Une vie en danger!
Genovieva 29e épisode
– Votre fille fait trop parler d'elle! dit un agent de la sûreté, en s'adressant au père de Genovieva. Dites-lui qu'elle doit se présenter sans retard au bureau du chef de la Securitate... Et le policier ajoute cette confidence:
– Quitter la Roumanie, ce serait la meilleure chose qu'elle puisse faire! Vous êtes son père. A vous de la convaincre!
Décidément, les activités de Genovieva dérangent trop! Dans un pays dont les autorités ne veulent pas de Dieu, ces chants d'enfants chrétiens, à l'église et même hors de la ville, non, cela ne peut plus continuer!
Voici Genovieva dans le bureau du chef de la Securitate.
– Vous avez intérêt à quitter la Roumanie! lui dit-il sèchement. Et vous feriez bien d'être très attentive à ce que je vous dis!
– ... Comment devrais-je m'y prendre? soupire Genovieva.
– Ecrivez une demande! même tout de suite! répond l'officier.
Genovieva réfléchit. Partir... mais où aller? se demande-t-elle. A l'étranger, je n'ai pas de parenté. Je ne tiens pas à quitter ma famille. Les miens ne souhaitent pas non plus me voir m'expatrier. Et les enfants du choeur, et tous mes amis... quelle déception pour eux de me voir partir! Ils vont se sentir comme abandonnés. Mais après le "conseil" de la Securitate, Genovieva ne peut que se répéter:
– Elle est très habile, leur suggestion! Si je fais la sourde oreille, je risque d'être placée de force dans un camp de travail. Mieux vaudrait être loin des miens, mais dans un pays libre! Eh bien... c'est décidé! Au siège de la Securitate, Genovieva rédige donc une demande. Prudente, elle la formule ainsi: "Je sollicite l'autorisation de travailler comme femme de ménage dans mon église, ou sinon celle de quitter le pays!"
Les semaines passent, les mois aussi. Genovieva n'entend plus parler de cette démarche. Elle poursuit donc fidèlement ses activités avec les enfants.
Le choeur se développe encore. Ceux qui l'épient de loin sont exaspérés. Si nous pénétrions dans un certain bureau de la police secrète, peut-être entendrions-nous:
– Elle nous énerve, cette Genovieva! C'est une source de trouble dans tout le pays! Il faudrait la faire disparaître. Mais comment?
– Etudions la chose de plus près. Observons ses allées et venues, et mettons au point un plan d'intervention discrète mais efficace!
Un matin de janvier, deux personnes marchent d'un bon pas dans une rue tranquille. Malgré le froid mordant, Genovieva et son frère Costica sont allés chez des amis. Ils y ont rencontré plusieurs croyants menacés. Le frère et la soeur sont repartis les premiers. A cette heure-ci, pas grand mouvement dans ce quartier. Une voiture est pourtant stationnée un peu plus loin. Nos deux jeunes chrétiens n'y prêtent pas attention... Ils ont parcouru une centaine de mètres, quand le moteur du véhicule se met à ronronner, Bientôt ils arriveront à l'intersection... Ils y sont... Ils vont traverser la rue. La voiture surgit. Mais elle s'arrête. D'un geste amical, l'un des trois occupants fait même signe aux deux piétons de passer. Ils remercient de la main, et s'engagent sur la route... Alors le moteur s'emballe. Les pneus crissent. Et la voiture fonce... sur Genovieva! Conscient du danger, Costica saisit le bras de sa soeur, et la tire contre lui. Le véhicule les frôle, mais personne n'est touché. Maintenant, la voiture freine et s'immobilise.
– Ca, c'est un véhicule de la Securitate! s'exclame Costica, en voyant le numéro de la plaque. Les agents en civil paraissent tout surpris. Ils ouvrent la fenêtre de la voiture... Alors la réaction de Costica est aussi prompte qu'énergique:
– Vous avez voulu tuer ma soeur! crie-t-il. Peut-on savoir pourquoi? Mais les policiers font mine de ne pas entendre. La fenêtre de la voiture remonte. Puis la voiture démarre et s'éloigne rapidement. Coup très bien calculé, mais heureusement raté! Pourtant, pas de doute: Genovieva était visée. Sa vie est menacée. Que faire? Mettre toute sa confiance en Dieu, bien sûr, en se souvenant de ce verset: "Le nom de l'Eternel est une tour forte. Le juste s'y réfugie et se trouve en sûreté." (Proverbes 18:10.) La famille de Genovieva sait se cramponner aux promesses de Dieu. Elle connaît aussi les secrets de la prière. Mais cela ne l'empêche pas d'être très prudente.
Un soir, Genovieva est déjà couchée sur son banc, dans l'église. Il n'est pas encore tard quand, soudain, elle entend des cris...
Elle a vite compris: ce ne sont pas les paroles d'un homme spécialement bien disposé à l'égard des croyants.
– On va la fermer, leur église! On va la fermer! Ils finiront bien par s'arrêter de chanter! Le coeur battant, Genovieva se lève, écarte discrètement un rideau. Que voit-elle? Une voiture arrêtée juste devant le portail.
– Encore eux! soupire-t-elle. Seigneur! protège-moi! Enfin le véhicule s'éloigne. Le calme est revenu. Tant mieux! Mais peu avant minuit, des coups vigoureux viennent ébranler la porte! Vite Genovieva est debout. Elle est toute seule. Devrait-elle ouvrir? Surtout pas! Les coups cessent. Mais à présent... on s'apprête à forcer la porte! Genovieva grimpe sur un banc, ouvre doucement une fenêtre, l'enjambe... attend que, là-bas, la porte cède. -ça y est! Alors elle saute dehors. Comme un chat, elle réussit à passer par-dessus la grille.
Puis elle court chez des chrétiens qui habitent à deux pas. De chez eux, on peut même voir ce qui se passe dans l'église. Le policier met dehors tout ce qu'il trouve. Instruments de musique – ceux qu'on utilise avec le choeur! – enregistreur, partitions, tout passe dans la rue!
Comment faire déguerpir cet individu? Appeler la police? Ce serait peine perdue! Finalement, alerté par téléphone, un des responsables de l'église arrive sur les lieux. L'agent s'esquive, confus. Et tout se termine là.
Mais Genovieva n'est plus en sécurité. Devra-t-elle prendre la grande décision de quitter son pays? Et pourra-t-elle partir?
Texte: Samuel Grandjean