Histoire de Natala
3e épisode: Les petits fugitifs
– II faut obéir au sorcier! a dit le vieil oncle. Demain matin, avant le lever du soleil, je tuerai Natala! Ces sinistres paroles ne cessent de résonner, lancinantes, dans l'esprit de la pauvre fillette.
Elle a supplié Dieu. Maintenant, elle sent qu'il faut agir.
Dans la case, trois personnes sont endormies: tout près d'elle, son petit frère, et plus loin, l'oncle et la tante...
Au milieu de la nuit, très doucement Natala se lève. Pourvu qu'elle ne fasse pas de bruit!
– Bon! mon petit frère, à présent! Mais si je le réveille, il va me poser des questions. Comment lui faire comprendre qu'il ne doit pas dire un mot? Non! le mieux, c'est que je le prenne dans mes bras et que je le porte dehors tout endormi. Alors je pourrai lui donner des explications.
Lentement, méthodiquement, Natala réalise son plan. Bientôt, la vieille toile tendue à l'entrée de la case se soulève et laisse passer la fillette et son précieux fardeau.
Les voilà dehors!
Le ciel est étoilé mais, cette fois, Natala n'a pas le temps de le contempler. Il faut partir, fuir au plus vite, aller le plus loin possible de cette maudite case! Natala ne pourra pas bien courir en portant son petit frère. Elle doit le réveiller, lui faire comprendre ce qui se passe. Doucement, elle met l'enfant debout. Les petites jambes fléchissent. Il dort encore! Natala le secoue un peu, ayant soin de mettre une main sur la bouche du bambin.
– Viens! chuchote-t-elle, nous devons partir, nous sommes en danger. Je t'expliquerai plus loin.
A présent, les jambes du petit le portent. Il se met à marcher. La main dans la main, les deux enfants avancent à pas feutrés. Heureusement, un gros quartier de lune éclaire leur chemin.
Ils font quelques détours pour éviter les cases. Ils atteignent la dernière du village. Ils la dépassent. En avant, à présent!
– On peut parler, maintenant?
– Oui! Qui nous entendrait? Peut-être une bête sauvage... soyons quand même prudents!
Voici le champ d'arachides. Natala y a passé tant d'heures à sarcler sous le soleil brûlant.
– II faut que nous soyons très loin quand il fera jour!
Voilà le marigot. Que de fois la fillette y est venue avec les seaux!
– Avançons, petit frère! On se reposera plus tard. On doit faire encore beaucoup de chemin, tu sais! Ils marchent, courent, trottinent, s'arrêtent, juste le temps de reprendre leur souffle et de savourer un instant l'air plus frais de la nuit.
Soudain, à leur droite, se dresse la silhouette sombre de quelques cases. Doivent-ils s'en approcher? demander asile et protection Et si ces gens connaissent le vieil oncle?
– Non! décide Natala, passons sans faire de bruit!
Les pieds du petit sont meurtris. Natala sent aussi la fatigue, mais elle n'en parle pas. Il faut marcher, marcher encore...
Depuis combien de temps sont-ils partis? Ils n'en savent rien. Sur une longue distance, ils ont traversé les hautes herbes. Mais à présent, la végétation change.
Ils s'enfoncent dans une forêt. Il y fait très sombre. Parfois une branche craque et les fait sursauter. Alors ils s'arrêtent net, écoutent, repartent, toujours plus loin... Enfin, par une trouée dans le feuillage, Natala voit que les étoiles pâlissent. Le matin approche.
– Voilà! cette fois il commence à faire jour! dit bientôt la fillette.
– Quand on va s'arrêter? demande le petit qui n'en peut vraiment plus.
– Dans un moment... tiens! on dirait que la forêt est finie... oh! regarde là-bas, cette drôle de case blanche...
– Qu'est-ce que c'est?
– Je ne sais pas. Restons ici. Viens, petit frère chéri. Reposons-nous au pied de ce gros arbre!
A dix et six ans, ils viennent de parcourir plusieurs kilomètres en brousse pour échapper à la mort. Le petit est couché, la tête sur les genoux de sa sœur. Natala est assise, le dos contre le tronc. Mais déjà elle glisse, glisse, et sombre dans un profond sommeil... Une grande surprise attend les deux enfants à leur réveil. Laquelle? Le prochain épisode nous le dira. Pour l'instant, chut! laissons-les dormir!