer un chalet dans la forêt. Tu verras, c'est beau!
– ... Un chalet dans la forêt, se répète la maman, qu'est-ce que ça peut bien être?
Quelques semaines plus tard, c'est la fête des adieux. Toute la famille s'en va, y compris Zin, le deuxième garçon, et Kamel, le bébé. Pour Sebti, finie l'école avec ses coups de baguette. Finies aussi, les promenade au souk et les courses à dos de bourricot! Le voilà installé dans un train: une maison qui roule en faisant des secousses et du bruit. Plus tard, il est près des bagages, sur le quai d'un grand port. Juste à côté se dresse un immense navire: encore une maison, mais gigantesque, et qui flotte! La famille y pénètre par une passerelle.
Ensuite, il faut descendre, descendre encore, par des escaliers de fer. Qu'il fait sombre, et que de monde, là-dedans! Passagers et bagages s'entassent dans la cale. On y étouffe!
– II y aurait de la place en première ou deuxième classe, mais c'est pour les gens riches!
– Alors... on n'est pas riches, nous? questionne l'enfant.
Les sirènes mugissent. Le navire va partir et prendre le large. Le vent souffle, la mer est forte. Le paquebot se met à tanguer. Dans la cale, beaucoup de gens sont malades. Sebti semble supporter assez vaillamment ce balancement continuel. Mais quelle traversée! Au petit matin, épuisés et pâles, les passagers montent sur le pont. Ouf! de l'air frais!
– On voit la côte française! s'écrie un vieillard à barbiche. Aussitôt, tous les regards scrutent l'horizon, effectivement barré d'une ligne plus foncée. Dans quelques heures, on pourra débarquer. Alors, pour Sebti, ce sera la découverte d'un monde où les gens parlent une autre langue et mangent une autre nourriture. Que d'aventures l'attendent en France, à commencer par celle de la hache. Mais laissons la famille s'installer. Nous la retrouverons bientôt...
Texte: Samuel Grandjean