Prise au piège
Genovieva 9e épisode
Tant qu'elle étudiait, tout allait assez bien pour Genovieva. Mais depuis son renvoi de l'université, elle est sous une menace:
– Ici, se répète-t-elle, la loi interdit d'être sans travail. Il me faut vite trouver un emploi. Sinon, je risque d'être placée dans un camp de travail. Je préfère balayer les rues! Alors la jeune fille se démène, frappant chaque jour plusieurs portes. Elle se dit prête à faire n'importe quoi. Chaque fois, elle doit remplir un questionnaire, et partout elle entend: A la maison, elle n'est heureusement pas inactive. Dans une famille nombreuse, les travaux ménagers ne manquent pas, surtout quand le foyer reçoit très souvent d'autres croyants. Une fois par semaine en tout cas, l'un d'eux vient passer la soirée avec les parents de Genovieva. Il s'appelle Gheorghe. C'est un ancien instituteur, un chrétien convaincu. Pendant onze ans, il a été emprisonné à cause de sa foi. Mais il est resté inébranlable. Genovieva l'estime beaucoup. |
– C'est curieux! constate un soir le père de famille. Notre cher ami Gheorghe n'est pas venu, pourtant nous l'attendions pour le repas...
Bientôt, avec consternation, la famille apprend que cet homme vient d'être interné dans un hôpital psychiatrique. Dans certains pays – et c'est le cas en Roumanie – de telles institutions sont de véritables prisons pour bon nombre de chrétiens!
– On ne peut pas laisser notre ami tout seul dans cet hôpital! s'exclame Genovieva. Demain, je vais aller lui faire une visite.
Et voilà la jeune fille en chemin, avec un peu de nourriture que ce frère dans la foi appréciera certainement. Tout naturellement, elle se présente à l'entrée de l'hôpital...
– Une visite pour toi, Gheorghe! entend bientôt l'ancien instituteur.
Surpris, il regarde vers le couloir...
– Oh, Genovieva! s'exclame tout à coup le croyant. Quelle joie de te voir. Mais oui, je vais très bien! Pourtant il prend le bras de la jeune fille, et ajoute à voix basse:
– Viens, je vais te raconter ce qui m'est arrivé...
Prudente, Genovieva ne s'attarde pas trop. Mais elle se promet de revenir. Ce vénérable croyant n'est-il pas là comme en prison? Et la Bible ne dit-elle pas: "Souvenez-vous des prisonniers"?
Le temps passe. Genovieva continue de chercher du travail. Peine perdue. Il n'y a rien pour elle. Ah! comme elle serait heureuse de pouvoir reprendre ses études!
– Ecoute! lui dit un jour une ancienne camarade d'université. Tu as peut-être une chance. Un certificat médical pourrait tout arranger. S'il prouve que, pour raisons de santé, tu as eu besoin de plus de temps que d'autres pour te préparer, tu seras sûrement admise à une nouvelle session d'examens.
– J'ai un oncle qui est médecin à l'hôpital psychiatrique, explique l'étudiante. C'est là qu'on peut obtenir ce certificat.
– L'hôpital psychiatrique? Mais je le connais... J'y ai visité un ami de mes parents!
– Alors vas-y, présente-toi à mon oncle, ça marchera sûrement.
Longuement, Genovieva réfléchit. Cette démarche est bien ennuyeuse, mais que ne ferait-on pas pour régulariser sa situation?
– Eh bien oui, décide-t-elle enfin, je vais essayer d'obtenir ce certificat! Par précaution, elle se rend à cet hôpital accompagnée de sa sœur Aurora. Quel sera le résultat de cette consultation? Ah, si la jeune fille savait tout...
Dès le début les choses se présentent un peu différemment de ce qu'elle avait pensé :
– Il vous faudra passer la nuit ici, Mademoiselle, entend-elle bientôt. Le médecin ne peut pas vous voir aujourd'hui. Et il est très important que vous soyez "en observation" quelques heures avant cette visite médicale.
– Je vais donc rester, se résigne Genovieva. Rentre à la maison, Aurora, et dis à nos parents que j'arriverai demain!
Demain? Vraiment? Hélas, comme une souris prise dans une trappe, la pauvre Genovieva vient de tomber dans un piège! A présent, on lui fait comprendre que le certificat n'est accordé qu'après quinze jours passés dans cet établissement. Elle doit donc patienter. Mais ensuite... plus question de sortir!
Un jour, le directeur de l'hôpital l'emmène dans une petite pièce. On y trouve une table, une machine à écrire, une lampe, des bouquins.
– Installez-vous ici! dit le directeur. Voici plusieurs livres à traduire de l'anglais en roumain! Genovieva s'était dite prête à faire n'importe quoi, pourvu qu'elle ait du travail. A présent, une tâche lui est confiée. Sans salaire, bien sûr, et dans un établissement qui lui sert de prison! Oh, qu'elle est malheureuse!
Elle travaille dans un petit bureau, sous la surveillance constante d'un gardien qui ne cesse de lui répéter:
– Abandonne ta foi, arrête d'être chrétienne. Alors tout s'arrangera...
Un mois... deux mois, puis trois. Jusqu'à quand cet injuste emprisonnement va-t-il durer? N'y a-t-il donc rien à faire pour qu'elle sorte de là ?
Texte: Samuel Grandjean