Jeannot pendant la guerre - Des jours bien sombres
– Maman! Quand est-ce que papa écrira de nouveau? demande souvent Jeannot.
- Je l'ignore, mon chéri. Tu peux être sûr qu'il pense à nous, mais il n'a peut-être pas le temps de prendre un crayon et du papier pour nous donner des nouvelles. C'est aussi possible que plusieurs lettres soient en panne quelque part!
– Et tu ne sais pas où papa se trouve?
– Non!
– Mais Dieu veille aussi sur lui, hein, maman.
– Certainement, Jeannot! Quel bonheur quand une lettre arrive enfin! Alors les deux enfants ont l'impression que leur cher papa vient passer un moment près d'eux. Puis, de nouveau, c'est le silence pendant des jours. Et les questions recommencent...
– Regarde, maman! dit un matin Jeannot qui vient de se réveiller. Etienne a la figure toute rouge! Viens voir! En effet, le visage de l'enfant est un peu boursouflé, et de petites taches rouges couvrent déjà tout son corps. On prend la température... 39,5! Pas de doute, c'est la rougeole! Du coup, Jeannot fait la même chose au bout de quelques jours.
Et la petite soeur de huit mois commence à son tour. Mais pour elle, c'est plus grave, car avec la rougeole elle attrape la coqueluche! Lydie fait tout ce qu'elle peut. Sans nouvelles de Jean, elle passe maintenant des nuits entières près de son enfant qui tousse et tousse toujours. Pauvre bébé!
Aujourd'hui, le médecin est très inquiet, car une pneumonie vient de se déclarer. Après qu'il soit sorti, Jeannot s'approche de sa mère et lui demande tout doucement:
– Maman, qu'est-ce que ça veut dire: "Pas d'espoir"? Lydie reste silencieuse. Son coeur est si triste! Jeannot sent qu'il se passe quelque chose de grave, mais à quatre ans, que peut-il bien comprendre?
– Pourquoi est-ce que la petite soeur ne me regarde plus, maman demande-t-il le lendemain matin. C'est l'occasion pour cette maman de parler du ciel à ses deux garçons. Le ciel, ce pays magnifique où leur petite soeur s'en va pour toujours près de Dieu. Etienne conçoit encore plus difficilement tout ce que la mort peut avoir de triste. Il fait ses commentaires:
– Regarde, maman, comme elle dort bien! Pourquoi est-ce qu'elle ne se réveille pas quand on parle tout près?
– Parce qu'elle s'est endormie pour toujours, mon chéri!
– Oh! quelle jolie robe tu lui as mise, maman, pour aller vers Jésus. Elle n'a jamais été si belle! Et nos deux garçons se mettent à taper des mains. Pour eux, c'est une fête! Pensez! leur petite soeur près du Seigneur Jésus!
– Comme les anges seront contents de la voir si jolie!
Deux jours plus tard, un ami de la famille apporte des fleurs... Il vient aussi pour emmener Etienne et Jeannot. Que pourraient-ils comprendre au cortège bien court qui tout à l'heure s'en ira vers le cimetière? De toute façon, ils savent qu'un jour ils reverront leur petite soeur au ciel. Cette assurance, Lydie l'a aussi dans son coeur, elle qui croit à tout ce que la Bible dit à ce sujet.
Mais... où Jeannot et Etienne ont-ils bien pu disparaître? Ils sont vite encore allés dire adieu à leur petite soeur. Et l'un d'eux s'est écrié:
– Tu en as de la chance, toi, de pouvoir partir au ciel! Le lendemain matin, Etienne se réveille plein de joie:
– Tu sais, maman! Ce matin notre petite soeur fait sûrement de la musique au ciel... Si elle tape du tambour, personne ne lui dit de faire doucement!
C'est que, pour ce robuste petit bonhomme, la plus belle musique est à coup sûr le tambour! Mais les circonstances présentes l'ont privé de son instrument.
Pendant ce temps, très loin au-delà des montagnes, un soldat a reçu cette dépêche: "Petite soeur au ciel!" A l'écart, il a prié avant de télégraphier: "Avec vous – affection – Job 1:21 – l'Eternel a donné, et l'Eternel a ôté. Que le nom de l'Eternel soit béni – courage – papa".
Texte: Samuel Grandjean